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RÉSISTANCE PALESTINIENNE

Le processus de liquidation est en marche

Quand ce processus a-t-il commencé et quels ont été ses résultats et ses bénéficiaires?

L´opération «Plomb durci» lancée le samedi 27 décembre par l´armée israélienne contre Ghaza est une nouvelle phase importante dans le processus de liquidation de la résistance palestinienne en vue de consacrer définitivement Israël comme puissance régionale incontestée au Moyen-Orient et comme Etat accepté par ses voisins arabes convertis à la realpolitik. Quand ce processus de liquidation a-t-il commencé et quels ont été ses résultats et ses bénéficiaires? Pourquoi le Hamas n´a-t-il pas renouvelé la trêve de six mois qui a expiré le 19 décembre dernier? Que penser de l´opération «Plomb durci» et quels pourraient être ses possibles développements?
Quatre grandes confrontations ont opposé les pays arabes à Israël: 1948 (lors de la création d´Israël), 1956 (crise du canal de Suez), 1967 (guerre dite des Six Jours) et 1973 (guerre dite du Youm Kippour). Le processus de liquidation de la cause palestinienne a commencé à l´occasion de la dernière guerre dont l´initiative revient au président Anouar el Sadate qui exécutait un plan pensé par Henry Kissinger: déclencher un conflit et négocier à chaud une paix bilatérale. Premier acte de cette guerre du Kippour: le 6 octobre 1973, les Egyptiens «surprennent» les Israéliens et franchissent le canal de Suez. On fit croire aux Arabes qu´ils avaient accompli un exploit et que l´honneur perdu en 1967 était sauf. Deuxième acte: les 15 et 16 octobre, les Israéliens contre-attaquent. Les blindés d´Ariel Sharon franchissent le canal dans l´autre sens, au niveau d´Ismaïlia, établissent une tête de pont, menaçant la vallée du Nil et même Le Caire, et encerclent la troisième armée égyptienne qui se trouvait sur l´autre rive, dans le Sinaï...

Guerre d´octobre, une victoire arabe?


