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Génocide au Rwanda

La France a «failli» selon un rapport remis à Macron

Dès octobre 1990, date d’une offensive du FPR (Front patriotique rwandais, ex-rébellion tutsi dirigée par Paul Kagame, devenu président du Rwanda), Paris prend fait et cause pour le régime Habyarimana. Elle s’engage militairement avec l’opération militaire Noroît,

La politique de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, menée par un président et son entourage «aveuglés idéologiquement», a été une «faillite» et elle porte des responsabilités «accablantes» dans le génocide des Tutsi, selon un rapport cinglant d'historiens remis ven-dredi à Emmanuel Macron. Kigali a salué «un pas important vers une compréhension commune du rôle de la France», dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Ce rapport «marque une avancée considérable» pour comprendre l'engagement français au Rwanda, a estimé le chef de l'Etat français dans un communiqué de la présidence. La France, où se sont installées plusieurs personnes suspectées d'avoir des responsabilités dans le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, «poursuivra ses efforts» contre les responsables de génocides, ajoute-t-il. Le président français a indiqué espérer que la publication de ce rapport permettrait un rapprochement «irréversible» avec Kigali. Même si les relations entre les deux pays se sont détendues avec l'arrivée explosive depuis plus de 25 ans. Il est aussi l'objet d'un débat violent et passionné entre chercheurs, universitaires et politiques. Ce rapport de plus de 1.000 pages, fruit de deux années d'analyse des archives françaises, dresse un bilan sans concession de l'implication militaire et politique de Paris, tout en écartant la «complicité» de génocide longtemps dénoncée par Kigali. Présente au Rwanda depuis que ce pays des Grands Lacs a pris son indépendance de la Belgique, la France «est demeurée aveugle face à la préparation» du génocide des Tutsi du Rwanda de 1994, assène dans ses conclusions la commission de 14 historiens présidée par Vincent Duclert, mise en place en 2019 par Emmanuel Macron. Les historiens reviennent sur l'engagement français durant ces quatre années décisives, au cours desquelles s'est mise en place la dérive génocidaire du régime hutu, pour aboutir à la tragédie de 1994: quelque 800.000 personnes, majoritairement tutsi, exterminées dans des conditions abominables entre avril et juillet. Télégrammes diplomatiques, notes confidentielles et lettres à l'appui, le rapport dessine une politique africaine décidée au sommet par le président socialiste de l'époque, François Mitterrand, et son cercle proche, un entourage motivé par des «constructions idéologiques» ou la volonté de ne pas déplaire au chef de l'Etat. Il raconte des décideurs «enfermés» dans une grille de lecture «ethniciste» post-coloniale et décidés à apporter, contre vents et marées, un soutien quasi «inconditionnel» au régime «raciste, corrompu et violent» du président rwandais Juvénal Habyarimana, face à une rébellion tutsi considérée comme téléguidée depuis l'Ouganda anglophone. «Cet alignement sur le pouvoir rwandais procède d'une volonté du chef de l'Etat et de la présidence de la République», écrivent les quatorze historiens de la commission, en insistant sur «la relation forte, personnelle et directe» qu'entretenait François Mitterrand avec le président hutu Juvénal Habyarimana. Cette relation, doublée d'une obsession de faire du Rwanda un territoire de défense de la francophonie face aux rebelles tutsi réfugiés en Ouganda a justifié «la livraison en quantités considérables d'armes et de munitions au régime d'Habyarimana, tout comme l'implication très grande des militaires français dans la formation des Forces armées rwandaises» gouvernementales. Dès octobre 1990, date d'une offensive du FPR (Front patriotique rwandais, ex-rébellion tutsi dirigée par Paul Kagame, devenu président du Rwanda), Paris prend fait et cause pour le régime Habyarimana. Elle s'engage militairement avec l'opération militaire Noroît, censée protéger les expatriés étrangers, mais qui de facto constitue une présence «dissuasive» pour protéger un régime vacillant contre l'offensive rebelle. Tout en pressant Habyarimana de démocratiser son régime et négocier avec ses opposants -ce qui aboutira aux accords de paix d'Arusha en août 1993-, la France ignore les alertes, pourtant nombreuses, venues de Kigali ou Paris, mettant en garde contre la dérive extrémiste du régime et les risques de «génocide» des Tutsi. Le rapport souligne, notamment la lourde responsabilité de l'état-major particulier (EMP) de François Mitterrand, dirigé par le général Christian Quesnot et son adjoint le colonel (devenu général) Jean-Pierre Huchon. Parallèlement, l'institution diplomatique ne se montre guère plus critique - à de rares exceptions: «les diplomates épousent, sans distance ou réserve, la position dominante des autorités», et leur administration est «imperméable» à la critique. L'arrivée en 1993 d'un gouvernement de droite - la France entre en «cohabitation»- ne modifiera pas fondamentalement la donne. Les responsables politiques et militaires de l'époque ont pour leur part soutenu avoir sauvé l'honneur de la communauté internationale en étant les seuls à intervenir au Rwanda. Le génocide prend fin avec la victoire du FPR en juillet 1994. Depuis, la France a entretenu des relations tendues, voire exécrables, avec le Rwanda, marquées par la rupture des relations diplomatiques en 2006.

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