L'esprit d'Oumdurman plane sur Ouaga

L'esprit d'Oumdurman (Soudan) plane sur Alger à l'occasion du match qui opposera cet après-midi à Ouaga, notre Equipe nationale à celle du Burkina Faso.
Certes, on est loin de la rage et de la hargne qui ont accompagné le match barrage de 2009, à Oumdurman, contre les pharaons d'Egypte mais les Algériens attendent ce match avec la même ferveur, et la même determination. C'est que ce match déborde de son aspect strictement sportif. Il comporte un enjeu multidimensionnel. L'Algérie bannie, isolée et vaincue pendant deux décennies a besoin de cette victoire pour aller en Coupe du Monde. Elle a besoin de redorer son blason par le cuir du foot.
Peut-on demeurer insensible en voyant le drapeau national flotter dans le ciel joyeux de Rio et l'hymne national entonné au pays de la samba? L'Algérie a besoin de voir ses athlètes médaillés en or, elle a besoin de retrouver sa place sur la scène internationale sportive et aussi politique. Qui a dit que la laïcité sportive existe? Redoutable arme de propagande, le football est également un baromètre entièrement fait de mercure qui vibre avec les aspirations patriotiques et nationalistes, avec les relations internationales et les rivalités entre pays.
Une idéologie est née, elle s'appelle le footbalisme. Elle définit l'Etat comme étant un territoire, des populations, des langues, un gouvernement, une armée et... une équipe de football et qui gagne des coupes si c'est possible. Cette nouvelle idéologie fait un consensus mondial par ses règles, elle transgresse les diversités culturelles et elle transforme de puissants chefs d'Etat en supporteurs et des athlètes courant derrière un cuir gonflé en stars. Le footbalisme est aussi un puissant catalyseur des revendications nationalistes et identitaires des peuples.
En 1958, des jeunes footballeurs algériens qui faisaient la pluie et le beau temps au championnat français désertent leurs clubs pour rejoindre l'équipe du FLN. Que dire de la JSK qui a porté à bras le-corps la revendication amazighe ou du FC Barcelone, qui demeure le vecteur de la revendication catalane. Plus encore, c'est une vitrine pour les nations qui veulent faire connaître leurs particularités. Le style de jeu et de vie, se décline à travers les équipes de football.
Comme toutes les autres qualifications, l'Algérie va «en guerre pacifique» a chaque match de Coupe du Monde. Touchée et blessée dans son amour-propre par les intimidations des Egyptiens au Caire, l'Algérie a, dans un incroyable sursaut d'orgueil, organisé l'un des plus grands ponts aériens dans l'histoire de l'aviation pour transporter 15.000 supporters en 48 h au Soudan.
Est-il besoin de rappeler alors que ce match de football faillit déclencher une guerre entre l'Algérie et l'Egypte, comme cela a été le cas en 1969 entre le Salvador et le Honduras? Pour la qualification au Mondial de 2010 en Afrique du Sud, un match se jouait sur un terrain de football et un autre, meurtrier celui-là, entre les dirigeants politiques des deux pays et dont le principal enjeu était la stabilité politique et sociale. Eliminée, l'Egypte a sombré et sombre toujours dans un chaos social. Les qualificatifs pour la Coupe de 2014 interviennent à moins de six mois de la présidentielle: quelle belle opportunité pour le pouvoir politique!
Il incarne la preuve d'une réussite, non seulement individuelle, mais aussi collective, démontre, à ceux qui l'ignorent, la réussite d'une politique sportive entamée par le pouvoir en place bien sûr... Une qualification pour le Brésil vaut vraiment la peine.