La situation est ainsi mûre pour l´entrée en scène des diplomates. Le 23 octobre 1973, l´Egypte accepte le cessez-le-feu (résolution 338 du Conseil de sécurité), suivie le lendemain de la Syrie. Le 11 novembre, l´Egypte et Israël signent l´accord dit du «Km 101», rétablissant la situation antérieure à la guerre du Kippour. En janvier 1974, cet accord fut suivi par la convention de désengagement du canal. En septembre 1975, les deux belligérants signent le premier accord global: abolition de l´état de guerre, retrait des troupes israéliennes à 100km du canal de Suez, restitution à l´Egypte des puits de pétrole du Sinaï, ouverture du canal de Suez aux navires israéliens, installation des troupes de l´ONU dans une zone démilitarisée.
La volonté de Sadate de faire cavalier seul était claire depuis la signature de l´accord dit du Km101 et deviendra sans équivoque durant les années qui suivirent. Il faut rappeler que le raïs égyptien avait ignoré la conférence internationale de Genève convoquée à la suite de la guerre du Kippour (Kissinger et Gromyko) et opté pour la politique des «petits pas» proposée avec insistance par le secrétaire d´Etat américain. Il resta fidèle à sa démarche et, en octobre 1977, une autre tentative censée permettre à l´Urss de se réintroduire dans la négociation, connut le même sort que la précédente. Sadate poursuivit, donc, la voie bilatérale et se rendit à Jérusalem le 19 novembre 1977. A l´accusation de «trahison» lancée par le Front du refus, dont l´Algérie faisait partie, il répondra: «J´irai jusqu´au bout des négociations de paix, même si les autres Etats arabes refusent de s´y associer.» Le 17 septem-bre 1978, Sadate et Begin signent deux accords-cadres à Camp David, sous l´égide de Carter, l´un concernant la «conclusion d´un traité de paix» entre les deux belligérants et l´autre fixant un «cadre de la paix au Proche-Orient». Le Traité de paix ne fut signé que le 26 mars 1979 et il a fallu attendre le 25 avril 1982 pour que l´Egypte recouvre sa totale souveraineté sur le Sinaï. L´aboutissement du processus de paix séparée entre l´Egypte et Israël fut suivi et applaudi par tous les dirigeants israéliens, toutes tendances confondues, car il faisait l´impasse sur la question palestinienne qui avait plus de chances de trouver une solution dans un cadre global. En effet, l´action solitaire de l´Egypte a sabordé toute perspective dans ce sens, en neutralisant le principal pays arabe de la région et du champ de bataille.
Des deux accords signés par Sadate et Begin à Camp David, en septembre 1978, seul l´accord-cadre sur la «conclusion d´un traité de paix» fut mis en oeuvre par la volonté de l´Egypte qui poursuit jusqu´à ce jour cette politique de paix séparée avec Israël. En revanche, l´accord sur le «cadre de la paix au Proche Orient» ne pouvait pas l´être car l´Egypte l´avait signé sans consulter préalablement les parties concernées et intéressées, notamment, la Syrie et l´OLP (et l´URSS) qui vont devenir les principales cibles d´Israël.
En effet, le front Sud neutralisé, la Jordanie se tenant tranquille, Israël va poursuivre sa politique d´éradication de la résistance palestinienne en se tournant vers le front Nord. Ce sera la guerre de l´été 1982 au Liban qui aura pour conséquence le départ de l´OLP de Beyrouth où une force multinationale (Américains, Français et Italiens) avait pris position. Le Liban ne sera évacué par l´armée israélienne qu´en juin1985. La résistance palestinienne sortit fortement affaiblie de cette confrontation.
On ne soulignera jamais assez que, depuis, Israël a rejeté toutes les offres de paix arabes, même les plus généreuses (Sommet arabe de Beyrouth) et n´a conclu des accords que pour les violer aussitôt, poursuivant une politique de recours à l´usage de la force pour réaliser ses objectifs.
Depuis 1973, Washington s´est adjugé le monopole sur la question du Moyen-Orient et a fait du régime égyptien son sous-traitant et son protégé (contrairement au régime syrien). Il ne tient en place que parce qu´il sert la politique des Etats-Unis en ignorant son opinion publique qui n´accepte pas les relations privilégiées qu´il entretient avec Israël. L´Egypte est devenue le premier récipiendaire de l´aide publique américaine après Israël.
Le Caire et Tel- Aviv n´ont cessé de renforcer leurs relations avec la bénédiction de Washington. A titre d´exemple, la signature en 2005 d´un accord de coopération énergétique qui fait obligation à l´Egypte de fournir 1,7 milliard de m3 de gaz par an à Israël pendant 15 ans. Ou encore la signature en 2006 de l´accord commercial (Accord des zones industrielles qualifiées) qui permet aux Egyptiens d´écouler des produits industriels sur le marché américain, sans payer de taxes, s´ils contiennent un certain pourcentage de produits israéliens. L´Egypte et Israël entretiennent aussi des consultations politiques sur une base régulière et au plus haut niveau, doublées d´une coopération diplomatique étroite. C´est ainsi que l´attaque contre Ghaza a été annoncée au Caire, où Tzipi Livni a été reçue par Hosni Moubarak. Ce dernier ne pouvait pas ignorer les intentions d´Israël. Et l´opinion publique arabe ne se trompe pas en dénonçant ce comportement du raïs égyptien dans lequel elle voit une complicité avec les dirigeants israéliens ou, au moins, un manque de clairvoyance politique. Hosni Moubarak a été forcé de s´expliquer publiquement (qui se défend s´accuse), mais n´a pas été persuasif faute de bons arguments.

