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MOHAMED MEBARKI, MINISTRE DE LA FORMATION ET DE L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNELS, À L'EXPRESSION

"Nous ouvrons le chantier du numérique"

Plus de 84 000 postes de formation par apprentissage sont à pourvoir pour la rentrée prévue ce 26 février. Dans cet entretien, le ministre Mohamed Mebarki, revient en détail sur les projets et les ambitions de son département. Un grand projet pour une dynamique économique insoupçonnée. Peut-on imaginer qu'une économie aussi solide, aussi performante et aussi compétitive comme celle de l'Allemagne repose essentiellement sur la formation professionnelle?

L'Expression: Monsieur le ministre, en vue de la rentrée, votre ministère mène une campagne de communication envers les jeunes pour s'inscrire à la formation professionnelle. Mais commençons par lever une équivoque, un cliché selon lequel la formation professionnelle est un réceptacle de l'échec. En d'autres termes, comment faire pour que la voie professionnelle jouisse d'une valorisation sociale comme c'est le cas par exemple en Allemagne?
Mohamed Mebarki: La campagne d'information et de communication à l'endroit des jeunes, pour montrer toutes les possibilités qu'offre le secteur pour l'acquisition d'un diplôme et d'un métier, dure toute l'année. Elle est plus active en ce moment parce que nous préparons la rentrée du 26 février, et parce que les inscriptions seront closes le 18 février.
Pour revenir à votre question, je dirais qu'à l'instar de beaucoup d'autres sociétés, l'image de la formation professionnelle n'est pas aussi prestigieuse que celle classique et académique de l'Education nationale. Il existe, effectivement, des considérations sociales, subjectives, qui diminuent de la valeur des formations techniques et professionnelles, mais il y a aussi des raisons objectives qui expliquent le manque d'engouement: par exemple, l'inadaptation du système national d'orientation, qui doit prendre en charge les capacités et les voeux des élèves, et organiser les articulations entre les différents segments du système éducatif. Mais, tout cela ne fait pas de ce secteur un réceptacle de l'échec, et des jeunes qui le fréquentent des ratés et des incapables.
Conscient de l'importance d'un tel secteur dans le fonctionnent de l'économie du pays, le gouvernement travaille à lui donner toute sa dimension. Pour ce faire, notre plan d'action est simple: d'abord mettre en place les moyens et les méthodes pour asseoir un système de formation moderne et attrayant. Ensuite, mener en permanence une campagne d'information et de communication, à l'endroit des jeunes et de leurs parents, sur les possibilités et les avantages de la formation aux métiers, et pour faire reculer tous les clichés négatifs.
D'un autre côté, il y a les réalités sociales et économiques qui imposent à tous un certain nombre de comportements; je pense à l'intérêt que peut susciter tel ou tel cursus en termes d'insertion dans le monde du travail. C'est le cas en Allemagne que vous citez, comme exemple de réussite en formation professionnelle: les diplômes les plus prisés sont dans les formations professionnelles courtes.
Sur le plan organisationnel, le secteur se modernise à travers les méthodes, et surtout à travers l'élargissement de la nomenclature à de nouvelles spécialités, plus en rapport avec l'évolution des techniques et des métiers. La relation avec l'entreprise est mieux organisée, notamment par l'implication de l'entreprise dans la définition des programmes et des contenus, ainsi que dans la formation par apprentissage. Et puis, on s'intéresse, dorénavant, au devenir des diplômés de la formation professionnelle, pour assurer des formations et des spécialités utiles. Les statistiques et informations sur l'insertion à l'emploi, des sortants de la formation et l'enseignement professionnels, sont encourageantes.
Nous sentons que les appréhensions sur la formation professionnelle sont déjà en train de changer, et les clichés négatifs reculent. Il y a beaucoup de signes; par exemple de nombreux bacheliers et licenciés s'inscrivent dans les différentes spécialités en BTS.

