L'Expression

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Expressions

Dans le bus déglingué, sale et lent qui m´a ramené ce matin vers les lieux du travail quotidien, j´ai été confronté malgré moi à un «collage», c´est-à-dire à une rencontre (peut-être?) fortuite de deux images ou de deux inscriptions qui auraient dû être normalement fixées sur des supports situés à des lieues l´un de l´autre. Sur la vitre située derrière le siège du conducteur était collé le portrait du candidat-président, en l´occurrence M.Abdelaziz Bouteflika, photographie diffusée lors de la longue campagne électorale. Juste à côté de l´homme au complet bleu était collé le conseil exprimé dans les trois langues utilisées par la compagnie aérienne nationale: «Attachez vos ceintures». Je n´ai pu m´empêcher de sourire. Cette expression telle qu´elle figure dans le grand répertoire de la linguistique de l´Algérie profonde, signifie, en berbère ou en arabe: préparez-vous à combattre, à lutter ou à partir à la chasse. La ceinture étant pour les gens habitués à porter des gandouras synonyme de cartouchière. Au sens figuré, cela signifie être fermement décidé à faire quelque chose. Mais devant la mine souriante du président élu, je ne peux que la relier au programme du président exprimé dans le cri «Pour une Algérie forte et digne».
Voilà de quoi réveiller bien des nostalgies pour ceux qui ont connu l´Algérie des «seventies» quand sa voix portait haut et loin, quand de New York à Lahore, de l´ONU à l´OCI, de Bandoeng à Belgrade, Boumediène donnait des leçons de maintien politique à ses collègues, à ses homologues et à ses opposants. En ce temps, les entreprises poussaient comme des champignons, les emplois étaient à temps partiel et le salaire entier tombait ponctuellement comme une retraite bien méritée. Les écoles, les lycées, les universités suivaient le rythme des usines et des villages agricoles. Il y avait bien le revers de la médaille: des pénuries sporadiques qui affligeaient les longues queues de citoyens non inscrits à la nomenklatura : un jour on manquait d´oignons, de pommes de terre, de piles, de pièces détachées, mais cela n´était pas mortel car la médecine était gratuite et le Gatt (le père de l´OMC) et le fromage étaient absents des préoccupations. La pomme de terre pourrissait de temps en temps à Mascara pendant que les ports étaient encombrés de marchandises, mais tout le monde était content. Ceux qui ne l´étaient pas étaient à l´étranger à vociférer des insultes, d´autres soigneusement conservés à double tour dans les prisons mais il y avait aussi (il faut en parler) quelques petits malins qui chapardaient ici et là de petites mesquineries qui ne risquaient pas de mettre en péril ni le régime, ni l´équilibre de l´économie, ni le rapport des forces occultes. Ils allaient rattraper le temps perdu durant les années 80. Ce régime était supporté par une solidarité internationale émanant d´un puissant bloc socialiste et d´un mouvement des Non-alignés courtisé par les superpuissances. Mais, trêve de diversion, le «Attachez vos ceintures» pour une «Algérie forte et digne» risque-t-il de nous ramener trente ans en arrière. C´est peu croyable quand on sait que les jeunes Algériens supportent toutes les humiliations pour mettre les deux pieds à l´étranger et y rester le plus longtemps possible loin de l´état d´urgence, de l´économie informelle et des maladies moyenâgeuses. A moins qu´on nous promette un imminent décollage économique qui risque de décoiffer même les calvitieux. Peut-être aussi que ce n´est qu´une simple invitation pour un voyage au long cours, à la vitesse de mach 2.

De Quoi j'me Mêle

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