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DE ANNABA À LA SARDAIGNE, LE JEU DE LA MORT CONTINUE

El harga ou les dessous d'un phénomène récurrent

Émigrer vers l'Europe, une prétention parfois vaine, au prix fort, pour des centaines de jeunes qui, en dépit de l'intensification des opérations de contrôle des gardes-côtes algériens, est un rêve pour lequel les harraga continuent d'oser braver le franchissement de tous les remparts.

Pour une raison ou une autre, la déferlante de jeunes Algériens sur le chemin de l'émigration ne cesse de prendre des dimensions inquiétantes. Le phénomène est devenu un drame quotidien sur les côtes algériennes. D'est à l'ouest, ils sont quelque 300 candidats à l'émigration clandestine, à avoir été, soit arrêtés par la Gendarmerie nationale, avant l'amorce de la traversée, soit interceptés dans les eaux territoriales algériennes, par les éléments des gardes-côtes algériennes. Depuis Annaba à Aïn Témouchent, en passant par Skikda et El Tarf, plusieurs tentatives d'émigration illégale ont été déjouées.
Les dernières remontent à jeudi écoulé, selon les communiqués de presse, émanant des corps respectifs des gardes-côtes algériens et la Gendarmerie nationale. A Annaba pas moins de 17 harraga ont, lors, d'une patrouille de routine des vigiles de la mer, été interceptés à bord d'une embarcation artisanale. Originaires de plusieurs wilayas de l'Est et du centre du pays Blida, Alger, Constantine et Souk Ahras, les jeunes âgés entre 17 er 35 ans, ont, depuis la plage de Oued Bakrat commune de Seraïdi, tenté de traverser la Méditerranée, dans l'espoir de rejoindre la rive sud de l'Italie, l'île de la Sardaigne en l'occurrence.
De leur côté, les éléments de la Gendarmerie nationale, dans le cadre de la lutte contre ce phénomène, sont parvenus, lors, de deux opérations distinctes à déjouer deux tentatives d'émigration clandestine, de 36 harraga, dont une femme, avec un en enfant de trois ans, selon un communiqué, émanant du groupement de gendarmerie de Annaba.
Aux termes du document, dont, nous détenons une copie, il est fait état de deux groupes de 16 et 20 harraga qui s'apprêtaient à larguer les amarres, depuis la plage de Djennen El Bey, dans la même commune, les éléments de la gendarmerie ont mis en échec les deux tentatives, avec laquelle, les espoirs des harraga se sont évaporés. Même constat à Skikda et Aïn Témouchent, où 24 harraga ont été arrêtés jeudi dernier, où, le groupement de gendarmerie à arrêté 13 individus, impliqués dans deux opérations distinctes et devant être entreprises à partir de la plage de Teleza à l'est de Collo pour la première.

Pourquoi l'île de la Sardaigne?
Dans cette tentative, un groupe de harraga originaires de Collo et sa région se préparait à quitter le territoire national illégalement. Les éléments de la gendarmerie ont opéré avec succès et sont parvenus à mettre en échec l'opération. La fouille des lieux proches de Oued Hadjria limitant les communes de Kerkera et Collo s'est soldée par l'arrestation de sept individus âgés entre 26 et 39 ans. La seconde opération engagée à la plage de Sidi Akacha, commune de La Marsa, où six harraga ont été arrêtés. Âgés de 23 à 26 ans, ils devaient embarquer en direction de la Sardaigne. Une opération similaire a été opérée à l'ouest du pays, où une autre tentative d'émigration clandestine impliquant 11 personnes, a été mise en échec par l'unité des gardes-côtes de Beni-Saf wilaya de Aïn Témouchent.
La patrouille de routine des gardes-côtes a repéré et intercepté, au large de la plage de Sassel à Ouled Djemaâ, 11 candidats à l'émigration clandestine. Âgés entre 25 et 35 ans et originaires de la wilaya de Saïda, les harraga ont été sauvés d'une mort certaine. Il est à signaler qu'il s'agit de la quatrième tentative d'émigration clandestine mise en échec en l'intervalle d'une semaine, sur les côtes de Beni-Saf; après celle des 35 et sept harraga, qui tentaient de gagner la Sardaigne à partir des plages respectives de Bouzedjar et Sbiaâte dans la même wilaya.

