TIMIMOUN
L'oasis rouge, un jour d'hiver
Les participants à cet éductour n'oublieront pas de sitôt la beauté offerte par l'Oasis rouge.
La première chose qui marque les esprits quand on arrive à Timimoun est incontestablement la couleur de ses constructions ocre rouge d'où le surnom de l'Oasis rouge. La ville édifiée au-dessus de l'oasis du Gourara est une merveille du point de vue architectural. Ses maisons rouges donnent un charme certain à la ville surtout quand on observe le coucher du soleil qui contraste avec un ciel d'un bleu comme la vie. La deuxième chose qui impressionne dans cette Oasis est sa situation géographique.
Timimoun, située au bord du plateau de Tademaït, domine la Sebkha qui est «l'ancien site de ce qui fut autrefois tantôt un fleuve, tantôt une étendue lacustre. Ce bassin a reçu par phases successives de nombreux sédiments, il est riche en fossiles», nous explique un habitant.
Le paysage est le même que celui des autres oasis du Gourara, un village qui surplombe la palmeraie et ouvre sur le bassin sédimentaire de la Sebkha, offrant un magnifique panorama sur la partie méridionale du Grand Erg Occidental, composé de splendides dunes. Des dunes qui nous laissent imaginer un Djurdjura de sable que les journalistes qui se sont reconvertis en alpinistes ont trouvé un malin plaisir à grimper. «Il y a de nombreux siècles, des bateaux empruntaient la Sebkha, comme en attestent des écrits anciens, ainsi que la tradition orale, certains villages de ses rives auraient des noms de ports, aujourd'hui disparus», rapporte le même habitant. Timimoun est aussi considérée comme l'oasis de l'eau qui provient d'ouvrages souterrains: les foggaras qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de kilomètres. Cette technique ancestrale aurait, semble-t-il, été importée de la Perse (actuelle Iran) vers le XIe siècle. Chez les Perses, ces ouvrages prennent le nom de qanat. Les foggaras sont un système d'irrigation souterrain permettant de recueillir les eaux d'infiltration. Ce système collecte l'eau avant de l'acheminer à destination. Les foggaras sont construites par le perçage d'un tunnel dans une falaise, une escarpe ou une base d'un secteur montagneux, suivant une formation aquifère. Le but est d'apporter l'eau à la surface où elle peut être utilisée pour l'irrigation des terrains agricoles. L'eau n'est pas apportée jusqu'à la surface mais plutôt à l'extérieur: sur la surface irriguée. Les tunnels sont extrêmement horizontaux et précis, avec une pente pour permettre à l'eau de s'écouler à la surface du sol. Ce type d'irrigation profondément original, donne aux oasis du Gourara leur spécificité. «Pour se répartir, l'eau issue de la foggara, les Oasiens du Gourara ont mis au point un système aussi efficace qu'esthétique: les peignes (kesria). Un spécialiste, le kiel el ma, mesure le débit qui passe entre chaque dent. La profondeur des peignes dépend du nombre des membres de la famille et de la superficie de la terre. C'est le système de répartition des eaux le plus équitable du monde», nous explique notre confrère de radio Chaîne III, Hamid Belkessam qui est spécialiste en environnement, lors de la visite de la palmeraie de Ouled Saïd et ses foggaras. «L'opération est refaite à chaque fois que la foggara est recreusée ou entretenue ou quand un propriétaire terrien achète le droit à l'eau d'un autre», poursuit-il. «On estime à des milliers de kilomètres l'ensemble des foggaras du Gourara et du Touat. Leur entretien se fait bénévolement par les jeunes de la région», précise-t-il. En plus de la visite des foggaras, les participants à cette opération de «sauvetage» du désert ont eu la chance de visiter les grottes d'Ighzer dans le village de Badriane. Creusée au pied de la colline occupée par le ksar, la grotte mystérieuse naturelle s'enfonce de 80 m dans le grès tendre appelé tafza. Large de 8 m et haute de 7 m en tête, elle se rétrécit au fur et à mesure que l'on y pénètre pour se terminer en forme de boyau. Fraîche en été et tiède en hiver, cette caverne constitue un refuge appréciable contre les rigueurs climatiques. Quand il fait trop chaud l'été, les habitants du village viennent s'y réfugier, ils y font même leur sieste. Cette grotte mystérieuse a suscité la curiosité des «soldats du désert» qui n'ont pas hésité un instant à dégainer leurs appareils photo. Les flashs ont retenti pour violer l'obscurité de la grotte. Les participants à l'aventure de Cherif Rahmani, se sont fait photographier devant les oreillers laissés par les dormeurs des grottes, «Ashab El Kahf». Ce qui a permis de détendre l'atmosphère et créer l'harmonie dans le groupe.
