L'Expression

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EXPO CHAWARI3 10X10 À LA BAIGNOIRE

Gros plans sur le film Algérie!

10 regards intimes sur leur environnement, avec une prédominance du noir et blanc et des instantanés de vie figés pour l'éternité...

Il y avait foule le jour du vernissage de l'exposition Chawari310x10 au square Port Saïd. Un quartier généralement pas vraiment fréquenté par les bobos d'Alger. Et pourtant ce jour-là, on pouvait distinguer de tout tant le bouche-à-oreille a bien fonctionné. Mais en fait, la Baignoire qui a gagné ses galons de noblesse depuis la Picturie générale II a récidivé d'une belle manière et ce, pas seulement dans la forme qu'elle s'emploie à présenter les choses mais aussi dans le fond du sujet proposé cette année. La photo est devenue ces dizaines d'années, voire plus un art assez courant en Algérie de par la démocratisation de l'appareil photo qui ne coûte pas si cher et surtout l'emploi du numérique qui facilite énormément la tâche. Après reste le talent du regard aiguisé, que l'on a ou pas. Car si les pseudos photographes pullulent sur le marché, comme nous dira un connaisseur, un jour «la décantation se fera d'elle-même» et voilà que Samir Toumi a su nous choisir le «mkhayer entaâ le mkhayer» en nous invitant à apprécier dix regards divers et variés sur les villes et rues d'Algérie, lesquels ont su scruter chaque coin et recoin de cette société presque au peigne fin comme autant de morceaux épars du puzzle appelé Algérie. Des fragments de plans comme une sorte d'éclatements d'un pays en vertige qui se reconstitue pas nécessairement de façon ordonnée mais sincère sur les gens, leurs vies, leur quotidien, leur intimité, entre fragilité, étonnement et poésie, avec une prédominance pour le noir et blanc et des garçons sur le reste des exposants. Malek Belahcene a 21 ans, il est de Béjaïa, sa thématique à lui est la solitude. Qu'est ce qu'on voit dans ses photos? un coup d'oeil à gauche, une femme assise devant une table sur laquelle est posée une bouteille d'eau. Elle a la tête baissée, pensive. Ailleurs, un homme et puis là-bas une femme seule, au milieu d'un ksar, d'un dehors sublimé par un flou qui capte l'incertitude du temps suspendu. Un flou choisi volontairement en arrière-plan de cette horlogerie, soulignant l' instant volé, joué avec le temps. L'homme ici se noie dans le vide atemporel, suggérant l'effacement, tel un spectre, en devenant l'ombre de lui-même. Ramzy Bensaïdi est le doyen des exposants, il a 33 ans. Ce n'est pas la fantasia qui l'a interpellé, plutôt ce qui se passe autour. Photographier les instants off. Les gens dans les champs de course, des scènes en mouvement comme un plan de cinéma volé. Loin des images exotiques que l'on connaît de ces courses de chevaux.
«C'est l'interaction des gens qui y assistent qui m'intéresse. Avant, je travaillais dans une compagnie aérienne. Je me suis rendu compte quand j'envoyais des photos que je ne connais pas vraiment Oran comme ça. Ma démarche, en entrant au pays, était de montrer mon pays comme moi je le voulais. Parce que tu vas sur Google tu tapes Oran, tu as Santa Cruz, le Front de mer etc. je voulais rompre avec ces clichés. Ce qui m'intéresse c'est la population» Interpellé par la discussion, Omar Zelig, homme de radio et de culture, intervient spontanément pour dire passionné: «Ce sont des situations grandioses!» Et de renchérir: «On a souvent eu un regard extérieur sur l'Algérie, étranger et là, ce qui nous frappe est que ce sont des Algériens qui jettent un regard qui n'est ni bourgeois ni condescendant. Ce ne sont pas des choses chopées comme ça, il fallait être là pour les prendre. Il y a la fantasia qui fonce sur un homme qui est bien installé sur cette photo... On a l'impression qu'ils vont le dévaster. Ces photographes que j'ai vus aujourd'hui ont tous un regard amoureux sur leur peuple. C'est un miroir qui nous est offert c'est très émouvant. Je trouve là qu'il y a une cohérence éditoriale qui est très forte... C'est vraiment la génération de la révolution du numérique»
