Bureaucratie, la lutte s’accélère
C'est le fléau à éradiquer en priorité absolue. Il freine le développement et pourrit la vie des citoyens. Un seul remède...
Large spectre. Coup sur coup, lundi et mardi derniers, deux nouvelles plateformes numériques ont vu le jour. La première, «Istithmari», lancée par le ministère de l'Industrie à l'intention des opérateurs économiques et la seconde qui est un «guichet à distance» a été installée par le ministère de l'Intérieur. Ce «guichet» permet de faciliter la vie de tous les citoyens dans leurs rapports avec l'administration. Surtout lorsqu'ils doivent obtenir des documents (il est question de 50 types de divers documents). À bien lire le communiqué du ministère il s'agit de dépôts. Il n'empêche, l'essentiel étant l'accélération de la numérisation de l'administration unique et le plus efficace antidote de la bureaucratie. De ce fléau qui pourrit la vie de tous les citoyens et gangrène tous les rouages de l'Etat. C'est la bureaucratie qui nourrit la corruption. C'est la bureaucratie qui permet le clientélisme. C'est la bureaucratie qui creuse le fossé entre les gouvernants et les gouvernés. C'est elle qui est la cause de la perte de confiance des Algériens envers l'administration de leur pays dans tous ses démembrements. Elle est aussi nuisible et dangereuse qu'un virus tel celui qui sévit actuellement sur la planète. Le plus grave est qu'elle s'est installée il y a si longtemps dans notre pays que ses racines ont eu tout le temps de s'enfoncer profondément dans le corps social. Aussi loin que peut remonter la mémoire, à l'époque des «Souks El Fellah», on disait que connaître un employé de ces grandes surfaces était plus utile que connaître un ministre. C'était l'époque des pénuries et des arrivages de denrées au gré des bateaux. Un jour ce sont les oignons, un autre ce sont les téléviseurs. Une autre fois ce sera la viande quand ce n'était pas les bananes. Ces produits disparaissaient aussi en un temps éclair. L'offre était toujours inférieure à la demande aggravée par les achats surdimensionnés des ménages qui étaient convaincus que le prochain arrivage était des plus aléatoires. Ce conditionnement des esprits avait contaminé l'administration au point où la dérision populaire s'était emparée du phénomène et qui voulait n'acheter qu'un timbre, il fallait avoir une connaissance parmi les employés de la poste, disait-on. Ce qui n'a pas échappé au célèbre acteur Rouiched qui a laissé un sketch mémorable sur ce sujet que l'Entv doit avoir gardé précieusement dans ses archives. Tout ceci, les Algériens l'ont vécu dans les années 70 du siècle dernier. Plus de quarante ans après, on imagine facilement l'enracinement et les dégâts occasionnés par cette perversion des actes les plus anodins de notre administration. La meilleure preuve, nous venons de la vivre. Depuis que l'organisation des élections a été retirée à l'administration et confiée à l'Anie, les scrutins se passent normalement. Pas loin de zéro fraude. Aucune autre solution que la numérisation ne pourra venir à bout de cette malédiction. Pas même la médiation de la République récemment créée. D'abord parce qu'il est impossible que les médiateurs, quelle que soit le degré de leur volonté de bien faire, puissent être formés à toutes les subtilités et travers utilisés par la bureaucratie à large spectre. Ensuite, il n'est pas exclu que de guerre lasse, ces médiateurs répartis à travers le territoire national, ne perdent leur enthousiasme de départ et sans se rendre compte finissent par «rentrer dans les rangs». Le combat est au-dessus de leurs forces. Ce qui risque d'aboutir à avoir une administration dans l'administration. Nous avons approché quelques-uns d'entre eux et avons pu constater le combat inégal auquel ils sont confrontés. D'ailleurs et même avec la numérisation, il faudra du temps pour éradiquer complètement le fléau de la bureaucratie. Un seul exemple. Le «guichet distant» que vient de lancer le ministère de l'Intérieur concerne uniquement les dépôts de dossiers. Il y a fort à parier que le problème se déplacera au guichet des retraits des documents. Il est clair que la bureaucratie sévit tant au dépôt qu'au retrait. Dans ce fléau, il y a l'amont et l'aval. Nous l'avons constaté sur le terrain. Nous tenons à la disposition des autorités nos observations dûment étayées. La lutte contre la bureaucratie est l'affaire de l'Etat et du gouvernement, mais elle a besoin du concours de tous les Algériens qui aspirent au bien-être dans leur pays. Le président de la République l'a souvent répété, la lutte contre ce fléau fait partie de ses priorités. Dans ses 54 engagements «la numérisation rapide et totale» est plusieurs fois rappelée. Il n'est point excessif d'affirmer que la bureaucratie est l'ennemie numéro un qui risque d'entraver l'instauration de l'Algérie nouvelle que tout le monde appelle de tous ses voeux. Tous les responsables intègres que compte le pays doivent se liguer contre ce mal absolu!