Cherif Rahmani, l'enfant de la kheïma
Qui mieux qu'un enfant du désert pour sauver le désert? Cherif Rahmani l'a bien compris. En effet, le ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement n'a pas oublié ses traditions, lui, l'enfant de la kheïma (tente). Vivre et voir s'épanouir les enfants des déserts, tel est l'objectif que se trace le ministre. C'est ainsi que son ministère, avec la collaboration de l'association qu'il préside, à savoir Déserts du monde, a fêté la décennie du désert et de la lutte contre la désertification (2010-2020). La capitale du Gourara, Timimoun a été choisie pour accueillir cet événement. Cherif Rahmani a donc fêté Timimoun. «Le choix de la région de Timimoun, comme capitale des Déserts du monde était motivé par sa biodiversité exceptionnelle, mais également par rapport au fait aussi qu'elle connaît des difficultés liées à la désertification», a expliqué le ministre. Un choix donc hautement symbolique et qui n'est pas du tout fortuit quand on découvre la beauté de l'Oasis rouge. Que ce soit les membres de la presse nationale, internationale ou les chanceliers conviés à cette féerie, ils étaient tous subjugués par la beauté de Timimoun. Et il y a de quoi! Avant même que l'avion qui nous transportait pour assister à cet événement, n'atterrisse sur le tarmac de l'aéroport de Timimoun, on regardait déjà, tous, à travers les hublots contemplant la beauté d'une ville qui allait être la nôtre le temps d'un week-end.
«C'est magnifique, Wawe!!!!! Sublime...» étaient les mots qui fusaient de la bouche des membres de la délégation impatients de fouler le sable fin de l'Oasis rouge. Preuve de cette impatience, avant même que l'avion ne touche le tarmac, ils se précipitaient déjà vers les portes de l'appareil. Ils s'imaginaient déjà en train d'explorer la région du Gourara. En train de visiter Timimoun, l'Oasis rouge aux maisons de terre crue, caractéristiques de la région du Gourara, appréciant la sérénité de la palmeraie et marchant sur la Sebkha (lac salé asséché) en direction des dunes du Grand Erg occidental où ils siroteraient du thé à la menthe accompagné de dattes, touchant l'eau des foggaras et se ressourçant à l'intérieur des grottes d'Ighzer ou admirant le ciel étoilé à partir du fort de Tinerkouk... Et ils n'allaient pas être déçus, loin s'en faut!
L'hôtel Massine, l'exemple à suivre
C'est donc un groupe soudé et réveillé qui s'apprêtait à quitter les grottes d'Ighzer pour aller relever le défi, mission dont les avait chargés Cherif Rahmani, à savoir sauver le désert. Cependant, la rencontre avec la population locale à la sortie d'Ighzer est venue choquer les esprits. Au moment de rejoindre le bus, les aventuriers ont été surpris par la misère dans laquelle vivaient les habitants de Badriane qui, malgré cela, invoquaient avec humlité: «El Hamdou lillah»...Le même constat a été fait devant le tombeau du wali Sidi Abderrahmane, situé au pied du ksar Kali et de la nouvelle mosquée où ils allaient prendre un thé au désert. Ces rencontres avec la population ont alors ouvert les débats. «C'est l'Algérie d'en bas, c'est cela l'Algérie profonde...», diront certains.
D'autres se demandaient pourquoi l'Etat n'aménage pas de villes modernes à l'instar de Marrakech qui, en matière de potentiel naturel, est très loin d'égaler Timimoun, cela permettrait de créer de l'emploi.. L'espace ce n'est pas ce qui manque ici. «C'est cela l'objectif et le rêve caché de Cherif Rahmani», rétorque un autre journaliste. «La relance du projet de Boughezoul (dans la wilaya de Médéa) en est la meilleure preuve. Le ministre veut aménager des paradis au coeur du désert d'où son attachement à la Décennie du désert et à la lutte contre la désertification», assure-t-il. Une hypothèse qui est confirmée le lendemain à demi-mot par le ministre lui-même.