Une trêve de six mois


Le cessez-le-feu entre le Hamas et Israël est entré en vigueur le 19 juin 2008 pour six mois (19 décembre 2008). Olmert prévoyait déjà que cette durée «sera probablement limitée». - Toute trêve est par essence provisoire sauf si elle fait le lit pour une paix juste et définitive -. Le cessez-le-feu a été obtenu grâce à la médiation égyptienne (le chef des services de renseignements Omar Souleimane) qui a duré plusieurs mois. Cette médiation a été rendue nécessaire parce que le Hamas ne reconnaît pas Israël et ce dernier ne veut pas discuter avec une organisation «terroriste».
Les conditions de la trêve étaient la levée du blocus de Ghaza imposé par Israël et l´ouverture des passages, en particulier celui de Rafah, contrôlé par l´Egypte. En contrepartie, Hamas devait mettre fin aux tirs de mortiers et de roquettes contre les villes du sud d´Israël et aux attentats par franchissement de la frontière, engagements qu´il a respectés.
Par contre, Israël et l´Egypte n´ont pas tenu les leurs: le premier n´a pas levé le blocus de Ghaza qu´il a même durci en novem-bre dernier alors que les conditions humanitaires étaient déjà insupportables dans ce petit territoire de 362 km², peuplé de 1,5 million d´habitants, ce qui en fait un des points les plus densément peuplés de la planète (on peut juger de l´ineptie des déclarations des dirigeants israéliens sur leur volonté d´épargner les populations civiles). Il a aussi rompu la trêve, le 4 novembre dernier, en tuant plusieurs personnes. Et l´Egypte n´a pas ouvert le passage de Rafah, elle en a même fait un moyen de pression sur Hamas pour l´obliger à se «réconcilier» avec Mahmoud Abbas (élections projetées) qui s´inscrit dans la ligne de la politique égyptienne inaugurée en 1973. -La réconciliation des frères palestiniens est vitale, encore faut-il que son contenu soit clairement identifié. Aujourd´hui, les termes de l´équation sont plus clairs que jamais: continuer à négocier indéfiniment avec Israël sans résultat, jusqu´à la liquidation totale de la résistance palestinienne, ou trouver une alternative pour poursuivre la lutte. Il faut noter qu´Israël est encouragé dans son intran-sigeance par l´Occident dans son ensemble qui a refusé de reconnaître les résultats des élections législatives de janvier 2006, remportées pourtant démocratiquement par le Hamas qui fut classé comme mouvement «terroriste» - une erreur politique tragique - par l´Union européenne qui a accordé un statut à Israël, le 3 décembre dernier, en en faisant quasiment le 28e Etat membre. Ceci s´est passé sous la présidence française qui a commis une autre erreur politique, par le refus d´entériner l´accord de La Mecque entre Hamas et le Fatah. Enfin, l´Occident reste inconditionnellement aux côtés d´Israël malgré les violations répétées de toutes les lois internationales, la construction de colonies, les assassinats ciblés, les reniements des accords signés et, par-dessus tout, la poursuite de l´occupation des territoires palestiniens qui, on semble le perdre de vue, dure depuis plus de quarante ans et qui est au coeur des violences qui ravagent le Moyen-Orient. Le Hamas avait annoncé sur son site Internet que «la trêve a pris fin et ne sera pas renouvelée car l´ennemi sioniste n´a pas respecté les conditions» (de cette trêve). Il était arrivé à la conclusion suivante: la levée inconditionnelle du blocus ou la guerre...Et c´est la guerre depuis le 27 décembre.
Dans la façon de mener l´opération «Plomb durci», les Israéliens n´ont pas innové, ils essaient tout simplement d´appliquer une doctrine militaire américaine postguerre froide appelée Shock and Awe (improprement traduite en français par «choc et effroi» au lieu de «choc et stupeur» ou «choc et terreur»). Cette doctrine a été mise au point en 1996, à l´Université de la défense nationale des Etats-Unis, par Harlan Ullman et James Wade (Shock and Awe: Achieving Rapid Dominance) et a été expérimentée avec un certain succès en Irak, en mars 2003. Elle consiste à écraser l´adversaire, en recourant à l´utilisation massive de la force, pour le dominer totalement et immédiatement et lui enlever toute volonté de combattre. Les cibles privilégiées à détruire sont les infrastructures de commandement pour désorganiser l´ennemi.
Par ailleurs, l´opération «Plomb durci», qui peut être qualifiée d´assaut le plus violent contre Ghaza depuis la guerre de 1967, a été déclenchée après un blocus qui dure depuis l´arrivée de Hamas au pouvoir (imitation du précédent irakien). La question qui se pose actuellement est: Israël va-t-il lancer une offensive terrestre? Comme on l´a vu en Irak, une telle action comporte des risques d´enlisement. On peut donc supposer que l´armée israélienne va faire juste des incursions brutales et limitées dans le temps avec pour objectif d´infliger le maximum de pertes humaines et matérielles. Même dans ce cas de figure, les risques demeurent et ne peuvent pas être ignorés par les politiciens israéliens à la veille des élections prévues pour le 10 février 2009.
