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Salah Issaâd, réalisateur du film «Soula», à L'Expression

«Je voulais que ce film soit le plus authentique possible»

Il fait actuellement un tabac dans tous les festivals où il passe. «Soula» ne laisse personne indifférent, tant par sa qualité cinématographique, que par le sujet traité. Et pour cause! Il est directement inspiré de la vie du personnage principal du film, à savoir Souhaila Bahri, qui joue son propre rôle «Soula»...Une histoire tragique et bouleversante d'autant qu'elle défend une très belle cause, à savoir les mères célibataires dans une société misogyne... Le réalisateur a accepté de nous livrer quelques secrets de tournage et nous parler des dessous de son film...

L'Expression: Tout d'abord, comment est né ce film?
Dans mes réalisations, j'ai toujours essayé de m'inspirer de ma culture, de l'environnement dans lequel j'évolue, quel qu'il soit, mais aussi de mes différentes expériences. Lors d'un voyage à Batna, ma ville natale, en Algérie, alors que j'étais encore étudiant, j'ai rencontré mon amie Soula Bahri. J'ai vu cette jeune fille devenir mère et affronter tous les préjugés que la société pouvait faire peser sur elle, alors qu'elle n'était que mineure. Son histoire m'avait beaucoup touché et déjà à cette époque, il me tenait à coeur de la raconter.

On croit savoir, justement, que l'histoire est une inspiration libre du vécu de la comédienne Souhaïla Bahri dite Soula. Qu'en est-il vraiment?
L'histoire se compose d'une série d'événements réellement vécus par Soula. C'est, d'ailleurs, ce qui m'a poussé à l'impliquer dans l'écriture du scénario. Les différents lieux où prend place l'action, comme Batna, Constantine et Annaba, sont des endroits familiers pour Soula et pour moi-même. Cet élément a considérablement facilité l'approche que j'avais sur la dynamique de jeu. Ça a aussi permis à Soula, qui, pourtant n'avait jamais fait de scène, d'être très à l'aise pour jouer son rôle et elle s'est révélée être une excellente actrice. En revanche, la fin du film n'est pas inspirée de la vie de Soula. En réalité, j'évoque une expérience que j'ai vécue à l'âge de 10 ans. Un jour, en rentrant de l'école, j'ai été interpellé par les pleurs d'un bébé. À l'intérieur d'un carton, je découvrais un nourrisson abandonné. Ça devait, certainement, être l'acte d'une femme désespérée qui ne pouvait assurer le rôle de mère. Une chose m'avait, cependant, intrigué: cette mère qui avait abandonné son bébé dans un carton avait aussi laissé un biberon près de lui. Ça m'avait fait prendre conscience qu'en réalité, elle ne cherchait pas à le tuer. Ce que j'essaye aussi de faire à la fin du film, c'est lier cette histoire à celle de Moïse. Cela ajoute une dimension plus profonde, qui peut, malgré le caractère dramatique de l'acte, être interprétée comme créant l'espoir d'un avenir meilleur pour l'enfant.

Comment se fait l'écriture d'un tel scénario, surtout quand les faits sont quasi véridiques? Est-ce que Soula a, du coup, participé à son écriture? Quelle a été sa réaction?
J'aimerai préciser que chaque personnage dans le film existe dans la vraie vie. Le jour où j'avais proposé le projet à Soula, elle ne m'avait pas prise au sérieux. Malgré cela, elle m'a ouvert son coeur en me racontant une mosaïque d'événements qu'elle a déjà vécus. J'ai alors pris le maximum de notes pour commencer à écrire la première version du scénario dans mon coin. Je la recontacte un an après avec une version zéro. C'est là qu'elle a compris que «c'est du sérieux». En lisant ma version, Soula m'avait dit que l'histoire tenait la route, mais elle manquait d'authenticité! Ça tombe bien, c'est ce que je cherchais. C'est pourquoi nous sommes donc partis en résidence artistique pour réécrire le scénario ensemble. Durant cette résidence, Soula m'a, d'abord, bluffé par sa maîtrise de la dramaturgie et aussi bluffé par ces performances en tant que comédienne. Au moment même de l'écriture, elle proposait des idées en les jouant! Donc j'avais un rendu final dès l'écriture.

