L'Expression

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PROCHE-ORIENT

Le Liban dans la tourmente (1ère partie)

Plongeons-nous dans le passé pour tenter de comprendre le présent

Le monde retient de nouveau son souffle quand on écoute les discours de l´Amérique concernant le Moyen-Orient. Dans ses derniers discours, George Bush ne parle plus de la Corée qui a annoncé détenir l´arme atomique mais surtout de l´Iran, accusée de vouloir acquérir l´arme nucléaire comme Israël. De plus, la mort de Rafik Hariri a donné à l´Administration américaine de revenir à la charge pour demander sur un ton menaçant à la Syrie de quitter le Sud-Liban. De quoi s´agit-il en fait, en termes de territoire? Plongeons-nous dans le passé pour tenter de comprendre le présent et, avant toute chose, essayons de comprendre «l´engouement» occidental pour le Liban ou plutôt pour ses habitants chrétiens. Ce petit pays, Ce cher Liban pour reprendre l´expression du général de Gaulle, fait l´objet de toutes les attentions de la France.
Pour l´histoire, Les maronites sont des Arabes chrétiens habitant au nord-est de Beyrouth et dans le Becherre au sud de Tripoli. Ils tiendraient leur nom soit de Saint Maroun (Ve siècle) soit de Jean Maroun prêtre d´Antioche qui vivait au VIIe siècle. Selon la tradition, relate Yver, Maroun se serait retiré dans les montagnes avec les chrétiens qui refusaient d´embrasser l´Islam. Durant la période des croisades, les maronites furent les alliés fidèles des Francs. Saint-Louis leur accorda officiellement sa protection par sa lettre du 21 mai 1250. Il y déclare notamment que «la nation établie sous le nom de Saint Maroun est une partie de la nation française».(1)

«Ce cher Liban»

