L'Expression

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IL A AFFIRMÉ QUE LA TUNISIE ÉTAIT LA SEULE DÉMOCRATIE DU MAGHREB

Quand Béji Caïd Essebsi dérape

Il a déclaré à un média français que son pays était la seule démocratie du Maghreb.

Le président tunisien, Beji Caïd Essebsi, n'est pas né de la dernière pluie. L'homme a servi dans plusieurs gouvernements sous les présidents Benali et Bourguiba. Venu sur le tard dans la vie «démocratique» de son pays, quelques années après l'éclatement de «la révolution du Jasmin», l'actuel président de la Tunisie a construit son parti politique Nidaa Tounès sur les ruines du défunt RCD. Il a donc récupéré des cadres de l'ère Benali et les a recyclés, avec à la clé quelques mesures de grâce passées inaperçues dans l'opinion tunisienne, mais qui existent bel et bien. L'homme qui se revendique de la «seule démocratie du Magrheb» ne s'est pas gêné pour donner son parti à son propre fils.
Nidaa Tounès qui partage la majorité au Parlement avec le parti islamiste Ennahdha est tombé dans l'escarcelle de Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif du parti majoritaire.«Mon fils fait de la politique, il en a le droit», dit le président à ses détracteurs. Supposons donc que le chef de l'Etat tunisien n'a rien à voir avec la carrière politique de son fils Hafedh, on ne pourra jamais tenir le même raisonnement pour ce qui concerne les élections locales. Il est question là de suffrage universel. Dans une démocratie qui se respecte, la consultation populaire est la base de tout pouvoir qu'il soit central ou local. Or, pour le cas de la Tunisie précisément, les observateurs, tunisiens d'abord, sont légitimement en droit de se poser la question sur le sort réservé par le président Caïd Essebsi aux représentations locales de l'Etat.
Ces dernières sont censées connaître leurs assemblées élues au mois de mai prochain. Mais cette perspective pourra-t-elle se réaliser, sachant que ces élections ont déjà connu au moins un report? Il est évident que lorsqu'on se retrouve dans un pays, dans la difficulté d'organiser un scrutin local, on ne peut se prétendre une démocratie au sens plein du terme. La démocratie tunisienne n'est pas parfaite. Elle est en construction, au même titre d'ailleurs que l'ensemble des systèmes politiques du Maghreb.
Dans cette «course à la démocratie», chaque pays a choisi sa voie et son rythme. Mais aucun système ne peut se prévaloir d'être plus avancé que d'autres. La Tunisie peut se targuer d'être en avance sur les droits des femmes, mais cela ne lui confère pas le statut de la «seule démocratie» de la région comme le claironne son président. Dans d'autres domaines en relation avec les droits de l'homme, la Tunisie a encore beaucoup de chemin à faire, notamment sur la torture qui,
disent les observateurs, se pratique encore dans les commissariats du pays. Le président tunisien qui semble se targuer d'avoir été «bien élu», n'a pas de leçon à donner à ses voisins du Maghreb et encore moins, prendre un journaliste français à témoin pour se placer en «leader moderniste» d'Afrique du Nord. Le pays qu'il dirige, démocratie ou pas, vit une crise économique sans précédent, accentuée, en partie, par une progression inquiétante de la corruption à tous les étages de l'administration tunisienne, disent des organes de presse de ce pays. Même si personne n'ose encore le dire ouvertement, la Tunisie «démocratique» est tout autant corrompue, si ce n'est plus, qu'à l'ère Benali.
Le président «démocrate» qui refuse de faire le parallèle entre les émeutes qui ont secoué le pays ces dernières semaines et les manifestations de janvier 2011, estime en réponse à une question posée par un média français que la vague de protestation qui a secoué son pays est une manifestation de colère de jeunes en mal d'emploi. Cette vision réductrice du malaise social en Tunisie traduit quelque part l'incapacité de sa classe politique à produire un véritable discours novateur. Il faut dire que si la Tunisie est la «seule démocratie» du Maghreb, c'est une «démocratie» en panne d'idées et de projet politique concret. Cela pour dire que le propos de Caïd Essebsi sonne creux, dans un pays où le seul programme gouvernemental qui vaille est la libération de la femme et encore la libération de la femme. L'engagement du président Caïd Essebsi aux côtés de la Tunisienne est certes à saluer, mais il faut bien se rendre à l'évidence que cela sent la tactique politicienne sans plus. Si la tactique politicienne fait d'un pays une grande démocratie, alors la Tunisie en est une. Sauf que la démocratie véritable ne se construit pas sur un seul mandat présidentiel. C'est une pratique au long cours. Mais c'est d'abord beaucoup d'humilité. Et dans ce registre, force est de constater que le président Caïd Essebsi en manque terriblement.

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