L'Expression

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LE GÉNÉRAL MOHAND TAHAR YALA, ANCIEN CHEF DES FORCES NAVALES, À L'EXPRESSION

"Zeroual peut assurer une période de transition"

«L'armée a déjà pris une position de neutralité en restant conforme à ses missions constitutionnelle», précise l'ancien chef des forces navales, le général Yala dans cette interview. Quant aux menaces et les dangers brandis par-ci par-là contre la stabilité nationale, le général assure «ni la menace islamiste ni aucune autre menace régionaliste ou même extérieure ne peut influer sur l'avenir de l'Algérie». Mais, explique-t-il, cela exige au préalable la mise en place d'un nombre de mécanismes permettant une transition portant l'instauration d'un autre «système de gouvernance basé sur la citoyenneté». Le général Yala estime que «Zeroual peut être une solution pour une période de transition qui viserait à instaurer un véritable Etat de droit, un Etat de citoyenneté, avec l'aide et le soutien de la majorité des acteurs politiques et de la société civile qui devraient être associés à la démarche». Comme garantie, le général Yala s'appuie sur le patriotisme et la crédibilité morale dont jouit à l'intérieur et à l'extérieur des casernes l'ancien président Zeroual.



L'Expression: En réaction aux manifestations populaires, Le président Bouteflika a annoncé une conférence nationale qui devrait aboutir à une révision de la Constitution. Quelle crédibilité accordez-vous à cette réponse?
Mohand Tahar Yala:
En effet, officiellement, si tant est que l'on puisse accorder un aspect officiel à une lettre attribuée au chef de l'Etat présentée au peuple par procuration, il est question d'organiser ou plutôt d'improviser une «conférence nationale» qui aboutirait à une révision de la Constitution. En confiant à cette «conférence nationale» la mission de réviser la Constitution, pour peu qu'elle puisse aboutir, l'arrière-pensée est de permettre de gagner du temps aux ténors du système qui se trouvent, pour la première fois en vingt ans de pouvoir absolu, acculés par le peuple à envisager sérieusement leur départ. Car, tant en principe que du point de vue politique, la vocation d'une «conférence nationale», même dans sa version inclusive, est de permettre en cas de crise institutionnelle, ou de vide constitutionnel d'organiser et de baliser la «transition»; par conséquent sa mission devrait s'achever à la date butoir du 27 avril 2019 par la mise en place d'une instance présidentielle qui sera elle chargée de mener la transition. Quant à la révision de la Constitution ou, plutôt, la confection d'une autre Constitution consacrant l'équilibre des pouvoirs, elle doit être le fait d'une «Assemblée constituante» élue et souveraine.

Des analystes politiques et autres experts nationaux ou étrangers, qui, surpris par l'aspect quasiment révolutionnaire du peuple algérien, n'hésitent pas à en minimiser l'originalité en évoquant le scénario syrien, voire même en profilant, dans un proche avenir, jusqu'à l'effondrement des institutions de l'Etat?
Tous ceux qui sont animés par l'amour de ce grand pays et de cette grande nation aspirent à ce que soit maintenu ce formidable élan unitaire que nous n'avons plus vu depuis l'indépendance, le 3 juillet 1962. Ceux qui n'aiment pas l'Algérie feront tout pour briser cet élan. Surtout ceux qui souhaitent que l'Algérie garde un genou à terre. Voici ce que j'ai écrit il y a quatre années: «La réponse à la menace (qui nous guette) est une thérapie de choc, mais il ne faut pas que cette thérapie nous vienne de l'extérieur, c'est-à-dire du nouvel ordre mondial triomphant et prêt à faire main basse sur nos richesses comme un butin de guerre. Cette thérapie de choc doit émaner de l'énergie de notre peuple, et de ses élites, c'est vers elles qu'il faut se tourner pour construire un autre avenir, une IIe République, et permettre aux forces patriotiques qui existent partout, à l'extérieur comme à l'intérieur du pouvoir, ce sursaut salvateur. Notre peuple a toujours payé le prix le plus fort, c'est vers lui qu'il faut se tourner pour qu'il trouve les ressorts pour vaincre sa division et son fatalisme et qu'il se remette à espérer d'une Algérie forte et prospère. Qu'il reprenne l'état d'esprit qui était le sien en 1962 pour relever le défi du droit au développement, Qu'il reprenne, s'il le faut, l'état d'esprit qu'il avait en 1954 pour relever le défi du droit à l'existence, droit largement compromis plusieurs années plus tard.» Nous y sommes enfin! Le peuple a trouvé les ressorts pour vaincre sa division et son fatalisme. Il reste à ses élites de construire cet autre avenir porteur d'espoir d'une Algérie forte et prospère. Le conseil qu'il faut donner à tous, est de maintenir cet élan unitaire national loin de toute idéologie de haine et d'extrémisme qui ne peuvent que faire le jeu des ennemis de notre pays.