Aujourd'hui il est plus que nécessaire de réorganiser le secteur de la formation professionnelle pour l'adapter aux besoins de la sphère économique: le gouvernement a-t-il une stratégie dans ce sens?
La stratégie du gouvernement en matière de formation professionnelle, consiste à former pour faciliter l'employabilité des jeunes, d'un côté, et répondre aux besoins du développement en ressources humaines qualifiées nécessaires, de l'autre. L'offre de formation est souvent construite avec les opérateurs du secteur économique, selon leurs besoins.
Egalement, l'organisation du secteur vise à l'amélioration permanente de l'acte de formation et de qualification de la ressource humaine, selon les évolutions des métiers et des technologies, pour faire face aux mutations économiques dans le monde. L'objectif permanent est la modernisation et l'actualisation des méthodes de formation pour répondre de manière rapide et efficace, aux évolutions des techniques, et aux besoins urgents et prioritaires de la conjoncture économique du pays. C'est pourquoi, la démarche du secteur est basée essentiellement sur une plus grande ouverture de nos établissements de formation sur leur environnement socio- économique, à travers le développement du partenariat avec les entreprises, à l'effet de déterminer de manière collégiale et concertée les spécialités à ouvrir et les contenus de formation, ainsi que l'impact à donner à ses spécialités. Cette démarche qui s'inscrit dans le souci de réaliser une adéquation de la formation avec les besoins du développement socioéconomique du pays, permet d'identifier les besoins de chaque secteur d'activité, en ce qui concerne les qualifications nouvelles et le dimensionnement des besoins. Toutes les actions du secteur traduisent parfaitement la politique du gouvernement, en matière d'adaptation de la conduite de l'économie nationale aux exigences de l'environnement international, en particulier aux exigences du développement universel des techniques et de la technologie. Le secteur veille à la modernisation de l'ensemble du dispositif de formation, et à l'adoption de méthodes d'enseignement et d'ingénierie pédagogiques innovantes, aux normes universelles. Ainsi, la formation permanente et continue des formateurs assure le renouvellement de leurs connaissances. Egalement, les équipements technico-didactiques, utilisés pour la formation, suivent cette nécessaire évolution. L'adéquation formation-besoins de l'entreprise économique se traduit, aussi, par l'encouragement du travail en partenariat, dans le cadre d'établissements de formation dédiés à des bassins industriels, et à travers la formation par apprentissage en entreprise, sur un poste de travail.

La nomenclature des spécialités qui existent répond-elle au nouveau contexte industriel national, comme les TIC, la mécanique, l'électronique, la maintenance automobile et les énergies renouvelables?
La nomenclature des filières et des spécialités est élaborée en concertation avec les secteurs utilisateurs et tient compte de l'évolution universelle des métiers et du contexte économique national. Aujourd'hui, cette nomenclature compte 442 spécialités articulées autour de 22 branches d'activité, et couvre les domaines les plus divers: la mécanique, l'électricité, l'électronique, l'automatisme, la maintenance industrielle, le froid, la maintenance automobile, les énergies renouvelables, la téléphonie, l'audiovisuel, le traitement de l'eau, etc.
La nomenclature des spécialités du secteur de la formation professionnelle est régulièrement enrichie. Elle est révisée tous les cinq ans. Actuellement, le réseau d'ingénierie pédagogique en concertation avec les différents départements ministériels qui ont exprimé de nouveaux besoins, travaille sur l'intégration à la nomenclature de quelque 50 spécialités nouvelles, liées à différents domaines d'activités, notamment conducteur engin de travaux de chaussée, conditionnement et traitement des sels, développeur d'application multi- plateformes, commerce international, régulation et distribution des eaux, opérateur projectionniste, etc.

En plus des centres dédiés aux bassins industriels il y a aussi des centres d'excellence, notamment dans le secteur agricole, localisés dans sept wilayas à grand potentiel. Pouvez-vous nous en dire plus?
La création de centres de formation d'excellence, avec des secteurs d'activités ou en partenariat avec les entreprises économiques leaders dans des domaines stratégiques, rentre dans la stratégie de former des ressources humaines dans des standards internationaux. Ces centres d'excellence s'inscrivent comme une réponse aux changements et aux mutations technologiques dans le monde. Dans ce cadre, les entreprises offrent le soutien nécessaire en matière de transfert de maîtrise des nouvelles technologies et d'expérience professionnelle, et contribuent au développement des spécialités et des contenus des programmes de formation, ainsi que la mise à disposition de moyens, non disponibles au niveau des établissements de formation. Ces établissements mettent, ainsi, à disposition un enseignement de qualité de niveau et standard internationaux. Plusieurs centres d'excellence ont vu le jour ou sont en voie de création, depuis septembre 2015:
-centre d'excellence dédié aux métiers de l'électricité et l'énergie avec Schneider electric, à Rouiba(Alger)
-centre d'excellence dédié aux métiers du bâtiment, travaux publics avec Cosider à El Harrach (Alger), et bientôt un centre d'excellence dédié aux technologies de l'information et de la communication, avec le ministère de la Poste et de TIC et Algérie Télécom, à Bousmail (Tipasa).
D'autres centres d'excellence sont en projet, dans les métiers du textile, de l'électronique, de la maintenance automobile, de la production de véhicules, etc. Egalement, plusieurs centres d'excellence dédiés à l'agriculture et l'agroalimentaire, un domaine stratégique, sont créés dans sept wilayas à grand potentiel agricole (El Oued, Biskra, Khenchela, Bouira, Aïn Defla, Mascara et Oran). Toutes les politiques qui concernent l'agriculture doivent, bien évidemment, mener à brève échéance à une autosuffisance alimentaire. De plus, l'agriculture, la pêche et toute l'industrie agroalimentaire, sont décidées par le gouvernement comme domaines économiques prioritaires, en particulier dans le cadre de la recherche de substitution aux hydrocarbures, et parce que l'Algérie dispose d'un potentiel intéressant. Il va sans dire, que le secteur de la formation professionnelle doit contribuer, aux côtés d'autres secteurs formateurs, à la prise en charge de cette orientation dans au moins 40 wilayas (sur les 48) notre secteur participe à la formation dans ces domaines. Ces centres d'excellence serviront de guides et de références à tous les établissements du pays et, également, à la formation continue des travailleurs de l'agriculture.

