L'Expression

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Bouira

Au cœur d’un débat fertile sur le blé

L’objectif résolument affiché est d’atteindre les 60q/h. Pour l’heure on en est encore loin.

Une journée sur la céréaliculture? Pour dire quoi? Que l'année passée fut une catastrophe? Que l'année en cours ne se doit d'être que grâce aux moyens très généreux de l'État? Qu'elle a été poussive en ses débuts, et que malgré les indemnisations et l'aide de l'État, les pluies refusant de tomber, la campagne labours-semailles qui d'habitude se tenait vers le 10 octobre n'a pas pu avoir lieu, la crainte d'une nouvelle catastrophe se profilant de nouveau à l'horizon? Tout cela avait été dit et redit au cours de la journée organisée par la Cnma et le Conseil interprofessionnel de la filière céréalière. Et c'est même pour cela qu'elle a été décidée. L'année dernière a été une ruine quasi totale pour le secteur agricole, durement frappé par la plus cruelle des sécheresses. Mais il y a eu quand même des erreurs et ces erreurs ont lourdement pesé sur les évènements, les rendant intenables. Si l'on en croit l'un des intervenants, la CNMA a tiré la sonnette d'alarme sur la situation climatique qui devenait critique d'année en année. D'abord en 2017, puis en 2020. Mais la journée placée sous le signe de la solidarité, de l'espoir et de l'ambition, a été bien plus qu'un recensement des erreurs passées et une litanie de doléances. Elle a permis de poser un diagnostic clair et d'échanger des points de vue sur la situation qui prévaut dans le secteur. À cet égard, le documentaire, présenté à cette occasion, peut être résumé par un mot du président de la République qui vise à porter le rendement à 60 quintaux à l'hectare. Ce qui est un défi sans précédent, vu que celui-ci plafonne actuellement à 10 et 15quintaux à l'hectare.

Les augures d'une bonne année
Il pleuvait à verse, ce jeudi matin. La pluie fouettait le pare-brise, obligeant les essuie-glaces à un balayage frénétique, tandis que l'eau filait à vive allure sur la chaussée et formait de larges flaques des deux côtés. Aux approches de l'hôtel AB Park que nous avons appris à connaître, le vent s'est levé et ses rafales faisaient plier les cimes des palmiers. Le choix du lieu de cette journée n'était peut-être pas fortuit. Il ne fallait rien moins que le cadre de cet établissement, grand standing, pour faire oublier définitivement les deux catastrophes qui ont marqué cruellement l'année précédente: la forte sécheresse qui a détruit quelque 90% de la récolte (l'estimation est de la directrice du secteur) et l'incendie qui a ragé en été plus de 8 000 hectares de forêts et d'arbres fruitiers, sans parler d'un assez grand nombre de cheptel et coûté trois vies humaines. Quant au choix de la journée, on ne peut rêver meilleur moment que ce 29 février, mois qui ne veut pas finir sans laisser un bon souvenir aux hommes et aux bêtes fortement éprouvés par cette parenthèse climatique calamiteuse. Un cadre aussi opulent que l'hôtel AB Park pour abriter cette réunion qui rassemblait 13 wilayas, et une journée aussi généreuse en eau étaient le moyen le plus sûr pour remonter le moral des agriculteurs et des responsables qui les accompagnent dans leurs efforts quotidiens.
Ces pluies soutenues, annoncées auparavant par la météo, ont démenti les prévisions sur un seul point: elles étaient en avance d'un jour. Au lieu de commencer le mardi, elles s'étaient mises à tomber le lundi après-midi. Et en une telle abondance qu'on ne devrait pas être loin des 350 mm. C'est le cumul pluviométrique d'une bonne année. Or, nous n'étions même pas en mars, et ces apports ont réjoui tous les responsables du secteur et tous les agriculteurs des treize wilayas présents à cette journée du 29 février.
Selon les estimations du directeur de l'Institut national des sols, irrigation et drainage (Insid), avec de tels apports pluviométriques, les champs de céréales peuvent rester un mois sans souffrir à condition que la température demeure à des degrés supportables.

Hymne à l'effort
Alors, travail, travail, avait martelé un autre intervenant. L'État a tout donné pour que l'année en cours soit une année modèle en rendement et production. L'objectif résolument affiché est d'atteindre les 60q/h. Pour l'heure on en est encore loin. Dans les périmètres irrigués, ainsi que cela a été rappelé, le rendement reste bloqué autour de 20q/h. Où ça coince donc?
Des erreurs ont été commises. On a accusé certains fabricants d'engrais. Le dosage n'est pas toujours respecté, a-t-on assuré. Le taux d'azote (12%), de phosphore (15¨%), de potassium (17%), affichés sur le sac ne concorderaient pas avec le contenu du sac. L'agriculteur, abusé de la sorte, verrait son champ compromis par le déficit de l'un ou l'autre ingrédient. Le second point sur lequel s'est focalisée l'attention, c'est le désherbage. Le responsable de l'Insid a ironisé sur les déclarations des agriculteurs qui se plaignent tout le temps de la sécheresse. Ce sont les mauvaises herbes qui créent, selon lui, le stress hydrique autour du plant, en absorbant une grande partie de l'eau qui lui est destinée. «Après, ils diront que c'est la sécheresse», s'est-il écrié. L'autre facteur défavorable à un bon rendement est la qualité de la terre. Trop crayeuse, elle est peu productive. Le rendement peut tomber à 5 quintaux par hectare, voire moins quand l'année elle-même est peu propice. Aussi, l'analyse des sols est-elle un des points essentiels sur lequel ce responsable a tant insisté. L'exemple qu'il a choisi pour illustrer son propos a été pris dans l'année précédente: les engrais de fond comme de couverture n'ont pas été entamés au cours de la saison précédente. La culture ayant été anéantie par le stress hydrique, la quantité d'engrais répandue est restée intacte. Mettre de l'engrais dans un champ qui en contient déjà assez serait compromettre les chances de cette culture. D'où la nécessité de suivre les conseils sur le moment propice pour semer, pour désherber et pour procéder aux analyses du sol, dont la demande doit être faite en juillet ou en août auprès de l'Insid afin que les résultats soient prêts en septembre. Quant au désherbage, «n'attendez pas que les mauvaises herbes soient devenues trop robustes pour s'attaquer à elles», a-t-il recommandé.
Le documentaire cité plus haut montre le mauvais usage qui peut être fait des fertilisants ou des herbicides et les conseils pour l'éviter et parvenir ainsi à une meilleure productivité. Il met aussi en évidence la solidarité avec la Crma et la Protection civile comme en témoignent les photos souvenirs prises dans les champs où l'on y voit quelques exemples illustratifs. On voit aussi certains plants bien prendre dans un sol bien travaillé et où les conseils concernant l'utilisation des intrants ont été respectés, et d'autres souffrant soit d'un excès d'engrais, d'un sol pauvre ou d'emploi intempestif des engrais ou des pesticides. Ce documentaire vaut un bon discours.

