Cinéma arrière-plan!

Un film dans un film ou ce qui lui ressemble. Nous sommes dans le mythique jardin d'Essai où le metteur en scène alias Samir El Hakim fait passer un casting à un groupe d'aspirants comédiens. Ils sont jeunes et beaux et rêvent d'épouser le métier du 7 ème art et ou se jeter à coeur perdu à l'eau. Eux, ce sont Sonia Amori, Louiza Nehar, Abdelkader Hamadaine, Yassine Hadj-Henni, Zohir Chabounia, Akram Djeghim, Redouane Boukachabia, Chahrazad Kracheni, Amel Hanifi etc... Samir El hakim leur tend un texte écrit en arabe classique qu'ils doivent répéter devant caméra. C'est l'histoire d'un palais dirigé par une dictatrice appelé Tassadit régnant dans une ville assiégée. C'est la première fois que les acteurs sont confrontés à ce texte. Pour preuve, certains ont du mal à déchiffrer ses caractères un peu alambiqués. On les retrouvera plus tard tentant de répéter d'autres scènes difficilement, avec l'équipe de tournage s'affairant tout autour. Dans la seconde partie du film, le metteur en scène vient leur annoncer que le film ne se fera pas pour cause de budget qui vient de manquer, le sponsor refusant de payer croit-on. Or, cela fait des semaines que ces jeunes répètent inlassablement dans ce jardin. Des séquences troubles sont également enregistrées. Au moment où un couple est assis tranquillement en train de parler, il est chahuté par une bande de badauds. Au sein de ce couple, une jeune fille alias la belle Sonia Amori, une émigrée qui veut retourner en France et quitter ainsi son amoureux qui lui, n'est pas content. Le jeune excédé se lève et se met à pourchasser les jeunes qui n'ont cessé d'harceler le couple par des commentaires incongrus. Et Samir El Hakim qui tente de raisonner l'acteur lui signifiant qu'en réalité «tu es dégonflé et parti en courant, car si ça se trouve tu l'as fait exprès, pour éviter le baiser final!» Une réflexion qui n'est pas sans rappeler une scène filmée semblable dans le film Normal de Merzak Allouache où l'acteur par lâcheté refusera d'embrasser sa coéquipière dans le film. Aussi autre moment perturbant c'est quand un groupe de rappeurs est surpris dans la rue en train se faire filmer et ces derniers viennent le reprocher à l'équipe du film. Ses jeunes artistes appartiennent au groupe de rap Genoxy. Réalité ou mise en scène? En fait tout au long du film, l'on ne saura pas si c'est l'intox ou la vérité, tant ce film balance entre situations réelles (doc) et fiction. Au final, peut-être l'on se dit, tant mieux, tant que la trame qui se noue devant nos yeux accusera d'une belle chute. En effet, le couple assis sur les escaliers face à la caméra se rabiboche. Et l'on se prend en sympathie pour lui, et tant pis si cela n'est que du cinéma, car au fond tout ce qui a été montré jusqu'à la moindre suggestion n'est autre que du cinéma, entre ses hésitations frileuses et ses affirmations bourdonneuses. La réalisatrice, qui a eu l'ingénieuse idée de ne jamais fermé sa caméra nous a entraînés avec elle dans les délicieux sillons de la fabrication d'un film en nous insufflant par procuration des émotions sincères émanant d'acteurs qui jouent avant tout, leur propre, vie. Comme cet indice dans le film: Une comédienne refusant de porter une cigarette au bec que ce soit aux moments du tournage ou lors des répétitions. Là on ne joue plus, cette jeune femme connaît ses propres limites et nous les fait savoir en pleine gueule. Réaction ironique du metteur en scène: «D'accord faisons du cinéma hallal!». Durant 43 mn, la réalisatrice, puisque Jardin d'essai qui est avant tout l'oeuvre de Dania Raymond va nous plonger dans la complexité des coulisses cinématographiques ou l'arrière décor d'un film avec une équipe qui va se retrouver confrontée aux mêmes questions que leurs personnages. Un film hautement intelligent et singulièrement attachant. Le Jardin d'essai rappelons-le, a été projeté cette année aux XIVes Rencontres cinématographique de Béjaïa devant un public conquis.