L'Expression

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DJAÂFER BENYOUCEF

«On tue la production artistique»

Installé à Paris, cet artiste de Kouba déplore l’usage qui est fait du produit musical.

Il confie: «N´mout pour le bled» Chaque été, il replonge dans son quartier à Kouba et répond à l´appel de la scène. Depuis la mi-juillet, il tangue les soirées du Soltan Brahim, ce restaurant perché au milieu du Bois des Arcades, à Alger. Djaâfer Benyoucef, à la veille son retour à Paris, revient sur son parcours et, avec des propos teintés d´amertume, sur les moeurs artistiques en Algérie.

L´Expression: Vous êtes depuis la mi-juillet à Alger. Comment se passe pour vous la saison estivale?Djaâfer Benyoucef: L´été, c´est systématique, je descends au bled pour voir les parents. «N´mout pour le bled», il faut que j´y revienne. Mais je suis là aussi pour travailler. J´anime chaque soir des dîners dansants pour un ami de longue date. Il a un très beau restaurant au Bois des Arcades, à Alger, le Soltan Brahim, des mariages ici et là. Cet été, c´est aussi un peu spécial puisque j´ai participé à des soirées organisées par l´Etablissement Arts et Culture.

Vous êtes installé en France depuis plus d´une dizaine d´années. Votre départ était-il pour motif professionnel?J´y suis depuis presque 14 ans. Et oui, c´est la chanson qui m´a amené là-bas. Je travaillais au Triangle d´Alger, à Riadh El Feth. Slimane Hocine, que je ne connaissais pas alors, est venu me voir après une soirée que j´ai animée et m´a proposé un contrat de travail à Paris.
Dès le lendemain, je suis allé à Sahat Eshouhada. C´était là-bas, dans le temps, qu´on délivrait les visas. En 1988. Je me rappelle que je suis arrivé à Paris un vendredi. J´ai commencé à travailler dès le premier jour dans un cabaret assez renommé le Mon Seigneur, aujourd´hui fermé. C´était un endroit où tous les Algériens se rencontraient, un coin chic et une clientèle sélecte. J´ai chanté dans beaucoup de mariages aussi de la communauté maghrébine installée là-bas. Un jour, un éditeur, un Maghrébin, me contacte et me propose d´enregistrer une cassette. Il y avait Mahfoud Djermani au piano. A partir de là, les gens commençaient à me connaître, j´étais sur les rails.

Vos débuts dans la musique...Un peu sauvages: on a commencé dans la houma, avec du chaâbi, j´ai touché un peu l´instrument. On écoutait les grands de l´époque: Bourdib et compagnie, on animait les mariages pour le voisinage et comme j´avais un ami directeur de colonie de vacances, j´ai pu animer des soirées pour les enfants à Mostaganem, Béjaïa, à Jijel, Oran. C´est parti de là. Progressivement je me retrouve au Triangle, une boîte de nuit d´Alger.

Ceux qui vous connaissent font le rapprochement entre ce que vous faites et le style du défunt Sami El-Djazaïri. Qu´en dites-vous?J´ai, d´abord commencé avec du chaâbi et j´y ai grandi, puis j´ai découvert Sami ( que Dieu ait son âme) Ce fut le coup de foudre. Sami El-Djazaïri est mon idole, je ne le cache pas. J´ai eu l´occasion de le rencontrer juste avant sa mort, en 1988, au Triangle toujours. Mais de là à dire que je l´imite, non. J´aime son style, il m´arrive de reprendre quelques chansons de son répertoire qui est impérissable. Comme je chantais au Triangle, j´ai opté dès le début pour le chaâbi moderne ou l´algérois.

On a du mal à trouver vos cassettes chez les disquaires...Figurez-vous que j´en ai six qui ont toutes été enregistrées et éditées en France. Quand je viens à Alger, j´en apporte pour les commercialiser, et là je suis confronté à des situations invraisemblables. Pour mon passage à El Bahdja, cet été, j´ai exposé mon album qui contient des chansons dont les paroles et la musique de Nacer Fertas. Cet album-là, par exemple, je l´ai vendu en juillet 2001 pour un éditeur, qu´on ne citera pas ici. Un an après, il n´est toujours pas commercialisé. J´ai beau parler et essayer de convaincre, rien n´y fait. On te propose des miettes pour un produit pour lequel tu as déboursé beaucoup d´argent, tu le cèdes et, en fin de compte, il ne se fait pas éditer. Il y a de quoi perdre la raison. Ces gens-là ne se rendent pas compte qu´ils tuent ainsi ton produit. Il y a des mélomanes qui viennent me voir pour me demander mes cassettes car elles sont inexistantes chez les disquaires. C´est alors moi qui les ramène dans un sac en plastique pour les distribuer. C´est dramatique.
Heureusement que tout le monde n´est pas pareil. En mars dernier, j´ai été contacté par M.Madani de l´édition H2M, pour une cassette live spéciale fêtes. Il a été très correct avec moi, il a sorti des affiches, fait beaucoup d´efforts. C´est peut-être la seule édition avec laquelle je ne regrette pas d´avoir travaillé.

On a l´impression que vous fuyez les spectacles grand public...Je ne les fuis pas. Si je ne figure pas à Timgad, au Casif, au 5-Juillet et d´autres scènes du même acabit c´est parce que je ne connais personne. Il faut avoir des relations pour obtenir un éventuel passage à la télévision, par exemple. Dans ce circuit, il suffit de tomber sur un bonhomme à qui tu ne plais pas, tous critères artistiques évacués, pour être mis à l´écart.
Lors de mon passage à radio El-Bahdja, l´accueil et l´écho étaient formidables, J´ai nourri des espoirs, puis plus rien. Je suis déçu. Pour passer quelque part, il faut patienter devant les portes et supplier. Moi je ne ferais ça pour rien au monde. Je préfèrerais me mettre au pain et à l´eau.
Moi, je travaille tous les soirs pour des dîners dansants au Soltan Brahim qui est, à mon avis, un très bel endroit, sinon le meilleur, avec une clientèle sélecte et une bonne ambiance aussi. Plus les mariages, quelques soirées et des prestations pour Arts et Culture, dont je remercie les responsables. Et encore je n´aurais jamais pu y accéder si ce n´était mon ami Norredine Allan qui m´avait présenté à M.Djoudi qui a été coopératif.
Jaurais bien aimé faire du grand public, mais les personnes qui président à ce genre d´espaces préfèrent agir en catimini.
Si bien que l´artiste, en fin de compte, est méprisé. Il n´est pas possible d´avoir une carrière. Quand tu fais un bon produit, on te suce le sang pour te lâcher ensuite.
Une carrière, elle est à faire à l´étranger, pas ici. C´est le taouil là-bas: promotion, matraquage, publicité...
Je suis passé pour des plateaux à la télévision et je n´ai rien encaissé jusqu´à ce jour: Layali El-Djazaïr et une émission pour Kora Plus. Mais ce n´est pas une affaire d´argent c´est juste pour dire. Pour un passage à Ayla Hayla, je jette un coup d´oeil sur le contrat et je vois six mille dinars. Un prix standard qu´on me répond. C´est-à-dire que n´importe quel artiste, quelle que soit sa stature, est payé au même prix. C´est vous dire...

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