L'Expression

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La géopolitique pèse de tout son poids sur le destin de l'humanité

Le monde, l'Afrique et nous

Divisé jadis en deux blocs antagonistes, le monde actuel refuse de se soumettre à des influences extérieures.

À la crise de voisinage qui affecte depuis fort longtemps le Maghreb, sont venus récemment se greffer en zone sahélo-saharienne cinq évènements marquants:
1-la création de l'Alliance des États du Sahel (AES-16 septembre 2023);
2-le départ de la Minusma (ONU-31 décembre 2023);
3- la dissolution annoncée le 6 décembre 2023 du G5 Sahel (créé en 2014);
4-la rupture par le gouvernement malien de l'accord d'Alger de 2015 pour la paix et la réconciliation au Mali (25 janvier 2024),avec un risque de recrudescence de la guérilla des rebelles du CSP;
5-le retrait des pays membres de l'AES de la Cédéao (28 janvier 2024). Ces évènements introduisent un contexte nouveau aux confins de l'Algérie et de la zone dite soudanaise qui modifie à coup sûr les perspectives de la relation algéro-sahélienne. Mais comment élucider cette mutation qui soulève bien des questions dans une ambiance tendue où interagissent de nombreux acteurs locaux et autres? Il y a, évidemment, autant d'interprétations que de commentateurs et de parties prenantes. Cependant, l'une des approches les plus éclairantes est peut-être celle qui consiste à prendre du recul pour appréhender lesdits évènements sous l'angle du chamboulement apparu au crépuscule du XXe siècle à la suite de l'effondrement de l'ordre communiste à vocation mondiale (1991). Ce phénomène ne représente pas seulement un moment historique majeur qui a marqué la fin d'une époque la plus violente de l'histoire humaine. Il a fait naître aussi un modèle nouveau structuré à grande échelle autour de la démocratie de type libéral, de l'économie de marché et de la globalisation.

Uu monde désordonné
C'est un modèle porté à bras-le-corps par une hyper puissance jamais vue: les États-Unis d'Amérique qui, héritant de facto de la place vacante laissée par leur rival soviétique, étendent leur influence politique, économique, militaire et culturelle au monde entier. Mais cette hégémonie ne correspond pas nécessairement aux attentes de la communauté des nations où se manifeste une répugnance à s'accommoder durablement d'une politique unilatéraliste jugée inapte à garantir un ordre mondial fondé sur le respect du droit international. D'où une érosion continue de la légitimité du leadership états-unien, accentuée par la montée en puissance d'une cinquantaine de pays dits «émergents» dont un noyau de 10 pour cent disposent à eux seuls du tiers du PIB mondial et regroupent 40 pour cent de la population du globe en 2017 (F. Gallois, 2022).
En résumé, au lieu du nouvel ordre mondial rassurant annoncé en mars 1991 par le président G.Bush, à l'issue de la première guerre du Golfe (janvier-février 1991), c'est un monde désordonné, ébranlé et «sans boussole» (cf. I. Ramonet, 1994) que l'on voit apparaître. Ce désordre s'est traduit par des crises profondes qui ont ponctué brutalement la période 1991-2024: tragédie algérienne (décennie 1990), morcellement de l'URSS (1991) et de la Yougoslavie (1991-1995) faisant naître une vingtaine d'États indépendants, éclatement de la Somalie (1991), guerre en Bosnie (1992-1995), génocide au Rwanda (1994), guerre en Afghanistan (1996...), crise et guerre en Ukraine (2014...2022), guerre au Congo-Kinshasa (depuis 1997), conflit armé au Sahel (depuis 2000), guerre au Haut Karabakh (2020), guerre coloniale d'extermination menée par Israël en Palestine (2023-2024), tensions chroniques dans «l'arc des crises» (cf. B. Lewis,1977 et Z. Brezinski,1978)... Ces convulsions bouleversantes sont grossies de toutes parts par des attentats terroristes: Kenya et Tanzanie (1998), New York (2001), Bali (2002), Madrid (2004), Londres (2005), Mumbai (2006), Marrakech (2007), Melbourne (2018), Paris (2015-2023), Nouvelle-Zélande (2019)... Autant de faits qui ont transformé amplement la scène mondiale. Divisé jadis en deux blocs antagonistes régis chacun par des règles convenues, le monde actuel présente désormais une conformation où de plus en plus de pays mettent peu d'empressement à se soumettre à des influences extérieures. Car ils s'estiment en droit de revendiquer leur juste part dans le siècle nouveau et de tracer leur propre route pour atteindre leurs buts propres.