Que pensez-vous de l'éventuelle réaction finale de l'armée face au bras de fer entre la présidence de la République et le peuple?
L'armée a déjà pris une position de neutralité en restant conforme à ses missions constitutionnelles. Même les forces de la Gendarmerie nationale, relevant du ministère de la Défense, dont l'une des missions est le maintien de l'ordre public, sont restées en retrait lors des manifestations urbaines. Pour ne pas tomber dans les contradictions qui, après le départ de Moubarek, ont favorisé ce scénario à l'égyptienne, il faut tout de suite construire cette «transition vers un nouveau système basé sur la citoyenneté». Ce sont ces acteurs nationaux qui sont aujourd'hui appelés à transcender leurs intérêts particuliers et vaincre leur division et à unir leurs voix et leur intelligence pour refuser l'inacceptable et s'élever à la hauteur des enjeux de l'heure et des attentes de notre peuple pour sauver le pays et la nation. C'est la seule possibilité de relever le défi et d'édifier cet Etat national rayonnant sur le monde, souverain dans ses choix fondamentaux de développement national, indépendant, fort par son caractère démocratique et riche de sa diversité.

Comment percevez-vous l'influence de la tendance islamiste sur cette période de transition? Êtes-vous d'avis que les islamistes doivent être invités au sein du débat démocratique?
L'Algérie de 2019 n'est pas celle de 1989, entre-temps, trente années sont passées. Et les jeunes Algériens d'aujourd'hui sont beaucoup plus informés que ceux des années 90. Tout en restant profondément attachés à l'islam, ils savent que l'islamisme est une idéologie fabriquée dans les laboratoires occidentaux pour diviser nos sociétés et cela dès le XVIIIe siècle par le grand ministère britannique des Colonies. Ils savent également qui est derrière Daesh et les groupes extrémistes armés. Ecoutez la vidéo de Ali Belhadj, enregistrée la veille du 1er mars et vous comprendrez l'évolution. Tous ceux qui respectent les règles de la citoyenneté peuvent participer aux débats.

Sur les réseaux sociaux, certaines sources désignent déjà de futurs candidats à la présidentielle, d'autres des porte-paroles du peuple. Dans les deux cas, que proposez-vous?
Beaucoup de personnes sont tentées de monter sur la vague populaire et c'est une question en même temps très difficile et très sensible parce que les motivations sont diverses et nous ne pouvons pas faire de procès d'intention. A mon avis, avant tout, il faut absolument s'interdire tout ce qui peut diviser l'élan populaire et l'urgence est d'installer une autorité présidentielle de transition la plus consensuelle possible pour répondre à la volonté populaire de remplacer le système et ses hommes. En réalité, j'ai déjà eu à débattre de cette question il y a six ans déjà et voilà ce que j'avais écrit dans une contribution publiée dans la presse au mois de juillet 2013: «Le président Zeroual peut être une solution pour une période de transition qui viserait...... à instaurer un véritable Etat de droit, un Etat de citoyenneté, avec l'aide et le soutien de la majorité des acteurs politiques et de la société civile qui devraient être associés à la démarche. Parce qu'il est connu pour son honnêteté, son patriotisme et sa dignité. Il a démissionné trois fois dans sa carrière pour des questions de principe une fois en tant que général, commandant des forces terrestres, une fois en tant qu'ambassadeur et une fois en tant que président de la République. C'est dire qu'il n'est pas animé par le souci de se maintenir au pouvoir coûte que coûte, ni par celui de s'octroyer tous les attributs de la souveraineté.
Ce qui signifie qu'il est capable de rassembler et d'inscrire ses actions sur la stricte base de l'intérêt national, dans une dynamique de sauvetage pour le court terme et dans une vision orientée vers des objectifs à très long terme.» Six ans plus tard je confirme cet avis, et rejette celui qui consiste à faire comme beaucoup, qui, animés par un ego surdimensionné, disent «moi aussi je suis là!»

