L'Expression

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VENTE D'ALCOOL AU NOIR À TAMANRASSET

Un "métier" en vogue

L'alcool est un véritable tabou en Algérie, encore plus dans les fins fonds du désert. Ce qui favorise une nouvelle pratique, très rarement évoquée dans le débat public, à savoir la vente au noir. Pourtant, elle existe, cachée, clandestine. Enquête sur un métier qui fait fureur à Tamanrasset...

La nuit tombe sur la capitale de l'Ahaggar. La route menant vers la wilaya est inhabituellement encombrée dans cette ville des plus fluides. On arrive devant l'hôtel Tahat. Une chaîne humaine se forme devant cet établissement hôtelier, pourtant en travaux. Cela attise notre curiosité. Que se passe-t-il? Les ouvriers attendent pour dîner? On décide de fouiner... Grande surprise: il y a un débit de boissons clandestin qui y a été ouvert. Pas très bien caché, c'est une cabine saharienne qui a été transformée en «dépôt», comme est appelé ce genre d'endroits dans notre langage populaire. Les prix sont affichés au feutre et refroidissent plus que le froid des nuits de Tam. La bière Tango est à 350 dinars la double canette, celle de Heiniken est à 500 dinars, le vin en brique appelé cartonné est à 1000 dinars, la bouteille elle est à 2000 dinars. Les alcools forts sont eux hors de prix! Le whisky basique commence à 12.500 dinars et va jusqu'à 25 000 dinars. La vodka, elle, est à 20.000 dinars, le pastis à 8000 dinars. Mais pas de panique pour les amateurs de ce genre d'alcool, ce magasin d'un autre genre propose des mignonnettes. Les prix sont tout aussi «soûlants». Ces petites bouteilles de 20 cl, sont aussi chères, que de grandes bouteilles dans d'autres endroits du pays. La petite «pastissa» est à 1200 dinars. Les autres types d'alcools forts, tout aussi petits, sont à 2000 dinars. Les vendeurs nous les certifient européens. «Ils viennent d'Europe ou des avions d'Air Algérie. On travaille avec les stewards qui nous les fournissent», justifie-t-il comme argument de vente. Ces prix aussi «chauds» que le Sahara ne semblent toutefois guère déranger les clients. Puisqu'on les voit sortir les mains pleines de sacs, dont le contenu est bien emballé dans du papier journal. Comment expliquer cela? «La rareté», nous fait savoir tout simplement un jeune de la région. «L'alcool a toujours été rare dans le Sud, mais il l'est encore plus à Tam depuis la fermeture de l'hôtel Tahat, l'année dernière. Et du bar de l'hôtel Bouranane en 2014», nous confie le même jeune. «Les vendeurs appliquent donc les tarifs des hôtels qui sont raisonnables pour les étrangers», met-il en avant.
La vente d'alcool est donc des plus rentables. Ce qui a poussé des jeunes malins à en faire leur nouveau métier! «C'est pas très compliqué, cela rapporte et c'est sans risque, puisque c'est presque toléré par les autorités», assure celui qu'on appelle là-bas, Ahmed H24. Son numéro est celui à avoir à Tamanrasset puisqu'il «travaille 24 h sur 24. Et fait la livraison à domicile», précise-t-il fièrement. Avant d'aller à la capitale de l'Ahaggar, son numéro est partagé entre les «bons buveurs».Néanmoins, ces tarifs sont encore plus importants que ceux que pratique le débit du Tahat.
Livraison et disponibilité immédiates obligent! Toutes les bières sont à 600 dinars. Le vin en brique est à 1000 dinars, la bouteille, elle, est à 2500 dinars. Les alcools forts sont eux, hors de prix. Le whisky basique commence à 15 000 dinars et va jusqu'à 25 000 dinars. La vodka, elle, est à 25.000 dinars, le pastis à 10.000 dinars. Mais pas de mignonnettes chez Ahmed qui ne fait pas dans le... «détail». Il assure que sa marchandise se vend mieux que des petits pains. «Il m'arrive d'avoir très souvent des ruptures de stock et Dieu seul sait combien je m'approvisionne par semaine», fait-il remarquer. On tente de savoir comment il se fournit. Il botte en touche avant de s'énerver. «Vous êtes là pour acheter ou me faire un interrogatoire? Des clients attendent décidez-vous», peste-t-il... Le temps, c'est de l'argent pour Ahmed. Surtout que désormais, la concurrence est rude! Ahmed, qui avait le terrain libre depuis un bon moment, se voit menacé par les Africains et les chauffeurs de...taxi!
