L'Expression

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LE CINÉASTE NOURI BOUZID À L’EXPRESSION

«Le cinéma tunisien connaît un passage à vide»

«Je suis très heureux de voir le film Mascarades, de voir que l’Algérie utilise l’autodérision, qu’elle retrouve le sourire...», avoue ce sémillant cinéas

Nouri Bouzid né en 1945 à Sfax, est un célèbre réalisateur tunisien. Deux de ses films (L´Homme de cendres et Making of) ont obtenu le Tanit d´Or des Journées cinématographiques de Carthage, respectivement en 1986 et 2006. Et c´est donc de façon naturelle qu´il reviendra cette année (du 25 octobre au 1er novembre 2008) pour siéger comme membre du jury dans la catégorie cinéma à la 22e session des Journées cinématographiques de Carthage et dont le président n´était autre que le grand écrivain algérien Yasmina Khadra. Nous l´avons rencontré et pu discuter avec lui en toute franchise. Fair-play et affable, Nouri Bouzid évoque avec nous ses préoccupations de cinéaste, ses urgences et confie ses projets.

L´Expression: Un mot sur votre film Making of qui a eu beaucoup de succès, a fortiori à Oran où il a été primé, il y a deux ans, au Festival du film arabe.
Nouri Bouzid: Il y a une histoire dans une autre, c´est-à-dire l´une s´arrête, on sort de l´histoire du film, et c´est une autre, un autre conflit qui naît entre l´acteur et le réalisateur. C´est une technique ancienne qui s´appelle «une mise en abîme». C´est une technique littéraire, adaptée aussi au théâtre et là je l´utilise dans le cinéma comme dans pas mal de films.

Le cinéma tunisien a atteint son apogée. A votre avis à quoi est dû son succès?
Moi je pense qu´en ce moment, le cinéma tunisien connaît un passage à vide, conjoncturel. Parce que les meilleurs cinéastes n´ont pas de projets. Moi, après Making of j´ai été refusé par la commission de lecture qui donne des aides, autrement dit par le ministère de la Culture. L´Etat aide certes, mais actuellement elle ne nous a rien donné ni à moi, ni à Moufida Tlatli, ni Djillani Saâdi etc. On en donne beaucoup plus à des inconnus

Le cinéma tunisien est en train de se tourner vers la nouvelle génération peut-être?
Je ne sais ce qui est en train de se passer. On a été victimes, parce qu´on n´a pas de relations ou...

Le cinéma tunisien se libère...
Au niveau de la liberté de chacun, oui, mais que vaut la liberté si on ne sait pas l´utiliser. Si on n´est pas porteur de projet. Il ne suffit pas d´entretenir la liberté, sinon chacun est cinéaste. Il faut avoir le talent. Il faut porter un sujet, l´entretenir, le développer et savoir le dire. Or, la génération qui est venue après nous, n´a pas la rigueur et la force de notre génération.

Pourtant, il y a une école de cinéma en Tunisie...
Oui, les gens des écoles, c´est la génération suivante. Elle va arriver. On ne sort pas d´une école pour faire un long métrage. On a fait plein de courts métrages, qui sont très bons. Il y a espoir. C´est pour cela que j´ai dit qu´il y a un passage à vide mais pas une crise. Cela va se redéployer certainement. Il y a une vingtaine de cinéastes en qui je crois fermement. Si tu leur donnes des longs métrages à faire, ils vont se casser la gueule. Il faut apprendre le métier. Il faut tout maîtriser parce que c´est tellement compliqué de faire un film et tellement compliqué de le maîtriser, qu´il faut du temps pour le mûrir.

Quels sont les thèmes de prédilection au cinéma de Nouri Bouzid?
Il n´ y a pas de thèmes de prédilection. Il y a, à chaque fois, une urgence pour moi. Actuellement, c´est de parler de la liberté de la femme. Mais d´une manière assez intérieure. C´est-à-dire, je vais travailler sur la sexualité de la femme avant le mariage et les difficultés quelle a et la double vie qu´elle mène dans la société.

La femme dans l´imaginaire tunisien est justement assez fantasmée...
Pas toujours. Ce n´est pas une constante. Moi, j´ai fait Bint Familya, la femme n´est pas comme ça. Dans Les silences du palais de Moufida Tlatli, j´ai écris le scénario, les femmes ne sont pas érotiques. Ce que je cherche, c´est de fouiller dans tout ce qui empêche la femme de progresser. La société a encore un pied dans la féodalité et un pied dans le libéralisme.

Comment concilier les deux?
Moi, je ne veux pas concilier les deux. Qu´on se débarrasse du féodalisme! Ce dernier prend tout son expansion dans l´intégrisme. Il faut lutter contre l´intégrisme donc, pour la laïcité. Car, ce sont mes prochains thèmes, c´est-à-dire le hidjab notamment. J´ai écrit un scénario en ce sens. Dans mon scénario, je suis contre mais c´est plus compliqué que ça. Etre contre c´est trop facile à dire. On ne fait pas un film pour dénoncer le hijab. Moi, je revendique aussi une laïcité culturelle. Que la religion ne touche pas à la culture. Je suis pour la liberté du corps. Que la femme fasse ce qu´elle veut de son corps. Là aussi, la féodalité est en train de revenir. Une fille étudiante est venue me dire, presque pour porter plainte auprès de moi, qu´à l´université on l´oblige à porter le hijab, sinon on lui casse les pieds. Elle m´a demandé de l´aider. Je lui ai dit de résister. Elle m´a montré les slogans qu´ accrochent ces intégristes, je lui ai proposé d´autres slogans. Porter le hijab en toute liberté, oui mais pas sous la pression et la peur. Donc, il y a beaucoup de combats à mener, là en ce moment. Il y a trente ans, j´ai connu une Algérie moderne. D´où est-ce qu´il est venu cet intégrisme? Ce dernier est contagieux. L´Algérie, de plus, est un pays très riche. Il y a une contagion due à l´absence de valeurs. Toutes les valeurs idéologiques ou politiques ont fait faillite, reste la religion. La seule identification qui ne paraît pas occidentale c´est de retourner en arrière. Quand on voit l´Afghanistan, on dirait qu´on voit un film historique. Et ça, il faut lutter contre. C´est un combat au quotidien. Car ce risque est en train de progresser...

Vous vous proclamez cinéaste militant?
Non, je suis à l´écoute des préoccupations des gens de la rue. Parfois certaines problématiques me touchent et deviennent mes urgences et je les traite. Cela étant, faire des comédies sur des histoires d´amour, c´est aussi très intéressant.
Moi, je suis très heureux de voir le film Mascarades, de voir que l´Algérie utilise l´autodérision, qu´elle retrouve le sourire. C´est extraordinaire. C´est rafraîchissant. J´ai eu mal à la tête, tellement j´ai ri! Cela fait longtemps que je n´avais pas ri autant. Aujourd´hui, l´urgence en Algérie est peut-être de faire rire les gens. C´est pour cela que Fellag c´est quelqu´un d´extraordinaire. Il est passé par la Tunisie. Moi, je ne veux pas de discours militant. Je l´ai été auparavant. Le mot militant est un peu réducteur pour le cinéma. Ce qui m´intéresse c´est un discours émotionnel.

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