Quand passent les rapaces
Après avoir été déposé en douceur par une équipe de fringants colonels qui inaugurèrent ainsi un nouveau style de gouvernance et une nouvelle ère pour le Monde arabe, au point que beaucoup de régimes devront leur existence à des coups d´Etat menés avec plus ou moins de doigté, le roi Farouk, amer, fit à partir de son exil londonien une déclaration qui est restée dans toutes les mémoires: «Bientôt, dit-il, il ne restera plus que cinq rois dans le monde: le roi de coeur, le roi de carreau, le roi de trèfle, le roi de pique et le roi d´Angleterre.» Pour une meilleure compréhension du texte pour nos lecteurs qui sont nés sous le règne de Sa Très Gracieuse Majesté Elizabeth II, la déclaration du roi égyptien déchu a été faite du temps où régnait George VI. On s´aperçoit que le monarque déposé rendait par là hommage à la solidité de la tradition britannique et on voit bien que la sagesse finit par atteindre les cerveaux les plus imperméables, un peu trop tard, peut-être, mais l´essentiel est qu´elle arrive chez les potentats: la perte du pouvoir et des avantages matériels et immatériels qui lui sont inhérents est un excellent remède pour soigner la mégalomanie, l´égotisme, la rapacité et toutes les autres affections mentales de ceux qui croient être sortis de la cuisse de Jupiter...Quand ils atterrissent brutalement sur le plancher des vaches, les dures réalités d´une nouvelle vie loin des mondanités et des courbettes les rendent philosophes et ils se mettent à réfléchir sur la fragilité du pouvoir: l´épée de Damoclès illustre bien leur précarité. On remarque que dans la déclaration du roi Farouk, il n´est point fait mention des monarchies qui sévissaient alors dans le médiéval Moyen-Orient: à l´époque, le pétrole était presque donné et les Occidentaux ne faisaient pas des courbettes aux pieds des derricks. Quant au Maroc, il était encore sous protectorat français tout comme la Tunisie où le bey était relégué dans un palais de banlieue comme une curiosité touristique.
On pourrait rapprocher la déclaration du monarque égyptien de celle de l´humoriste franco-marocain Jamel Debbouze qui, avec sa verve habituelle, disait en direct à l´antenne: «Je crois que les Arabes n´ont pas d´avenir puisqu´ils sont absents des films de science-fiction.» Ce qui est vrai pour les peuples l´est encore plus pour les régimes qu´ils subissent, mais, cela, l´humoriste n´osait pas le dire pour ne pas froisser son royal admirateur: M6.
Tout cela nous amène à nous poser la question sur la pérennité des autocrates antédiluviens qui ont prospéré durant le Guerre froide mais qui ne semblent pas s´adapter au changement climatique induit par l´unilatéralisme américain avec ses précieux outils: Internet et WikiLeaks. Les injonctions des diplomates américains aux décideurs arabes contestés par «la rue», ne laissent point de doute sur le nouvel ordre mondial où Washington se pose en véritable arbitre. Au temps de la guerre froide, les Etats-Unis utilisaient leurs services spéciaux, la CIA et les nombreux relais dont elle disposait dans le monde, pour démolir les régimes qui n´étaient plus à sa convenance, il semble à présent de plus en plus évident que les dernières sorties de leurs ambassadeurs et du secrétaire d´Etat aux Affaires étrangères, affirment d´une manière explicite les volontés du bureau Ovale: mettre les pieds dans les plats français et casser avant qu´il ne soit trop tard, la dernière velléité du président Sarkozy: l´UPM après Ben Ali, Moubarak subit à son tour une contestation d´une ampleur inégalée jusqu´à présent. A qui le tour, prochainement?