Oui, oui, vous avez bien entendu, certains taxis se sont transformés en bars ambulants. «C'est simple, si vous montez avec un jeune chauffeur de taxi qu'il soit clandestin ou officiel et qu'il augmente le son de son poste avec une belle chanson de raï, c'est un vendeur», nous donne comme petit tuyau un ami installé depuis plusieurs années là-bas. «C'est le code», indique-t-il tout sourire. Nous tentons l'expérience! On prend quelqu'un, le 3ème est le bon. On monte à bord, de suite il augmente le son. On ose lui demander s'il ne connaissait pas un endroit où l'on pourrait se procurer de l'alcool. Il répond tout content: «Chez moi!». Il ne se fait pas prier pour donner la liste de ses produits, comme dans un restaurant populaire. Surprise! chez nos amis taxieurs, c'est un peu moins cher. Les bières sont à 300 dinars. Les alcools forts commencent à partir de 5000 dinars. Les vins à partir de 800 dinars la brique et 1200 dinars la bouteille. On essaye avec d'autres chauffeurs, c'est le même code avec les mêmes tarifs. On comprend vite qu'ils se sont donné le mot. Est-ce un réseau? «Non, non! Juste que l'on ne s'adonne pas à une concurrence déloyale», assure l'un d'eux. «Il y a du travail pour tout le monde», rétorque-t-il comme un bon commerçant. Mais les chauffeurs de taxis ne sont pas le seul «bon plan alcool» de la ville. Il y a également le marché africain. L'ex-Assehal qui a été déplacé dans le quartier de Afsit, après avoir été ravagé par les flammes, est également une adresse pour boire! Ce sont les Africains, notamment les Maliens qui y exercent cette pratique sous le comptoir. Sous les tenues africaines en basane, au milieu des imitations de parfums, des produits cosmétiques venus de diverses régions d'Afrique et même des plantes et des herbes venues tout droit des brousses du continent noir, on cache ces alcools très cosmopolites. Dès que les étals du marché commencent à être rassemblés, les «vendeurs» commencent à aborder les «visiteurs nocturnes» pour leur proposer leur marchandise. Ils vendent bien évidemment les alcools classiques aux mêmes prix que leurs concurrents algériens. Mais proposent aussi des marques et des types venant des quatre coins de l'Afrique. On y trouve même des eaux de vie et autres alcools traditionnels. Tels que le «Tchipalo». C'est une bière traditionnelle venue du Mali. Selon ceux qui la vendent, elle fait fureur. «Il ne faut pas se voiler la face, les gens du coin sont de bons vivants. Ils aiment bien boire et le «Tchipalo» répond à leur besoin que ce soit pour la qualité ou le prix», atteste Keïta qui se décrit comme le roi du «Tchipalo». Les prix de ses alcools «made in Afrique» ou dans certains «made in» le marché lui-même, sont certes très abordables. Néanmoins, gare à l'alcool frelaté! «Il est extrêmement nocif et a envoyé bien des Maliens à l'hôpital», avertit un médecin de la région. «Ces bouteilles d'alcool de contrefaçon ou issues de la contrebande; contiennent tout, sauf des trucs bons pour la santé», insiste le même professionnel de la santé.
La prohibition de l'alcool fait donc d'heureux vendeurs, mais aussi de malheureux acheteurs qui jouent avec leur santé et leurs économies. Un danger qui ne touche en rien la fureur de ce métier en vogue dans les fins fonds de l'Ahaggar...

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