Cette éternelle sensation d’évasion

Le nouvel album de Mohamed Rouane, intitulé Nulle part vient de sortir chez Dounia Edition. Il comprend 10 morceaux des plus savoureux. En effet, après Rêve en 2004, Rayon de soleil en 2006 et Le bonheur dans la tristesse, l´an dernier, le revoilà qui nous gratifie d´un superbe opus dont seul l´artiste a le secret. Sa particularité? «J´ai essayé d´être fidèle au même esprit et principes que les précédents. Rester dans le même monde que le mien, c´est-à-dire l´évasion et la spiritualité...de la musique traditionnelle jouée à ma manière. C´est le style Casbah jazz. Casbah, comme cet instrument le mandole, qui a grandi à la Casbah, revisité par El Anka et jazz pour donner de la liberté à ma musique; au fond, c´est une musique de sensation. Je joue ce que je ressens. Ça dépend de l´état d´âme dan lequel je suis, c´est ça ma musique». Outre le mandole, instrument fétiche de Mohamed Rouane et qu´il tend à rendre le plus connu possible, ici et dans le reste du monde, Mohamed Rouane joue dans cet album du bouzouki, un instrument grec. Il y a ajouté également d´autres sonorités comme le banjo qui est connu en musque chaâbie. Mais nous découvrirons aussi, le nay, le djouk, le violon, le piano, ainsi que la guitare. Cet ami Rémy qu´il a rencontré en Tunisie joue de ces deux derniers instruments. D´ailleurs, dans cet opus il lui dédie, un titre, clin d´oeil, intitulé Rimel. Une ambiance de magie règne dans ce morceau. Un clin d´oeil à un ancien morceau repensé ici... Nous apercevons au lointain une voix qui nous invite à prendre du thé....Le premier titre qui ouvre cet album est Nulle part. Nous sommes immergés dans l´atmosphère mélancolique et vaporeuse qui domine et exalte la musique de Rouane. Dans Innocence, encore des effets sonores, mais juste un zest de quoi nous donner le ton sans trop se perdre dans ce voyage d´harmonies.
On reconnaît là, la patte de Rouane qui oscille entre calme et tempête pour passer du bleu au chaud et de faire emballer le rythme. C´est la touche de Rouane qui sait nous cuisiner une musique à la rage bien sobre et profonde et au son véritablement bien ficelé. Pas de quoi choper l´indigestion sonore. Un morceau qui se décline en deux temps. L´un lent et l´autre rapide, vertigineux, qui exhale cette colère enfouie chez l´artiste lequel rumine ses émotions, mais juste pour faire partager ses sentiments à travers des mélodies des plus enivrantes.
C´est le cas aussi dans Maghreb jazz. Mohamed Rouane excelle ainsi à nous servir une palette de mélodies bien digestes qui vous emportent loin...Dans Andalousie, c´est immanquablement le cadre de la nouba qui sied de façon admirable à ce titre où le son du piano lui insuffle toute sa majesté et sa grandeur impénétrable, signées sur le mode inseraf...Le mandole respire aussi dans le morceau Lumière qui éclaire nos songes. Dans Solitude, le sombre s´éclaircit encore une fois dans un tourbillon de notes égrenées avec minutie et mesures denses. De la rage contenue, explique l´artiste qui traduit son amour pour son pays, qui lui fait mal..L´album se referme sur le morceau Nuit blanche qui en rappelle un autre.Rêve? Un autre rêve, en somme, pour une énième invitation dans les limbes mélodiques de la musique de Rouane. Que de ravissement parcouru et de sensations touchées, avant de rouvrir, en effet, les yeux sur la tristesse de l´existence! Il n´y a, en effet, qu´un artiste pour nous traduire ces choses là et les embellir savamment grâce à sa musique, à consommer sans modération. Outre a vingtaine de concerts animés l´an dernier dans le cadre d´«Alger, capitale de la culture arabe 2007», Mohamed Rouane a plein de projets et de rêves à réaliser.
On citera un superbe concert qui réunira un ensemble de musiciens de l´Orchestre symphonique national pour revisiter son répertoire de Casbah jazz, et un autre, celui de rassembler une soixantaine de musiciens autour de son instrument, le mandole, en invitant une pléiade d´artistes à l´accompagner aussi dans cette aventure mélodique. En attendant, écoutez son dernier album! C´est plus qu´un conseil.