L'Expression

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Anecdotes

Avoir passé quinze demi-journées auprès de Abdelhamid Benzine, dans l´intimité de son modeste logis, ô combien hospitalier, revient à vivre dans le désordre soixante-dix-sept années d´une vie bien remplie. Je consultais les feuilles dactylographiées empilées dans des chemises et chaque fois que je rencontrais une difficulté pour situer dans le temps et dans l´espace un personnage, j´allais lui demander des éclaircissements. C´est alors une série d´anecdotes qui viennent bousculer sa mémoire et il me restituait dans le désordre, bien sûr, le pourquoi du comment sans mettre en valeur son propre rôle dans l´histoire. Il disait simplement: «J´ai rencontré». Ainsi, au détour des noms comme celui de Omar Oussedik et Benaï Ouali, je lui appris que j´étais originaire du même village que ce dernier, que je l´avais vu souvent débarquer du car dans une tenue d´une propreté qui contrastait avec le négligé des gens qui venaient le saluer avec beaucoup de respect au «Café du garage», alors, unique café de l´unique rue du village. J´avais même entendu les détonations des balles assassines qui avaient mis fin à la vie de ce militant, une fin d´après-midi. Benzine me confia que Benaï Ouali, après son exclusion du PPA, avait cherché auprès du PCA une aide pour mettre sur pied un nouveau parti. Le PCA avait refusé, trouvant qu´il y avait déjà sur la place assez des partis qui prétendaient défendre les intérêts des masses indigènes. Il m´avait confié alors, que, militant du PPA, il avait sur le marché public de Sétif, apporté la contradiction à des militants du PCA qui venaient haranguer la foule les jours de marché: Untel était trop sectariste: il s´attaquait plus au PPA et aux ulémas qu´au système colonial même. Untel était un célèbre personnage exclu du PCA et qui a rejoint le FLN avec armes et bagages, sectarisme et toute l´honnêteté d´un militant prolétarien. Quand je mis la main sur la photocopie d´un rapport de police émanant de l´officier de police qui s´adressait au commissaire principal d´Alger, mes yeux s´allumèrent: j´apprenais que, selon le commissaire d´A.K., le jeune camarade de lycée avait déclaré que c´était Benzine qui était le fondateur de la cellule du PCA au lycée de Sétif. «Comment peux-tu garder des liens avec quelqu´un qui t´a trahi?», lui ai-je dit. Il me confia qu´il a «perdu» deux années à travailler au corps ce «coco-là» pour le faire entrer au PPA où il eut une modeste carrière puis au FLN, avant de connaître le succès sous Boumediène...Je découvris aussi une lettre rédigée par le secrétaire du Pags (El Hachemi Cherif), adressée au ministre des Moudjahidine et demandant que soit reconnu aux cadres du PCA qui avaient vécu dans la clandestinité de 1955 à 1962, le statut de résistants. Ces cadres n´étaient autres que Bachir Hadj-Ali, Boualem Khalfa et Sadek Hadjeres. «Au moment où on réhabilite Messali, quoi de plus naturel que remettre chacun à sa place». Il n´osa jamais me parler des faux moudjahidine, tant l´imposture l´écoeurait. D´ailleurs, il avait une qualité étonnante: il ne «cassait jamais du sucre» sur le dos des autres, même sur le dos de ceux qui ont trahi sa confiance. Nos séances de travail, brèves, étaient souvent coupées par la visite d´un ami de longue date qui venait casser la croûte chez lui ou boire le verre de l´amitié. Comme dans la célèbre chanson de Brassens: «Son pain ressemblait à du gâteau et son eau à du vin comme deux gouttes d´eau.» C´est alors que j´ai goûté ses sardines assaisonnées qu´il m´avait promises neuf ans plus tôt.

De Quoi j'me Mêle

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