Récurrents réseaux de passeurs
L'Espagne, l'Allemagne ou ailleurs dans d'autres contrées de l'Europe, Pour les prétendants à l'émigration clandestine, l'île de la Sardaigne n'est qu'un point de transit. Etant à un vol d'oiseau comme on dit, la traversée est plus sûre.
C'est de l'avis de plusieurs harraga dont la tentative de quitter le pays, a été mise en échec soit, par les gardes-côtes ou la Gendarmerie nationale. «Partir depuis les côtes de Annaba la traversée peut durer, si tout va bien, entre 16 à 18 heures, avec un moteur solide», selon Abdelghani, harrag récidiviste.
Originaire de Sidi Amar, notre interlocuteur a tenté deux fois l'opération, mais à chaque fois, l'interception par les gardes-côtes est au bout du tunnel «J'ai payé 80 millions de cts, pour la 1ère fois et 60 millions pour la seconde, mais je n'ai pas perdu l'espoir. J'ai décidé de partir et je le ferai: «Ida n'mout fel bhar, ketebhali Rabi», a dit Abdelghani, qui semble bien déterminé à atteindre l'ile de la Sardaigne. «Non ce n'est pas l'Italie qui m'intéresse, mes copains m'attendent en Allemagne, et Sardignia n'est qu'un passage pour moi», a fait savoir le jeune, déterminé à refaire la tentative. Ces propos et bien d'autres sont tenus par Hichem, Skander et Rabah dont, l'arrivée de leurs copains en terre promise n'a fait que raviver leur «vouloir partir».
«Les embarcations sont solides et les moteurs sont puissants, je ne risque pas ma vie sur un pneumatique», a dit Rabah, de Hadjer Eddisse. «Pourvu que les gardes-côtes nous laissent passer. Ils nous rendent la vie plus difficile qu'elle ne l'est déjà», a rétorqué Hichem de la même localité. «Les conditions climatiques sont très favorables, la mer est calme et on aurait pu atteindre la Sardaigne en moins de 16 heures», a, déploré notre interlocuteur, un des harraga interceptés au large du cap de Garde, la semaine écoulée, par les gardes-côtes de Annaba.
Bien que les contrôles soient imperméables, de nombreux harraga passent entre les mailles du filet et franchissent les frontières maritimes du pays.
L'intensification de la traite des personnes sur les façades maritimes algériennes renseigne sur la puissance des réseaux de passeurs, qui, en dépit de la lutte implacable des services de sécurité, police et Gendarmerie nationale, intensifient le recrutement des candidats à l'émigration clandestine. Ainsi, sont-ils à l'origine de la prolifération des vagues de harraga, affluant actuellement sur les cotes Est et Ouest du pays, point de transit vers l'Europe, via l'Ile de la Sardaigne. Les profits sont énormes, les risques limités: le transport de harraga vers le sud de l'Italie, par la Méditerranée, attire de plus en plus de groupes mafieux algériens et étrangers, des Noirs africains notamment.