«Pour lutter contre la désertification il est primordial d'améliorer les conditions de vie des populations locales ainsi que de développer les nouvelles technologies et pousser leur pénétration dans le Sahara à l'instar des énergies nouvelles et renouvelables», préconisera le ministre. «Tafert taddar massis yamet.» Autrement dit: «Les paroles restent, celui qui les dit disparaît», selon un proverbe targui. Cherif Rahmani, l'enfant du désert qu'il est, l'a très bien compris. De ce fait, il a convié des chancelleries étrangères, le représentant de la Banque mondiale, ainsi que des responsables onusiens pour leur faire admirer Timimoun. Mais pas seulement! C'est aussi un moyen pour lui d'éveiller leurs consciences, pour les pousser à s'investir dans la protection du désert algérien. Cherif Rahmani encourage les initiatives locales puisqu'il a hébergé les journalistes dans un nouvel hôtel du nom de Massine, tout en invitant son promoteur, Sid Ahmed Benchenaâ, à participer à la célébration de la Décennie du désert et de la lutte contre la désertification.
Une manière pour le ministre de booster les initiatives locales et nous démontrer, à nous les journalistes, que les Algériens sont capables de faire des merveilles. Il est vrai que l'hôtel Massine est un paradis perdu au milieu du désert. conçu en harmonie avec l'architecture locale, cet hôtel en argile allie modernité et tradition. Une kheïma décorée avec une multitude d'objets traditionnels est placée dans la cour pour faire face à la piscine. Les belles chambres disposent de toutes les commodités. Il y a même une boutique d'artisanat local à l'entrée de l'hôtel. Mais le charme de l'hôtel Massine, ce sont les 250 palmiers qui viennent d'être plantés.
L'hôtel a également une importance économique puisque il fait travailler les enfants de la région. «Si j'étais plus jeune j'aurais inondé la région d'hôtels de ce genre.
Malheureusement je n'ai plus l'âge», nous affirme M.Benchenaâ, promoteur de l'hôtel.
Néanmoins, il n'abandonne pas totalement l'idée de construire d'autres hôtels dans la région.
«Je vous avoue tout de même que cela me trotte dans la tête. Si ce premier projet marche, je suis capable de me relancer dans l'aventure», souligne t-il.
Le Sud, nouvelle mode pour réveillonner...
Et les choses ont l'air de marcher comme sur des roulettes pour l'hôtel Massine, M.Benchenaâ rapporte que toutes les chambres sont réservées jusqu'à la fin de l'année. Cependant, ce n'est pas le cas toute l'année.
«Le mois de décembre affiche complet à cause des fêtes de fin d'année. De plus en plus d'Algériens optent pour le sud de l'Algérie comme destination pour le réveillon», atteste-t-il. «Les touristes étrangers qui peuvent être de bons clients pour le reste de l'année, ne sont pas nombreux à se déplacer à Timimoun», regrette-t-il. Et pourtant, toutes les conditions sécuritaires sont réunies puisque les journalistes se déplacent de nuit (2h du matin) de Timimoun à Tinerkouk (80 km d'intervalle) où se tenaient les festivités sans aucune embûche. D'ailleurs, en parlant de Tinerkouk, les participants à cette belle aventure ont eu à apprécier de très beaux spectacles folkloriques en plein air qui ont animé leurs soirées étoilées. Même des représentations de mariages traditionnels ont été organisées.
Ce qui a fait l'admiration de tous. Il faut aussi rappeler que le fort de Tinerkouk est un projet initié par Cherif Rahmani, qu'il a inauguré lui-même en 2003. Ce fort, d'architecture traditionnelle locale, abrite également des chambres d'hôtes. «Dans le désert, rien ne pousse, rien ne meurt, rien ne pourrit, il n'y a plus rien, seule reste l'éternité», dixit un proverbe targui. Cherif Rahmani a prouvé le contraire en faisant pousser le fort de Tinerkouk en essayant d'en faire pousser d'autres. Trois jours de festivités en l'honneur du désert en général et Timimoun en particulier ont changé la vision des participants du désert. Les soldats de Cherif Rahmani ont donc suivi les traces des chameliers pour sauver le désert et ses habitants.