Une étude qui donne froid dans le dos
Nous allons vers des temps difficiles. La calamité qui a sévi l'année dernière a valeur d'avertissement. Nous ne pouvons plus nous fier à ce climat de plus en plus capricieux. Et cela, ce ne sont plus seulement les experts qui le disent. Mais tous ceux qui ont vécu assez longtemps pour savoir que cette sécheresse est endémique et se manifeste depuis si longtemps. La grêle, les sauterelles, les incendies et la sécheresse ne datent pas d'hier. Aussi, lorsque la Crma affirmait, par l'un de ses responsables, qu'elle tirait, depuis longtemps, la sonnette d'alarme, cette caisse, constituée de plus de 200 000 actionnaires, ne se basait pas, seulement sur les déclarations des agronomes et des experts, mais également sur du vécu. Et l'étude sur le climat qui a été présentée ce jeudi devant les invités des 13 wilayas le prouvait.
La première carte illustrant le changement climatique nous ramène en 1940. En ce temps-là, dont peu se souviennent, le cumul pluviométrique oscillait entre 400 à 500 mm. Et si en ce temps, il y avait les moyens que l'on a aujourd'hui, nul doute que même une année comme celle de 2023 aurait laissé moins de séquelles derrière elle. En effet, avec des nappes et des barrages pleins à ras bord, l'année aurait été sauvée à 40% ou 50% grâce aux périmètres irrigués et au système d'arrosage dit du «goutte à goutte».
C'est à partir de cette année-là, c'est-à-dire 1940, que les choses ont commencé à péricliter. Pourtant, à cette époque-et la carte qui illustre l'étude le montre-la situation était loin d'être ce qu'elle est aujourd'hui. Le ruban mauve qui figure la pluviométrie en 1940 et qui traverse la carte d'est en ouest se situe au niveau des Hauts-Plateaux. Les calamités épargnaient le Sahel. Cependant, progressivement la donne allait changer. À partir de 1950, la ligne mauve n'a plus cessé de monter. La pluviométrie qu'elle représente sur la carte n'est plus que de 300 mm. Et chaque décennie la rapproche davantage du littoral. En 2050, elle indique un déficit pluviométrie de 15% à l'ouest, 20% au centre, et 25% à l'est. Et déjà le responsable de l'Insid, en commettant ces cartes successives, et les données qu'elles affichent, mettait en garde contre la culture du blé qui, selon lui, conduirait à une nouvelle catastrophe. «Plus de blé, s'écriait-il! De l'orge, de l'avoine, des pois chiches et des lentilles qui résistent mieux à ce climat, mais plus de blé!»

Professionnalisme des agriculteurs
Ce n'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Les agriculteurs savaient que le climat change et cette étude ne fait que confirmer ce qu'ils n'appréhendent que trop déjà. Ils savent aussi que l'aide de l'État ne continuera à leur être fournie que s'ils demeurent eux-même rentables. Aussi restent-ils vigilants et unis face à l'adversité. Si la solidarité s'exprime à travers les mécanismes mis en place par l'État, elle doit s'exprimer tout autant entre les agriculteurs en cas de coups durs pour les plus vulnérables d'entre eux.
Les débats ont été nombreux et fructueux. Ils ont surtout permis de faire comprendre que nos agriculteurs n'ont rien à envier à leurs vis-à-vis. Aussi à l'aise dans cette journée truffée de mots techniques, qu'en arabe et en français, ils ont donné ce jeudi un aperçu de leurs vraies capacités à aborder toutes les questions qui se posent dans leur domaine, que sur leur professionnalisme.
Ces combattants, comme les a appelés le président du Conseil national inter-professionnel des céréales, qui est revenu longuement dans les débats sur les nombreuses journées de formation organisées par les bureaux, ont reçu un hommage particulier qui leur a permis d'être présentés et cités devant la salle de conférence pleine à craquer. Il était près de 13h et dehors, il pleuvait toujours. Comme un signe du ciel pour démentir la carte et l'étude qu'elle appuyait. Yahia, un ex-responsable de la Chambre d'agriculture que nous avons rencontré dans la cour, ressassait la question qu'il n'avait pu poser faute de temps: le blé qu'on a semé cette année est un produit du Sahara. C'est dire un produit des périmètres irrigués. Il réagirait très mal au moindre changement climatique. Mais l'ancien président a plus confiance dans une bonne répartition des pluies. Ce sont elles qui font une bonne année. Et ce qu'il disait était aussi bon pour le blé, l'orge ou l'avoine.

De Quoi j'me Mêle

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