L'Expression

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Qui se souvient de Boudj le marabout de la cinémathèque?

Jusqu'à la fin du siècle dernier, Boudj, ainsi l'appelaient ses amis, fut le marabout de la cinémathèque d'Alger! Un acteur exceptionnel de la culture cinématographique! Un fou amoureux de l'image et du grand écran!

Dans son histoire tumultueuse, Alger la Blanche, cette ville magique et aguichante, a été protégée par deux saints patrons, le premier s'appelle Cheïkh el faqih Sidi Abderrahmane Al Thaâlibi (1384-1471) et le deuxième Boudjama Karech, gardien du musée des images. Deux saints gardiens de l'âme d'Alger al Mahroussa.
Après un voyage de vingt ans dans les pays du Levant et la terre sainte, Cheïkh Sidi Abderrahmane Etthaâlibi revint pour s'installer définitivement à Alger avec 250 mulets chargés de livres et de parchemins. Il cherchait le secret de la sécurité d'El Mahroussa dans les versets coraniques, dans la sagesse des soufis, dans le mouvement des nuages et sur les paumes des étoiles. Le deuxième saint patron Boudj, entouré d'une bibliothèque dont le fonds est constitué de bandes et de pellicules, aimait garder El Mahroussa par la force des couleurs d'images, des fabuleuses histoires, racontées dans des films universels, immortels, qui parlaient toutes les langues du monde et les musiques légendaires.
Boudj fut un rassembleur, autour de lui, dans son musée sacré d'images se réunissaient les élites algéroises. Les bavards et les fumeurs, les baroudeurs et rêveurs. Boudj ressemblait au saint patron Sidi Abderrahmane Al Thaâlibi, gardien d'Alger. Comme lui, il était ouvert sur le monde à travers la Méditerranée ou par la grande fenêtre du désert. Comme lui, il était habité par la parole et le mythe du mot. Le beau bleu du ciel et la lumière fascinante d'Alger lui procuraient la transparence et la force de l'hospitalité. Comme lui, il chérissait les ruelles de la Casbah, les odeurs des épices, le parfum de la lavande, les chuchotements des orangers et l'élégance des femmes.
Boudj a été éjecté de son poste parce qu’il faisait de l’ombre aux nouveaux opportunistes de la culture et des arts.
À Alger, dans les années soixante-dix, le nom Boudj était indissociable et confondu avec le mot cinéma. Il était le Marabout de la cinémathèque.
La ville bougeait avec Boudj! La ville dormait les yeux grand ouverts sur le grand écran.
Par les temps qui courent, Alger dort très tôt! Le veilleur s'est retiré à l'ombre d'un mur sourd et silencieux! Les bavards se sont tus. Les poètes se sont éclipsés. Et les nuits des rêveurs tournent en cauchemars. La maison de Boudj, le musée des images, est abandonnée, la foule des cinéphiles n'est plus au rendez-vous nocturne quotidien!
Celui qui créait la fête d'images et de sons à Alger est entré dans une solitude assourdissante! Le Marabout s'est isolé. Son téléphone ne répond plus! Boudj ne bouge plus!
Boudj fut le maître de deux générations de cinéphiles. Les Algérois des années soixante-dix et quatre-vingt, les jeunes et les moins jeunes, les hommes comme les femmes, se ruaient pour regarder un film projeté à la cinémathèque et pour assister aux débats des lumières, en présence des célèbres réalisateurs et des acteurs stars venant des quatre coins du monde.
Pour les étudiants, les débats et les projections dans la maison de Boudj étaient plus intéressants, plus captivants, que les conférences routinières données par des douktours dans les amphis de la fac.?Après chaque projection, les débats tournaient autour de la politique, la libération de l'Afrique, la justice sociale, l'égalité femme-homme, l'art, la culture, le vivre ensemble et le savoir-vivre.
Alger ne dormait pas! Alger rêvait!
La cinémathèque d'Alger comme espace de débat et de plaisir artistique est la création de Boudj. Avec un savoir-faire exceptionnel et une volonté intellectuelle sans bords, Boudj s'est entouré d'un monde d'intellectuels de tous les horizons, des journalistes, des médecins, des fonctionnaires, des étudiants et d'hommes politiques.
Boudj nous a enseigné la chose suivante: si chaque culture a ses spécificités, elle est, en même temps, en voyage continuel dépassant toutes les frontières et embrassant toutes les autres cultures.
Boudj a été éjecté de son poste parce qu'il faisait de l'ombre aux nouveaux opportunistes de la culture et des arts. Il n'avait pas la langue dans la poche et il refusait de la donner au chat!
Aujourd'hui, Boudj le visionnaire, l'aigle, est atteint d'une sorte de cécité qui ne lui permet pas de se déplacer facilement hors de chez lui.
Celui qui durant plus de quatre décennies n'a jamais quitté le regard du grand écran du regard, dégustant ses centaines de films, film sur film, n'arrive pas à voir le bleu du ciel d'Alger ou celui de la Méditerranée!
Afin d’honorer cet intellectuel exceptionnel, de son vivant, on devrait donner son nom «Boudjema Karech» à la cinémathèque d’Alger.
Celui qui nous a appris à regarder la beauté de l'image cinématographique n'arrive pas à regarder la beauté du soleil! Nous sommes une société d'intellectuels ingrate! On oublie ceux qui nous ont appris à ne pas oublier les belles choses. On oublie facilement les faiseurs de belles choses dans nos beaux jours.
Afin d'honorer cet intellectuel exceptionnel, de son vivant, on devrait donner son nom «Boudjema Karech» à la cinémathèque d'Alger. C'est la moindre des choses pour demander pardon à ce monument de l'histoire de la culture cinématographique en Algérie.
J'en appelle à tous les cinéphiles et à toutes celles et ceux qui ont fréquenté la cinémathèque d'Alger durant les années soixante-dix et quatre-vingt, pour décider de la création d'une association ayant pour but de défendre le musée d'images et l'oeuvre de Boudj le marabout de la cinémathèque.

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