Le film a pour cadre Batna, là où vit la comédienne. Comment s'est fait le tournage là-bas?
Je pense que ce film aurait pu être tourné n' importe où dans le monde car c'est une histoire universelle. Mais comme Soula et moi sommes batnéens, je tenais à ce que le tournage se passe dans cette ville, Batna ma ville natale. Ce sont des décors qui me parlent à moi comme à Soula. Étant donné que Soula joue son propre rôle, pourquoi se priver des vrais décors? Sans oublier la facilité de la logistique. Pour moi, tourner à Batna c'est comme un footballeur qui joue à domicile.

L'histoire est crue, frappante, comment fait-on pour ne pas échapper à la censure en Algérie quand on fait pareil film?
Pour être honnête, avant de tourner j'avais peur de ne pas avoir l'autorisation de tournage! Mais on me l'a accordée seulement deux jours après l'avoir demandée. En plus de ça, j'ai pu bénéficier d'un énorme soutien logistique de différentes institutions étatiques. Tout ça parce que j'avais fait des demandes en bonne et due forme. Je pense qu'il doit sûrement y avoir de la censure, mais uniquement sur certains sujets très sensibles. En tout cas, pour mon film il n' y a pas eu de censure. J'ai même eu le visa d'exploitation.

Comment s'est fait le choix des comédiens? Et pourquoi Soula pour incarner le premier rôle?
J'ai eu quelques difficultés à recruter des acteurs. La nature de l'histoire, les scènes violentes et la vulgarité du langage ont suscité des réticences de la part de certains qui ne voulaient pas jouer dans ce type de scénario parce que ça va à l'encontre des traditions et de la norme culturelle en Algérie. Or, je voulais que ce film soit le plus authentique possible. On a parfois dû composer et improviser sur place, en organisant un casting sauvage et en attribuant quelques rôles secondaires à des membres de l'équipe technique. Pour l'anecdote, initialement, je ne devais pas jouer dans le film, mais l'acteur qui devait jouer le rôle de Samy s'était désisté au dernier moment du fait de la vulgarité du personnage. J'ai été contraint de prendre sa place. Pour le rôle principal, Je n 'ai jamais pensé caster une autre personne que Soula. En la connaissant, je savais déjà très bien qu'elle pourrait, au pire, l'assurer simplement. Mais le jour où j'ai confirmé que Soula est la comédienne pour ce rôle, c'était pendant la réécriture. Soula qui n'a pas arrêté de jouer en même temps que de proposer des idées. Ce jour-là j'avais pris une avalanche de cru, d'authenticité, vérité...etc.

Pourquoi avoir choisi aussi de raconter l'histoire par ordre chronologique c'est-à-dire en faisant des haltes entre chaque moment fort? Ne craigniez-vous pas que certaines ellipses gâchent un peu la trame du récit?
J'aimerai préciser que j'avais prévu d'utiliser ces cartons d'heure dès l'écriture du scénario. Pour moi, il est important d'embarquer le spectateur avec Soula. Cette jeune maman qui essaye de passer la nuit en sécurité! Elle a hâte que le jour se lève, elle compte le temps minute par minute. Pour moi c'est une forme d'angoisse qui illustre aussi cette routine ou bien cette boucle dans laquelle Soula est prise au piège.

Un mot sur votre parcours cinématographique ou filmographie?
Je suis né à Arris, dans les Aures, d'une mère algérienne et d'un père tunisien. Je suis issu d'une famille d'éditeurs depuis plus de quatre décennies. J'ai baigné à travers cet héritage, dans les récits d'histoires et la littérature. Après avoir vécu 18 ans à Batna, j'ai eu l'opportunité de suivre plusieurs formations de cinéma à Lyon et à Paris. J'ai alors pu me confronter au processus d'écriture, de réalisation et de production à l'occasion de la réalisation de nombreux courts métrages.

Enfin, comment expliquez-vous le succès de votre film et surtout le fait qu'il ait pris part à un festival en Arabie saoudite, censée être considérée comme un pays conservateur?
Le film a été présenté pour la première fois au Red Sea Film Festival à Djeddah. Pour moi, la symbolique de cette première mondiale est assez forte. On peut dire que le film a déjà fait sa «Omra». La vie du film est encore à son commencement. Malgré cette pandémie, nous luttons pour le montrer au maximum de public. Il y a des projections de prévues dans des festivals et événements un peu partout dans le monde et nous espérons le meilleur pour l'avenir. 

 

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