En effet, l´opération comporte des inconnues: il n´est pas sûr qu´elle va faire cesser les tirs de mortiers et de roquettes sur les villes du sud d´Israël, ni les attaques «terroristes» à travers la frontière, il n´est pas sûr qu´elle va permettre d´obtenir la libération du soldat Gilad Shalit, il n´est pas sûr qu´elle va arrêter le renforcement militaire de Hamas. Ehud Barak et Tzipi Livni, qui ne veulent pas risquer leur avenir politique, doivent être hantés par une question: quel serait le prix en vies humaines d´une offensive terrestre? Le syndrome du Hezbollah plane sur Israël même si le Hamas ne dispose pas de la même force de frappe que le mouvement libanais, ni des mêmes facilités en raison des conditions géographiques différentes. Israël ne peut pas mener une guerre longue pour des raisons internes (mobilisation prolongée des réservistes, pertes humaines) et extérieures (mobilisation de l´opinion publique internationale et crainte de réveil de la rue arabe qui ne partage pas la politique de certains dirigeants arabes).
Depuis Camp David, Israël n´a pas cessé de mener une politique expansionniste (colonies) et de liquidation de toute résistance palestinienne, y compris par le recours aux assassinats ciblés et aux bombardements aveugles des populations civiles. Cette politique a été rendue possible par le choix de l´Egypte de faire cavalier seul et par les encouragements directs ou non des pays occidentaux.
Mahmoud Abbas (Fatah) s´inscrit pleinement dans la ligne de la politique égyptienne. Le Hamas - quelle que soit l´idée qu´on peut avoir sur son orientation idéologique, on ne doit pas oublier que des chrétiens palestiniens se reconnaissent dans son combat - reste le seul mouvement palestinien d´envergure à s´opposer à une capitulation totale qui aura pour conséquence la liquidation de la cause du peuple palestinien. On accuse Hamas d´entretenir des relations avec l´Iran et la Syrie. -Pour rappel, il a été reproché à la Révolution algérienne d´accepter l´aide de la Chine. Lui a-t-on laissé une autre alternative? Pour paraphraser feu le président Ferhat Abbas, on ne peut pas reprocher à un naufragé de s´accrocher au premier objet flottant se présentant à sa portée.
La résistance palestinienne, quasiment anéantie par les coups successifs qui lui ont été portés, continue d´agoniser sous les regards impuissants ou complices des dirigeant arabes qui sont les principaux responsables de cette situation. En dépit de la tragédie en cours à Ghaza, la Ligue des Etats arabes n´arrive pas à organiser un Sommet. Celui des pays du CGG, tenu le 29 décembre, a adopté un accord sur l´Union monétaire...et a détourné pudiquement les yeux de Ghaza, préférant s´en remettre à la communauté internationale et...à la conférence des ministres arabes des Affaires étrangères qui s´est tenue au Caire pour accoucher d´une souris...En pouvait-il être autrement?
Depuis qu´Israël a lancé ses raids meurtriers contre Ghaza, certaines voix arabes et occidentales ont, dans une belle unanimité, imputé au Hamas la responsabilité de ce génocide qui remplit tous les critères d´un crime de guerre et d´un crime contre l´humanité. La réduction du conflit israélo-palestinien à une simple trêve, qui est par nature provisoire, relève de la malhonnêteté la plus lâche et la plus cynique. Le problème est celui de l´occupation par la force de territoires palestiniens. Il y a un déni de justice et, sans justice, il ne peut y avoir de paix et un peuple occupé a le droit et le devoir de se battre. Israël ne pourra pas éliminer totalement le Hamas qui est un mouvement global imprégnant toute la société palestinienne.
La résistance peut renaître de ses cendres. Israël ne vivra pas en paix tant qu´il déniera aux Palestiniens leurs droits nationaux inaliénables. Enfin et pour terminer, je dois dire que le problème du Moyen-Orient est singulier par sa complexité. Malgré tout, l´Algérie a été présente à chaque étape et a fait un parcours qui l´honore et dont elle peut être légitimement fière.
L´Histoire retient déjà que c´est le ministre algérien des Affaires étrangères, président de l´Assemblée générale de l´ONU, qui a fait entrer Yasser Arafat (en tenue de combat) au Palais de Manhattan (Son ruling sur l´Afrique du Sud est aussi resté dans l´Histoire. Jeune diplomate, j´étais présent à ces deux événements et j´étais fier). Jusqu´à ce jour, l´Algérie fait sienne la cause palestinienne et tient tous ses engagements. Il serait pour le moins malencontreux de faire de la surenchère sur cette question pour des raisons de politique interne.

(*) Ancien ambassadeur

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