Et pour le numérique?
En effet, une révolution mondiale du numérique est en train de prendre place, et régulera des pans entiers de l'activité économique. L'Algérie se prépare, et c'est ainsi que dans le cadre de la formation de la ressource humaine j'avais cité la création d'un centre d'excellence dédié aux technologies de l'information et de la communication, avec le ministère de la Poste et des TIC. Car c'est la maîtrise des nouvelles technologies basées sur l'informatique, le numérique, l'électronique,... qui conditionne les performances de l'entreprise économique moderne. Et puis, tout autant que l'investissement financier ou l'amélioration de la gouvernance économique, la formation d'une ressource humaine qualifiée capable de maîtriser l'utilisation des techniques et des équipements, constitue une condition à l'évolution de toute politique économique. L'Algérie a beaucoup investi dans la recherche scientifique et dans l'enseignement, en matière de technologies de l'information et de la communication (TIC). Mais nous avons, aussi, investi dans la formation professionnelle d'ouvriers et de techniciens qualifiés, dans tous les domaines, car la formation et l'enseignement professionnels sont une dimension transversale qui accompagne toutes les activités économiques et de développement. Ce sont de nombreux métiers qui vont disparaître, et de nombreux métiers nouveaux qui vont être créés. Néanmoins, les experts situent les besoins en main-d'oeuvre qualifiée à un niveau moyen, entre CAP et BTS; on parle de déqualification pour dire que dans ce domaine il n'y a pas besoin de grande expertise universitaire.
Pour le numérique, c'est-à-dire, ces métiers de l'informatique et de la téléphonie, la nomenclature nationale actuelle du secteur, offre 38 spécialités relevant du domaine des TIC, dans quatre branches professionnelles spécifiques (informatique, industrie graphique, technique audiovisuelle et électricité électronique énergétique).
De plus, sachant qu'à l'ère de la numérisation, toutes les activités reposent sur les technologies informatiques, nous avons introduit très tôt l'initiation aux domaines des TIC et à l'informatique à toutes les spécialités de formation et dans tous les établissements. Cette manière de faire vient également contribuer à la réalisation du programme du gouvernement, encourageant, dans notre pays, une économie «numérique», par la création des conditions favorisant l'émergence et la disponibilité de compétences nationales, en mesure de produire des richesses grâce aux technologies du numérique et de la téléphonie. Par ailleurs, l'intérêt de cette démarche n'est pas que d'ordre économique, et d'adaptation à la mondialisation. Il est aussi social: parce que, en enregistrant de fortes croissances, le marché des TIC dispose d'un potentiel de création d'emplois très élevé, notamment dans les domaines des télécommunications et de la téléphonie, et offre de réelles perspectives de développement régionales.

Un dernier mot?
Je voudrais saisir cette occasion pour dire, encore une fois, aux jeunes que l'Etat met tous les moyens à leur disposition pour se former et acquérir un métier et un diplôme, dans des spécialités de leur choix, ce qui leur permettra une insertion dans le monde du travail ou de l'entrepreneuriat. Et qu'il faut saisir cette occasion, parce que tel qu'évolue le monde, il apparaît clairement qu'il n'y aura plus d'emploi sans qualification. En ce sens l'information et la communication en direction des jeunes, deviennent l'affaire de tous.

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