La menace islamiste pèse-t-elle encore ou pourait-elle influer sur la suite des événements?
Ni la menace islamiste ni aucune autre menace régionaliste ou même extérieure ne peut influer sur l'avenir de l'Algérie si la transition est menée pour instaurer un autre système de gouvernance basé sur la citoyenneté. «Nombreux sont ceux qui pensent que la citoyenneté est d'essence occidentale, donc empruntée. Les précisions ci-après sont nécessaires pour replacer le contexte et je vous remercie de m'en avoir donné l'opportunité:
C'est vrai que les premières références sur la citoyenneté remontent à l'Empire grec avec une organisation politique et sociale basée sur ce qui s'appelait déjà la citoyenneté. Mais, à Athènes, sur une population de l'ordre de 300.000 habitants 25.000 à 30.000 seulement avait alors le statut de citoyen, soit moins de 10%, le reste étant des serviteurs ou des esclaves.
Le repère important pour notre projet est constitué par le premier gouvernement musulman de Médine, mis en place par le Prophète (Qsssl) lui-même et organisé par un pacte qui permet à tous les citoyens de Médine, quelles que soient leur religion et leurs convictions de participer activement à la vie de la cité. Ce pacte est considéré comme le premier pacte de citoyenneté de l'histoire de l'humanité.
Le second repère est national et est constituée par l'organisation de la société au Maghreb central, c'est-à-dire essentiellement l'Algérie. Pendant des siècles et jusqu'à un passé très récent, l'organisation traditionnelle à travers les associations locales dirigées par des représentants choisis parmi ceux qui avaient le plus de savoir, de charisme ou de sagesse, - cette organisation- s'apparente plus à la citoyenneté moderne avec une parfaite égalité en termes de droits et de devoirs qu'aux organisations féodales de l'époque ou celles qui ont suivi. Les sociologues coloniaux le savent bien, eux qui dès le début de l'occupation, ont décodé et emprunté une multitude de nos mécanismes pour les appliquer chez eux. Même Karl Marx est venu chez nous pour s'inspirer de notre organisation sociale.
La citoyenneté moderne fait appel à l'organisation associative locale qui est en parfaite harmonie avec notre organisation traditionnelle et notre civilisation dans toutes ses dimensions y compris la dimension spirituelle. Elle s'inscrit dans le prolongement des traditions algériennes du «vivre ensemble» avec la nécessité absolue d'introduire les éléments que le XXIe siècle impose pour construire un Etat fort, capable d'assurer la sécurité des citoyens et de faire face aux enjeux internationaux, mais avec un pouvoir légitime d'autant plus fort et crédible qu'il est l'émanation de la souveraineté du peuple, un système judiciaire indépendant du pouvoir, une opposition crédible, présente, qui a un rôle important à jouer pour l'équilibre de la gouvernance et qui constitue une force prête pour l'exercice de l'alternance , une presse écoutée et prise en compte comme un véritable miroir de la gouvernance, un système de veille et de contrôle rigoureux et fiable et enfin une société civile participative. Un tel Etat ne peut présenter de brèche à la médiocrité, au mensonge et à la cupidité, ni laisser le pays en proie aux convoitises.

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