L'Expression

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BAHIA ALLOUACHE, RÉALISATRICE, À L'EXPRESSION

"Quand je prends la caméra c'est pour témoigner"

Ex-journaliste, elle est la digne fille de son père, Merzak Allouache. Elle était présente récemment avec son premier long-métrage Cinéma Chkoupi, au Festival international du film oriental de Genève, où il a obtenu le Fifog d'or dans la section «Une certaine image», prix qui porte le nom de Mohamed Bayoumi (fondateur égyptien du premier institut du cinéma au Moyen-Orient). Un film drôle qui a comme toile de fond politique le voyage du président de la République en France pour se soigner et la trame sociale, la dispute d'un couple qui tente d'utiliser cette actualité pour tisser un scénario, en dépit de toutes les embûches... Un film cocasse, courageux, mais malicieux aussi et honnête. Petit bout de femme, mais grande par l'esprit est Bahia Allouache avec laquelle nous nous sommes entretenues juste après la projection du film.

L'Expression: Tout d'abord, j'aimerai comprendre une chose. Pourquoi une jeune qui n'a pas grandi en Algérie s'attache à faire des films liés à ce pays, en employant même un langage populaire, local algérois, comment avez-vous été amenée à penser à ce genre de sujet?
Bahia Allouache:
Tout d'abord, il faut savoir que je suis née en Algérie. J'ai fait une partie de mes études là-bas. Et je me suis très liée à ce pays. J'ai l'impression d'y être encore plus liée depuis que je voyage et suis entre Paris et Alger. Cela me donne d'autant plus de recul pour observer la situation et me poser des questions sur ce qui se passe. Peut-être que si j'y vivais vraiment tout le temps, durant toute l'année je serais plus préoccupée par la survie au quotidien et les difficultés, alors que là j'ai ce recul, c'est une chance. Aussi, j'aime beaucoup le cinéma contemplatif, esthétique. Quand je prends une caméra j'ai envie de témoigner. Mon film, même s'il a plein de défauts, j'ai envie que les gens se disent, dans dix ou 20 ans, en le voyant: «Ah c'était comme cela Alger en 2013? Tiens! les jeunes parlaient comme ça? Ils avaient ce genre de préoccupations? Il se passait ça!»

Dans votre film, il y a l'idée de dénoncer ce qui ne tourne pas bien en rond en Algérie, voire dans le milieu cinématographique. Le fond est politique. En cela, il plaide pour la liberté de circulation des idées et d'expression des artistes, c'est pourquoi, il me fait beaucoup penser à Normal, le film de votre père, de par sa structure formelle également. Mais l'idée qui se dégage ici, à mon sens, me semble-t-il, est l'amour que vous portez avant tout au cinéma. Qu'en pensez-vous?
L'histoire du président n'est en effet, qu'un prétexte. Oui, c'est vrai que pour moi le cinéma c'est la quintessence du moyen d'expression. Quand on a la chance de pouvoir en faire, c'est magnifique. C'est vrai qu'en fonction des pays on a des barrières différentes. En Algérie on peut dire que c'est la censure, en France ce sera l'argent et d'autres barrières qui sont très dures à surmonter. Ce film, en fait, je ne l'ai pas construit avec l'idée de dire une chose précise ou de dire que la liberté d'expression est très importante. J'avais envie de partir de cette actualité, quand le président est parti se soigner en France et il y est resté quelques mois. Cela m'a rendu perplexe. Cela m'a fait réfléchir. Il me semble qu'on a de très grands médecins, de très grands hôpitaux, on a de l'argent pour soigner les grandes personnalités et puis, ensuite, j'avais envie de faire une comédie. Je n'avais pas envie d'utiliser le côté dramatique pour parler de ça. Cela ne devait pas, non plus, être le centre de mon film mais j'avais envie plutôt de parler beaucoup plus de cinéma. C'est mon premier long-métrage, il y a beaucoup de choses qui s'imbriquent.

Pourquoi avoir choisi de faire une fiction en la déclinant dans un film qui parle justement d'une même histoire quasiment, illustrée par un scénario un peu brouillon...
Parce qu'il y a aussi cette histoire de couple. D'un côté on a un jeune cinéaste algérois un peu rebelle qui a envie de faire un film politique et de l'autre, on a sa femme qui en a marre d'attendre la pension alimentaire, mais c'est elle qui sait écrire et a le talent de l'écriture finalement. Et elle se venge. Petite vengeance chez un couple dans un contexte particulier. C'est quelque chose d'universel. Ce n'est pas propre aux Algériens.

Vous abordez les rêves de la jeunesse en citant dix recommandations ou commandements. Un truc un peu farfelu.
Oui, il s'agit de se dire si jamais demain j'avais la possibilité de devenir président voici les réformes les plus folles que j'aurais envie de mener. Donc il y a un peu de tout. De la réforme concernant le pétrole à d'autres petites choses comme décréter le samedi journée du shopping et de la joie de vivre.

Un mot sur la production de votre film...
Le film a été financé par Baya Films Production qui est ma propre boîte.

Le choix des acteurs s'est fait comment?
Certains sont des amis, des connaissances, après, comme c'est un film qui n'avait pas beaucoup d'argent, j'ai fait travailler des gens par exemple qui étaient à la production, notamment comme Serge Leido qui était mon directeur de production. Bachir Derrais aussi a accepté en toute amitié de participer à mon film, il connaît mon père, donc voilà...

Vous dénoncez la mauvaise gestion des scénarios par les commissions de lecture et la censure qui va parfois avec, mais vous chargez aussi le public à qui vous imputez une certaine responsabilité dans l'interprétation qu'il fait des films et que vous caricaturez aussi...
C'est toujours difficile, en effet, quand on est réalisateur, auteur ou un peintre notamment. On fait quelque chose avec des intentions mais une fois qu'on la donne au public, chacun l'interprète à sa manière et c'est sa liberté. Le public est évidemment libre de comprendre les choses. Mais dans mon film on ne sait pas si ce que ces gens sont en train de regarder est un bon film ou un mauvais film. C'est aussi juste une occasion de rigoler un peu.

Dans votre court-métrage Une journée ordinaire vous abordez les premières élections algériennes après le «printemps arabe» marquées d'un fort taux d'abstention et là vous revenez avec une histoire liée au président de la République. Pourquoi cet entêtement si l'on peut dire?
Parce que ce sont des choses qui m'intéressent, qui m'interpellent. J'ai besoin d'être ancrée dans la réalité de mon pays. Quand je dis «Cinéma chkoupi» je parle aussi de mon film à moi. Car il faut avoir un peu de recul et de l'autodérision. Le cinéma c'est beaucoup d'argent, de l'investissement mais ce n'est pas que du cinéma. C'est fait pour faire plaisir aux gens et un peu les pousser à réfléchir et c'est tout. C'est une chance quand on arrive au bout du projet donc.

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