L'Expression

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4E POUVOIR OU SIMPLE FAIRE-VALOIR?

La presse, les coulisses et les sources autorisées

La presse n’est nullement le lieu exclusif de journalistes partisans, mais comporte tout simplement, de nombreuses plumes sans lien direct ou indirect avec les lieux politiques dominants ou d’opposition

Décidément, la presse n´arrête pas de dominer l´actualité. Courtisée par les uns et attaquée par les autres, elle ne peut laisser indifférent. Elle réussit même à créer l´événement. Elle est, depuis l´avènement du multipartisme, le centre d´intérêt particulier des espaces politiques et médiatiques. L´université, trop fermée, n´arrive pas encore à cerner, sérieusement, ce phénomène. Les discours peu fouillés et marqués par une sérieuse indigence sur le plan de la méthode, obéissant essentiellement à des besoins immédiats, faussent le débat sur la presse en Algérie, réduite à des clichés et à des stéréotypes concourant à l´altération de la communication. Un discours univoque marque le terrain et traduit une méconnaissance presque totale du fonctionnement de cet appareil traversé par de multiples contradictions et vivant une situation équivoque, rejetée par les gouvernants et marquée du sceau de la suspicion par les partis.
On parle, de plus en plus, de la naissance de la presse privée qui serait l´apanage d´une génération spontanée, ignorant les combats et les luttes anonymes de nombreux journalistes défendant, entre chapelles politiques diverses et propagande officielle, leur métier, en dehors des compromis et des calculs des espaces partisans et des interminables tentatives de récupération. La presse n´est nullement le lieu exclusif de journalistes partisans, mais comporte tout simplement de nombreuses plumes sans lien direct ou indirect avec les lieux politiques dominants ou d´opposition. On y trouve des fonctionnaires zélés, des opportunistes, des khobzistes, de véritables professionnels, des militants de partis...Les choses sont très complexes.