Se considérant comme photographe documentaire Ramzy nous offre en tout cas de singuliers instantanés de la vie qui peuvent être anodins certes, mais difficilement saisissables. Preuve en est: des heures de labeur qu'un photographe doit passer pour avoir la photo qui parle, qui lui parle! Pour sa part, Sonia Merabet 26 ans a choisi d'appeler sa série de photos en couleur extraterrestre.
Extérieur nuit, lumière qui oscille entre le bleu, le blanc et un soupçon d' orange. On y distingue Sonia (elle nous l'a dit) au milieu de maisons en construction. Les étoiles brillent au firmament, avec au fond la pénombre éclairant des parties du chantier. Une prééminence lumineuse vient suggérer sans doute l'arrivée d'un engin spatial comme on l'entend dans les films de science-fiction. Amusement. On exagère peut-être un peu, m'enfin, mais alors pourquoi ce titre? Redouane Chaib,
32 ans, quant à lui ne peut voir Alger qu'en noir et blanc. C'est sa vision des choses. «C'est une ville très contrastée. C'est atemporel, on ne sait pas si les photos ont été en 2015 ou avant. On ne voit ni voiture ni aucun élément de technologie. C'est pris à Qaâ Essour, à Bab El Oued, ce sont des rencontres. J'y suis allé à plusieurs reprises avant de prendre les photos. J'ai fait une sorte de repérage, maintenant j'y vais en toute sécurité. Il fallait gagner la confiance de ces gens. Zawali wel hamdoula, le titre a été suggéré d'ailleurs par une des personnes rencontrées.» En effet, les gens ici posent normalement pour notre photographe comme c'est le cas de cette famille devant cette barque. Le travail de Redouane s'ouvre notamment avec un portrait d'un monsieur au loin et se termine par un gros plan d'un vieux monsieur au sourire radieux. Mehdi Boubekeur, 27 ans s'est penché quant à lui sur les vu (es) du pont du Télemly. «J'ai imaginé ce trottoir comme une scène de théâtre urbaine. Quand on passe à une certaine vitesse on rate certains détails, si on ne capte pas ce moment» nous a-t-il confié. C'est ce qu'a tenté de restituer notre jeune photographe en déclinant ce plan d'un même endroit, variablement de nombreuses fois. Des gens passent. Ou pas. Pas mal de choses se passent au courant de la journée devant ce pont des suicidés. Ces photos en couleur sont l'exemple d'une succession de clichés qui rappellent un peu le procédé cinématographique du 24 images par secondes, à quelques nuances près, comme autant d'histoires imaginables racontées au bout du zoom.
«Après une heure, il y a une différence énorme en matière de lumière et de travail laissé par l'humain, que ce soit sur le paysage urbain ou sur le trottoir», conclut-il. Youcef Krache, 27 ans, a opté pour le bus comme médian d'arrêt sur images, le bus en mouvement à travers lequel les reflets des vitrines- d'où le nom de l'expo- on aperçoit l'écho de la ville par bribes, en contre-plongée et les gens dedans comme des témoins de ce qui nous entoure. «L'être humain devient à son tour une sculpture à l'intérieur d'une vitrine d'où le nom de la série, vitrine humaine, pour ne pas dire des sculptures divines.Je voulais aussi capter l'attente quand le bus est à l'arrêt...». L'éphémère est le nom de la série de photos en noir et blanc de Lola Khalfa qui nous vient de Annaba. Son travail est la conséquence de la juxtaposition de deux clichés. Cela traite de l'existence de l'instant présent. L'un représente le passé et l'autre le futur de l'Autre. «J'essaye de jouer sur cet effet et on se demande si cela existe vraiment cet instant présent? Pris au vif dans la rue, un peu partout en Algérie, ces gens ne posent pas ici. C'est un travail qui a pris trois ans.» nous a révélé la jeune artiste qui n'est plus à sa première exposition. Son travail est assez intéressant car l'effet déliant qui en résulte rappelle une véritable abolition du temps qui s'écoule. Autres photographes présents à cette belle expo sont Bilel Madi et Walid Bouchouchi qui continue décidement à nous surprendre par sa boulimie artistique. Si cette exposition mérite qu'on s'y arrête, seul bémol cependant, l'excès du noir et blanc qui tue le noir et blanc, et notamment la saturation de ce même idiome chromatique parfois qui déréalise plus qu'il inspire à l'authenticité des choses. Néanmoins, cela reste d'un niveau assez appréciable. L'expo est ouverte durant un mois depuis son ouverture, le 31 janvier.

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