L'Expression

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MME BENABOU, CONSTITUTIONNALISTE, À L’EXPRESSION

«Nous sommes en régime présidentialiste»

Beaucoup de questionnements autour des réaménagements apportés à la Constitution de 1996.

Quelle lecture faire des amendements ainsi introduits et des conséquences qu´ils peuvent induire sur la vie politique du pays? Ce sont autant de questions que tout un chacun se pose et que nous avons soumis au professeur Benabou qui a bien voulu répondre à nos interrogations et nous apporter quelques lectures et précisions qui pourraient en être faites. La constitutionnaliste notera, que depuis l´Indépen-dance et la première loi fondamentale, l´Algérie est, en fait, régie par un régime non pas présidentiel, mais présidentialiste, soulignant le fait que des ambiguïtés demeurent néanmoins de mise dans l´actuelle Constitution.

L´Expression: La nouvelle Constitution prévoit la création du poste de Premier ministre. En tant que constitutionnaliste, quel regard portez-vous sur cette question?
Mme Benabou: Les lectures divergent. Je ne dis pas que ma lecture est la plus appropriée. Pour répondre à votre question, on doit d´abord revenir aux anciennes Constitutions. Il faut savoir, d´abord, que la composante du pouvoir, chef de l´Etat et chef de gouvernement, ne touche pas l´équilibre des pouvoirs. Pourquoi? D´ailleurs, l´actuelle Constitution distingue les avantages du président de la République par rapport au chef du gouvernement. Dans la conception du pouvoir exécutif, il n´a jamais été question d´avoir un véritable dualisme au sein de l´Exécutif. Les Constitutions de 1989 et 1996 provoquaient des crises politiques. Les artisans de ces Constitutions ont voulu introduire progressivement ce dualisme. On a essayé d´introduire un bicéphalisme formel. Dans la Constitution de 1976, il y avait un monocéphalisme avec la concentration du pouvoir entre les mains du président de la République. Il fallait, donc, démembrer le pouvoir du président de la République. On a essayé d´amener le président de la République à nommer un Premier ministre. Car, du fait que le président était lui-même le chef du gouvernement, les ministres ne sont que de simples conseillers responsables individuellement devant lui. En 1979, on a encore tenté de démembrer la «citadelle» présidentielle avec l´institutionnalisation du poste de Premier ministre avec des fonctions de coordinateur de l´équipe gouvernementale. En 1989, il a été institué le poste de chef de gouvernement. Ce dernier était non seulement institutionnalisé, mais il est responsable politiquement devant l´APN. Je trouve dans la Constitution de 1989, du point de vue juridique, une aporie effective qui a été reprise dans la Constitution de 1996. Le président de la République et son chef du gouvernement n´ont pas la même lecture politique de la Constitution. Cela a donné lieu à des crises politiques. La Constitution contient des équivoques sur le plan juridique. C´est pour cette raison qu´il y a eu des crises politiques. Je cite, pour mémoire, le clash entre Abdelaziz Bouteflika et son ex-chef de gouvernement Ahmed Benbitour. Toutes les crises politiques, de ce genre, sont dues à l´ambiguïté de la Constitution sur les responsabilités à la tête de l´Etat et du gouvernement.

Les nouveaux amendements sur cette question mettront-ils fin aux crises politiques?
Pas tout à fait. Les amendements vont clarifier les tâches respectives entre le président de la République et le Premier ministre. Comment? Ce dernier ne sera qu´un coordinateur qui va présenter (devant le Parlement) un programme d´action, conformément au programme du président de la République. La question qui se pose est de savoir comment définir le programme du président et le programme d´action du Premier ministre? Ce dernier est sous la dépendance organique du président de la République de par son statut. On a introduit une responsabilité hiérarchique exécutive. Le Premier ministre n´a pas de pouvoir proprement dit. C´est le président qui lui délègue le pouvoir. C´est le rapport de délégation. Mais les équivoques de cette nouvelle mouture vont reproduire indéfiniment la crise politique entre le pouvoir exécutif et le Parlement en cas d´opposition future (changement de majorité au sein de l´APN et du Sénat).

Plus précisément, quel impact auront ces amendements sur l´équilibre entre les différentes institutions et partant, l´équilibre des pouvoirs?
Comme je l´ai souligné, ces amendements risquent d´être porteurs encore de crise politique dans le future dans le cas où l´APN changerait de majorité parlementaire favorable à l´opposition. On croit avoir échappé au problème. C´est une erreur. Supposant que l´opposition aura, dans le futur, la majorité au Parlement. Le président se trouvera face à une opposition parlementaire. C´est le germe d´une autre crise politique. C´est une éventualité à ne pas exclure. Elle peut se produire. Le scénario est le suivant: le président de la République nomme son Premier ministre. Ce dernier présente son programme d´action devant l´APN. La chambre basse ouvre un débat général. Après remaniement du texte, le Premier ministre présente de nouveau son programme devant l´APN qui décide la non-approbation du programme d´action. Il est, donc, rejeté. Le Premier ministre dépose sa démission auprès du chef de l´Etat. Un autre Premier ministre va être nommé. Donc un nouveau programme d´action sera présenté devant l´APN. Une autre fois celle-ci rejette ce programme d´action. Automatiquement, l´APN est dissoute de plein droit, en référence aux articles de la Constitution. Il s´agit d´une dissolution automatique. On ira vers des élections législatives. Supposons que le peuple va renvoyer (de nouveau) à l´Assemblée une majorité d´opposition. Quelle sera la solution? Le programme du président est adopté par référendum par le peuple. L´Assemblée est élue par le peuple. On se retrouvera face à deux programmes politiques adoptés et élus par le peuple. Le danger de la crise sera plus grave. Le président dans son serment a juré de respecter la Constitution et de défendre le choix du peuple!

Peut-on dire que l´Algérie se dirige vers un régime présidentiel?
Depuis 1963 l´Algérie n´a jamais changé de régime politique. Il n´y a jamais eu de régime présidentiel. Toutes les Constitutions adoptées jusqu ici donnaient au régime un profil présidentialiste. Dans la mesure où il y a toujours eu la prééminence du président de la République sur les autres institutions, notamment sur le Parlement. Il peut même dissoudre l´APN, en vertu de l´article 129 de la Constitution. En revanche, dans le régime présidentiel il y a un équilibre entre le président et le Parlement. Aux Etats-Unis, les (deux) institutions disposent de moyens d´actions réciproques. Aux USA il n´y a pas de prééminence de l´une par rapport à l´autre. Là, on peut parler d´un régime présidentiel. En Algérie, il n´y a pas cet équilibre. C´est pour cela que je vous dis que nous n´avons pas changé de régime depuis 1963.

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