Un monde complexe



Déjà, bien avant 1988, de nombreux journalistes ont connu la censure, l´interdiction d´écrire, le licenciement et l´arbitraire. Un regard rapide de l´histoire de la presse depuis 1962 donnerait une certaine idée de la complexité du monde journalistique. Il est faux d´affirmer, comme semblent l´avancer certains universitaires algériens et journalistes étrangers, que tous les journalistes reproduisaient le discours officiel qui, d´ailleurs, se caractérisait par de très profondes ambiguïtés. Plusieurs discours investissaient l´univers journalistique, comme d´ailleurs l´espace du pouvoir.
Une lecture de la presse montrerait la multiplicité des ancrages idéologiques et la pluralité des styles journalistiques. Quelques expériences comme celles de Révolution Africaine (1963-1965 et 1985-1988), de La République, d´Algérie-Actualité (1978-1984) et d´Echaab (1975) ou d´El Moudjahid du temps de la direction de Abdelaziz Morsly par exemple, ont quelque peu, accordé un certain intérêt à l´écriture journalistique, proprement dite, rompant avec les scories de la glose politique. Ce n´est que vers les années 70 que les choses allaient commencer à changer, avec l´arrivée, dans la presse, de jeunes licenciés qui, enfin, se mettaient à écrire lisiblement et à entreprendre une certaine révolution dans le métier. La contestation avait pignon sur couloirs des rédactions. Les journalistes protestaient contre la ligne éditoriale, désavouaient leur direction comme lors des événements de Tizi Ouzou de 1980, de la publication de l´interview réalisée avec le tortionnaire Marcel Bigeard en 1984 et des événements tragiques d´octobre 88.
Les journalistes qui avaient souffert des listes noires, des suspensions répétées, des licenciements et de la privation du logement, revendiquaient, ouvertement, le droit à la parole et à l´information. Mais cette légitime revendication allait être court-circuitée par des forces politiques, dans et en dehors du pouvoir qui faisaient entrer en jeu, les calculs et les compromis politiques. C´est dans ce contexte que le Mouvement des journalistes algériens (MJA) qui, même noyauté, constituant au début un lieu de prise de parole, était né. Vite infiltré et sérieusement vidé de son contenu initial, il devenait, tout simplement, un lieu de rencontres de forces politiques où s´affrontaient, sans rémission, diverses sensibilités, marginalisant la parole professionnelle. Mais jamais, le MJA n´a évoqué, ne serait-ce qu´une fois, l´éventuelle émergence d´une presse privée dont il combattait violemment l´idée avant que nombreux de ses dirigeants ne se voient devenir patrons et associés dans des entreprises de presse, bénéficiant de trois années de salaires et d´aides multiples du Premier ministre de l´époque, Mouloud Hamrouche notamment qui voyait dans la presse, un possible soutien à ses futures ambitions politiques. La circulaire de mars 1990 et la loi sur l´information du 3 avril 1990 permettaient à des collectifs de journalistes de créer leur propre journal. C´est ainsi que Le Jeune indépendant, Le Nouvel Hebdo, Le Soir d´Algérie, El Watan, El Khabar et Alger-Républicain voient le jour. Ces journaux se composaient essentiellement d´associés, venus du secteur public, sauf Le Jeune indépendant et Le Nouvel Hebdo, association d´un industriel Tahar Soufi, Kamel Belkacem et Abderrahmane Mahmoudi. Le Nouvel Hebdo disparaîtra après un conflit entre Kamel Belkacem et Soufi. Mais, durant cette période du début de la presse privée qui s´était outrageusement autoproclamée «indépendante», la presse publique connaissait une véritable hémorragie et une grave instabilité. D´ailleurs, de nombreux titres disparaîtront comme Algérie-Actualité (qui fut dirigé par un incompétent notoire après la démission de Abdelkrim Djillali qui avait refusé de licencier SAS comme le lui avait demandé le ministre de la Communication, de l´époque), Parcours Maghrébins, Essalem et bien d´autres titres publics comme des journaux privés tels L´Hebdo Libéré, La Nation et de trop nombreux autres titres ne résistant pas aux pressions commerciales.
Les nouveaux titres privés, aidés, directement et indirectement, par le gouvernement jusqu´à la première moitié des années 90, ne pouvaient, surtout au début, s´attaquer à Mouloud Hamrouche. D´ailleurs, quand Le Nouvel Hebdo avait eu des problèmes, un quotidien francophone aurait refusé, selon son directeur de rédaction, Abderrahmane Mahmoudi, de publier un encart publicitaire de peur de mécontenter Mouloud Hamrouche. L´ancien Premier ministre avait placé ses proches à la tête de la grande partie des médias publics et avait tenté de séduire les journaux privés. Les journaux allaient bénéficier de facilités bancaires, d´espaces publicitaires généreux et de nombreux avantages. Les titres se mettaient à s´attaquer aux Enamep (entreprises publiques de diffusion). Vite, des diffuseurs privés prenaient le relais. El Watan et El Khabar créent leur propre société de diffusion, à Oran et à Constantine. Les journaux privés commençaient à gagner le public, marginalisant les journaux du secteur gouvernemental, souvent lieux de propagande et manquant de sérieux, surtout après le départ de trop nombreux journalistes à la suite de la mise en application de la loi de 1990 permettant la constitution d´organes privés.
Au début, les choses tâtonnaient. Les uns et les autres reprenaient en fait, la manière de faire des journaux publics de l´époque. Ils cherchaient aussi à reproduire des modèles français comme pour El Watan qui avait cherché à retrouver la sobriété du Monde ou Le Matin, issu d´une scission avec Alger-Républicain, reproduisant le schéma du quotidien français du même titre. Aujourd´hui aussi, le plagiat n´est pas en reste. Le quotidien français, l´Est Républicain vient de dénoncer L´Est Républicain (ayant son siège à Annaba) pour lui avoir repris titre et maquette, sans demander son autorisation. Les journalistes d´El Khabar avaient surtout profité de l´expérience d´El Massa. Mais la pluralité des associés (certains journaux ont démarré avec une vingtaine d´associés-journalistes) qui, parfois, se prennent pour des patrons, a été à l´origine de multiples crises à l´intérieur de certaines rédactions.
L´espace médiatique allait connaître une profusion de titres. Les uns ont bien résisté malgré les bourrasques et les tempêtes commerciales tandis que d´autres sont morts tout simplement pour des raisons commerciales, même si certains titres qui, n´avaient pas payé leurs dettes jusqu´à présent aux imprimeurs, invoquaient les illusoires pressions politiques.
Certes, des conflits et des accords ponctuels alternaient dans les relations presse privée-pouvoir. Des titres ont été suspendus, des journalistes sont condamnés. Le quotidien était fait de flirts parfois bien entretenus et de coups de gueule sans lendemain. Ce qui est nouveau, c´est que le gouvernement avait de plus en plus peur des attaques de la presse privée qui devenait parfois une sorte de contre-pouvoir. Mais souvent, on retrouvait les luttes partisanes à l´intérieur de la rédaction et de l´espace du journal. Chacun, usant de qualificatifs, trop nombreux, et défendait sa chapelle politique. Des journalistes reprenaient, parfois sans un regard critique, des informations parvenues à la rédaction de sources proches d´un clan ou un autre clan du pouvoir ou de l´opposition. La rumeur faisait le reste.
On a affaire à un journalisme de bureau où parfois les pages nationales, par exemple, reproduisent le même article sous des signatures différentes. Les journaux s´imitent, se reproduisent à tel point que le ratage est défini comme le fait de ne pas avoir donné la même information qu´un autre journal. Faire un journal à moindre frais, tel est le souci de nombreux éditeurs qui accordent peu d´importance à la qualité professionnelle et à l´investigation. L´espace est souvent mal géré, ignorant les contingences spatiales, la hiérarchisation de l´information et la configuration géométrique. Les partis pris, le manque de vérification de l´information, la précipitation, la diffamation, les nombreux problèmes techniques et linguistiques et la méconnaissance du métier marquent une presse qui, souvent, ne dépasse pas la capitale faisant des «bureaux régionaux» et des correspondants souvent non payés, usant de leurs cartes de presse pour impressionner responsables et relations, des lieux de collecte de la publicité ou de simples «remplisseurs» de pages peu sérieuses. De nombreux bureaux régionaux vivent mal cette situation. L´information de proximité est souvent sacrifiée au profit des jeux d´appareils comme si l´Algérie se réduisait à quelques hommes «politiques». C´est l´information à moindre frais. Seul un ou deux quotidiens possèdent de véritables rédactions régionales.