L'Afrique en mouvement
C'est en tout cas ce qui se révèle nettement en Afrique par exemple où les nouvelles générations entendent peser de tout leur poids dans le cheminement d'un continent qui retrouve ses repères après avoir, dit-on, «pris un mauvais départ» à l'Indépendance (cf. R. Dumont, 1973). Elles ne veulent pas prendre le risque de sombrer dans la trappe de l'Histoire comme leurs devancières. En effet, ses ressources importantes qui attirent les convoitises des grandes et moyennes puissances, sa démographie estimée à 2 milliards d'habitants à l'horizon 2050, la résilience de son économie avec «une croissance moyenne estimée à 4,1 pour cent» (afdb.org)..., tout cela exclut désormais de qualifier ce continent de «continent sans espoir», comme ce fut souvent le cas dans un passé pas trop lointain. À l'image du reste du monde, tout y est indéniablement en mouvement, sous l'effet de facteurs internes ou externes. Comme en témoigne le flottement du système de la France -Afrique, le temps du conformisme et de la passivité semble bel et bien révolu. Une mutation s'opère irrésistiblement dans les mentalités, les comportements, les convictions, les croyances, les modes d'action, la vision des choses...des groupes d'influence et des nouvelles élites dirigeantes. En toute flagrance, l'Afrique profonde ne consent plus à rester cloîtrée dans un statut de chasse gardée des anciennes puissances coloniales. Elle veut tenter sa chance et voler de ses propres ailes dans le monde qui s'annonce. Autant dire qu'elle ne ressemble plus à celle d'il y a trois ou quatre décennies. Les acteurs internationaux grands et moyens, étatiques et non étatiques les plus entreprenants, l'ont d'ailleurs bien compris qui rivalisent d'ardeur pour y occuper des positions, nouer des alliances, pénétrer des marchés, exploiter des ressources naturelles, voire contrôler des espaces afin d'assurer la défense de leurs intérêts stratégiques.

Algérie: le temps de la réadaptation
À l'évidence, cette réalité objective d'une Afrique qui bouge, et où le Sahel voisin bouillonne, n'est pas sans produire un effet sur l'Algérie qui ressent forcément le risque d'isolement et la charge d'inquiétude, de vigilance, de réflexion et d'anticipation qui pèse sur ses gouvernants, ses entreprises et sa diplomatie. Celle-ci en particulier se trouve à coup sûr devant un casse-tête sur l'approche à adopter. Doit-elle pour ainsi dire «rester droite dans ses bottes» en s'en tenant à la doctrine forgée naguère dans des contextes internes et externes où l'influence et le poids spécifique de notre pays recelaient un grand pouvoir d'action? Ou bien lui faudra-t-il réapprécier d'une manière objective les forces réelles de la nation, sans les surestimer ni les déconsidérer, afin de régler son action à l'aune des préceptes, des politiques et des stratégies qui se font jour en Afrique, mais aussi dans le Monde arabe et le Bassin méditerranéen? Une réponse positive à cette seconde question paraît essentielle parce qu'elle incline à un double choix:
1- poursuivre, affiner et affermir tous les accomplissements constructifs;
2- mettre en chantier une approche nouvelle sous-tendue par une doctrine énonçable en tant que doctrine réaliste d'utilité.
De quoi s'agit-il? Concernant l'aspect constructif, il renvoie à la pertinence des politiques ayant visé à créer les conditions indispensables permettant à l'Algérie de se reforger dans l'ordre intérieur en essayant d'abord de remettre la main sur ce qu'elle a perdu en termes de stabilité, de quiétude, de concorde, de crédibilité internationale, d'opportunités, de forces et de possibilités d'action productive qui s'étaient toutes abîmées dans des crises tragiques ou bien dans des dérapages déplorables. Quant à l'approche nouvelle, c'est celle, primordiale, qui s'article sur deux points:
1-parachever la remise en ordre et affronter dans tous les domaines les problèmes de la réorganisation;
2-sortir des sentiers battus, compte tenu des exigences impératives de la réadaptation aux réalités d'une situation mondiale marquée par la prééminence de l'intérêt sur les bons sentiments et par le fait que, désormais, les pays retardataires vivent sous la menace potentielle d'une atteinte même à leur souveraineté.
Car jamais les convoitises des États puissants sur les territoires et les ressources des États moins puissants n'ont cessé. De plus, une telle approche est primordiale parce que tout va si vite dans l'ambiance fébrile d'une concurrence mondialisée que beaucoup reste encore à faire chez nous pour surmonter les handicaps qui contrarient notre participation à la course. À quatre décennies à peine de la commémoration du premier siècle de son indépendance, cela implique nécessairement pour l'Algérie un triple processus:
1-la valorisation de ses atouts;
2-la refonte des objectifs stratégiques de sa diplomatie, de son économie et de ses appareils de gestion;
3-la révision de ses méthodes de pensée et d'action pour avancer avec assurance dans le nouveau siècle. Autant de sujets cruciaux que nos élites, résidentes ou non, ont la capacité de traiter sans passion ni préjugés si elles sont mises à contribution dans le cadre d'une mobilisation générale des ressources matérielles, morales et humaines de la société. Une telle mobilisation est plus que jamais indispensable parce qu'elle évitera au pays de se retrouver acculé à ne défendre qu'une position statique dans un environnement remuant où l'émergence repose exclusivement sur un double critère:
1-le critère de l'intelligence collective;
2-le critère de l'excellence.

*Membre du Conseil de la nation

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