Implacable lutte contre l'émigration clandestine
En somme, il s'agit de réseaux qui activent dans la criminalité transmaritime. Sous le sceau de l'anonymat, Mohamed, c'est le nom qu'on donne à un passeur, originaire de la wilaya de Skikda, raconte les dessous du trafic: «Nous accomplissons le travail d'une agence de voyages, puisque nous permettons aux candidats d'atteindre l'Europe par le point le plus proche», explique notre interlocuteur. «Certes, outre le manque de confort, le voyage n'est pas sans risques, notamment pendant le mauvais temps, mais ce sont des risques à prendre par les harraga», devait dire Mohamed, et de préciser que «chacun trouve son compte, nous, on assure une prestation de service.
Pour les harraga africains, ce sont des intermédiaires qui traitent avec nous depuis leurs pays d'origine, Niger, Togo et la Zambie entre autres».
Le flux des prétendants a conduit les trafiquants à innover, pour multiplier leurs opérations. Des pages Facebook avec les prix et les wilayas, et un supplément pour un gilet de sauvetage. Cette criminalité organisée est devenue professionnelle, avec l'usage de moteurs puissants et d'outils de navigation GPS.
L'action des passeurs va de l'activité artisanale aux opérations très pointues, avec souvent une combinaison des deux. Bien que plusieurs passeurs aient été arrêtés par les services sécuritaires, aucun démantèlement de réseaux n'a été enregistré. Ce qui a permis à cette criminalité organisée d'évoluer.
Toutefois, il y a lieu de noter que le renforcement des mesures de sécurité des frontières maritimes algériennes a permis d'identifier plusieurs passeurs traduits en justice. Mais la tentative de quitter le territoire clandestinement n'est toujours pas régie par des textes de loi, hormis, l'amende à laquelle sont soumis les harraga, une fois interceptés.
Selon maître B. H., avocat affilié au barreau de Annaba, en l'absence de vide juridique, le phénomène ne peut être stoppé.
Les harraga aussi bien que les passeurs doivent être incriminés pour leurs actes chacun dans sa catégorie», a estimé l'avocat. Et d'expliquer: «Pour faire face à ce phénomène, il faut promulguer des lois propres à l'émigration clandestine, avec des peines selon chaque cas, récidive ou pas.» Pour les passeurs, l'acte est plus grave, selon notre interlocuteur. «La traite des personnes dans ce cas de figure, c'est la mise en danger de la vie de plusieurs personnes.
La peine doit être plus conséquente. Cela s'assimile à un homicide volontaire, prémédité, sinon comment expliquer une aventure en pleine mer, avec une embarcation artisanale», s'est interrogé l'avocat. «Des centaines de jeunes ont trouvé la mort et d'autres ont été portées disparues après que leurs embarcations ont coulé en haute mer», devait déplorer maître B.H.
Les difficultés sociales et économiques expliquent cette tendance, selon les centaines de jeunes interceptés et reconduits en terre ferme par les gardes-côtes de Annaba. Dans un pays dont l'économie serait affectée par la crise économique, les jeunes Algériens continueront à braver les dangers de l'émigration clandestine.
L'ampleur du phénomène risque de forcer davantage de personnes à partir en quête d'une vie meilleure.
Quelque 800 harraga ont été interceptés depuis janvier 2017, contre 400 en 2016. Une hausse qui s'explique, avec le nombre de ressortissants africains.
La principale raison de ces derniers, c'est qu'ils ne se sentent pas en sécurité dans leur pays ou, qu'ils doivent échapper à la misère sociale. Mais pour les jeunes Algériens, la situation est autre, lassés de survivre dans l'ombre de leurs parents ou d'être des célibataires endurcis.

Confession d'un harrag revenu de loin
Mais qu'en est-il de cet «ailleurs» décrit par ceux qui sont revenus après avoir passé deux ans de misère. Mohamed Salah explique les conditions dans lesquelles il se trouvait. «Je suis resté 21 jours au centre de rétention de Lampedusa en Italie, avant de descendre à Marseille, où la traque des services de sécurité était insoutenable.» Situation qui ne pouvait permettre au jeune, parti depuis la plage d'Echatt, dans la wilaya d'El Tarf en 2015 de saisir la chance convoitée: «Contrôles de police, pas de travail stable et des conditions de vie déplorables, dans un bidonville à Martigues, je n'étais pas sûr de tenir le coup, alors j'ai décidé de rentrer chez-moi», a expliqué Med Salah.
Certes, cela a duré plus d'une année, le temps que sa famille lui établisse un passeport, puis trouve le moyen de l'envoyer, avec une somme d'argent, pour un retour sans préjudice et avant qu'il ne soit trop tard. «Qu'il est bon de se retrouver parmi les siens, la vie est meilleure en Algérie», a lancé Salah, avec un large sourire..

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