Logique d´intérêts



Mais ce qui pose problème, c´est la concentration d´un même titre entre les mains d´une même personne. Cette situation est dangereuse et porte préjudice au droit à l´information du citoyen qui se retrouvera avec des organes de presse prisonniers du discours du «patron» de ces médias. L´Etat devrait trouver les moyens législatifs pour éviter une telle concentration. La rencontre entre le monde industriel et la presse n´est pas sans dégâts. Il est même patent de retrouver des conflits d´intérêts entre la presse gouvernementale et les médias privés. D´ailleurs, les attaques répétées de certains titres contre l´Anep (surtout quand ils n´ont pas signé de convention avec cette régie) semblent absurdes et obéissent à une logique d´intérêts. La question qui se pose, certes, avec acuité, est cette propension illogique et non économique de nombreuses entreprises publiques de publier leurs pubs dans les journaux gouvernementaux tirant à quelques milliers d´exemplaires. De nombreux titres publics et privés ne donnent pas leurs tirages, ce qui fausse le débat, surtout en l´absence d´un office de justification de la diffusion.
Les jeux de la manipulation ne sont pas absents. Même les ambassades s´intéressent de plus en plus à la presse, multipliant invitations et visites dans des rédactions trop investies par le travail au noir et les abusives généralisations, espaces de négation de l´écriture journalistique. La diffamation a pignon sur colonnes, marquées par l´invective et les affirmations péremptoires prisonnières parfois de pratiques singulières (style prescriptif, multiplication de qualificatifs, du passé simple, des phrases longues et des paragraphes interminables, présence de reportages et de personnages imaginaires avec en sus des «observateurs» et des «sources autorisées» à la pelle). Mais l´élément le plus important, c´est l´absence d´investissement (on préfère l´immobilier) des directions des journaux dans la formation de leurs journalistes souvent abandonnés à eux-mêmes et d´un syndicat représentatif des professionnels (permanents et collaborateurs). Peut-être demain, les nouveaux besoins des lecteurs imposeront l´émergence d´un journalisme sérieux, professionnel...

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