Les maronites furent souvent victimes de persécutions, notamment de la part des Druzes à partir de 1841. Entre 1840 et 1860, la crise syrienne faillit provoquer en Algérie un début de colonisation, cette-fois-çi, maronite introduite par la France. Ce qui explique leur souhait de venir s´établir en Algérie. L´opération ne se fera pas pour des raisons pécuniaires.
En fait, les troubles confessionnels au Liban, récurrents depuis le retrait des Egyptiens, sont attisés par les deux puissances de l´époque ; l´Angleterre et la France. Dans ce dernier pays, la presse catholique mobilise des fonds qui atteindront 3 millions de francs pour ces chrétiens d´Orient. On commence alors à parler d´un Etat chrétien oriental attaché à la France.
Ainsi, pour revenir à l´ingérence de l´Occident, à l´époque représentée par l´Angleterre, la France et la Russie, en terre d´Orient contre l´Empire Ottoman : l´homme malade de l´Europe, selon l´expression du tsar Pierre le Grand, un corps expéditionnaire français de 5000 hommes est envoyé par Napoléon III le 16 aôut 1860. On remarquera au passage, que la Turquie était bien en Europe, contrairement à ce qu´affirment les Sarkozy, Bayrou et autre Giscard, pour qui, si elle faisait partie de l´Europe, cela se saurait.
Curieusement, les troupes françaises envoyées étaient composées des zouaouas, des Berbères de Kabylie, les «zouaves» musulmans envoyés pour combattre d´autres musulmans coupables de s´en prendre à des chrétiens. Un cimetière existe encore au Mont Liban où nous retrouvons des tombes sur lesquelles sont gravés des noms commençant par Aït...Napoléon voulait renouer avec sa «politique du Royaume arabe». Ainsi, l´Emir fut approché pour en prendre les rênes, sans succès. L´Emir fut salué comme le protecteur des chrétiens opprimés quand il sauva d´une mort certaine près de 10.000 chrétiens qu´il réussit à ramener dans sa maison. Il les soigna, les nourrit et les garda sous sa protection jusqu´à la fin des émeutes.
Selon l´analyse du colonel Charles Henry Churchill, «la sécurité satisfaite de soi et même la supériorité que les chrétiens occidentaux nourrissaient sous la protection «ostentatoire» du consul de France à Beyrouth en 1857, ont accru le fanatisme de la population locale blessée dans son orgueil. Profondément choqués par les nouvelles aspirations des chrétiens, les musulmans sont aussi jaloux de la richesse et de la puissance que ces derniers se mettent à étaler de façon provocante. En conséquence l´Islam commence à se tenir sur la défensive». On peut donc raisonnablement dire que les malheurs des Arabes des temps modernes datent du début de l´ingérence et du jeu confessionnel trouble de l´Occident dans cette région du monde.(2)
L´Empire ottoman participe à la réunion du 9 juin 1861 ; des territoires lui sont enlevés et de plus, injonction lui est faite de nommer dans la Grande Syrie (Liban y compris) un gouverneur « moutassarif » de confession chrétienne. On remarque que depuis plus de 150 ans, les chrétiens d´Orient ont servi à la fois de pretexte politique et religieux à l´Occident, pour pénétrer l´Orient sur le mode colonial. C´est en définitive, la poussée de l´Occident en Orient à partir du XVIIIe siècle, mais surtout du XIXe siècle, qui met l´Empire ottoman sur la défensive et l´oblige à abandonner sa politique traditionnelle de tolérance religieuse. La France et l´Angleterre cherchent à se créer des appuis parmi les sujets de l´Empire, en excitant leurs particularités ethniques et religieuses, les encourageant ainsi à se révolter. Ce qui, naturellement, devait déboucher au dépeçage de l´Empire ottoman avant même que la Première Guerre mondiale ne se termine par les fameux accords secrets de Sykes-Picot.(3)
Pour l´histoire et au risque d´être politiquement incorrect, il faut se souvenir de l´état d´esprit messianique des conquérants occidentaux. N´est-ce pas, en effet, le général Gouraud, abdiquant toute dignité en rentrant en conquérant à Damas, en 1920, qui profane le mausolée en rentrant à cheval en tenue de campagne. Devant le catafalque du héros légendaire de l´Islam, il s´écrit: «Saladin ! le petit fils de Godeffroy de Bouillon est devant toi au milieu de ses troupes, Où sont les tiens ?... la croisade est terminée!»(4).
A la suite des accords Sykes-Picot de 1916, la Société des nations confia à la France, le 25 avril 1920, à San Rémo un mandat A sur la Syrie et le Liban, détachés de la Turquie vaincue, le même type de mandat ayant été confié à la Grande-Bretagne sur la Palestine et l´Irak. L´organisation administrative du mandat aboutit à la constitution de l´État de Syrie, formé des États d´Alep et de Damas et du sandjak d´Alexandrette (arrêté du 5 décembre 1924) avec Damas pour capitale de l´État des Alaouites avec les sandjaks de Lattaquié et de Tartous (arrêté du 5 décembre 1924) avec Lattaquié pour capitale de l´État du Djebel druze (arrêté du 24 octobre 1922) avec Soueida pour capitale de l´État du Grand Liban (arrêté du 31 août 1920) dont l´indépendance fut proclamée le 1er septembre 1920 par le général Gouraud.
L´État du Grand-Liban fut divisé, par arrêté du 1er septembre 1920, en quatre sandjaks : Liban-Nord; Mont Liban; Liban-sud et Bekaâ et en deux municipalités autonomes: Beyrouth et Tripoli. En juin 1941, les troupes anglaises pénétraient en Syrie et au Liban et, après la conclusion d´un armistice, le 14 juillet, avec les forces françaises, les deux territoires passaient sous le contrôle de la France libre. L´indépendance de la Syrie et du Liban fut proclamée en septembre et novembre 1941, mais ne devint effective qu´à la fin de la guerre. Les dernières troupes françaises et anglaises n´évacuèrent les deux États qu´en 1946.
Depuis 1996, lors de la vague d´attentats du Hamas en Israël, les négociations ont été interrompues entre Israël et la Syrie. Elles n´avaient pas repris depuis, du fait d´une divergence sur la nature des engagements pris par Itzhak Rabin concernant un retrait total du Golan. Mais en décembre 1999, les deux pays ont décidé de reprendre leurs pourparlers de paix avec, au centre des discussions, deux volets très liés pour Damas: le retrait israélien du Golan et le Liban. Ces négociations s´étant soldées par un échec en mars, c´est d´un épineux dossier qu´hérite le nouveau dirigeant syrien, Bachar, fils d´Hafez El Assad, décédé le 10 juin 2000.
L´importance du Golan est connue depuis l´antiquité. Anciennement syrien, ce plateau, situé au nord-est d´Israël, est occupé par l´Etat hébreu depuis la guerre israélo-arabe de juin 1967. Pendant la guerre de 1973, la Syrie combat aux côtés de l´Egypte et récupère ainsi une partie du plateau. Mais le reste (1150 kilomètres carrés) est annexé par une loi de la Knesset du 14 décembre 1981, déclarée «nulle et non avenue» par les Nations unies. Comme à Jérusalem-Est, la législation israélienne s´y applique, l´annexion de fait s´est transformée en annexion de droit. Pour Israël, ce plateau représente plusieurs intérêts, notamment militaire (car à la frontière de la Syrie et du Liban, il surplombe les trois pays) et stratégique (par ses ressources en eau). Israël a donc là aussi, mené une politique de fait accompli en colonisant progressivement le plateau. En novembre 1999, 17.000 Juifs étaient installés sur le plateau.
Le 15 décembre 1999, Israéliens et Syriens ont relancé à Washington les négociations de paix interrompues en 1996. Mais la Syrie garde la même position depuis la conférence de Madrid de 1991: tout accord de paix avec Israël et tout accord sur le Liban ne pourront être conclus qu´à la condition d´un retrait israélien du Golan dans ses frontières du 4 juin 1967. Si le retrait israélien du Liban Sud en mai 2000 a relancé l´espoir d´un accord israélo-syrien, la divergence, qui a conduit à une nouvelle interruption des négociations en mars 2000, porte toujours sur Le tracé des frontières entre les deux pays. Damas a toujours exigé un retrait de l´armée israélienne sur ses positions du 4 juin 1967 alors que Tel-Aviv se réclame de la frontière de 1923 : entre les quelque deux kilomètres carrés mais surtout l´accès au lac de Tibériade et à la vallée du Jourdain. La frontière du 23 juillet 1923, définie par la France et le Royaume-Uni, puissances mandataires respectivement de la Syrie et de la Palestine, ce tracé reflétait la volonté de Londres de garantir les ressources d´eau nécessaires au projet sioniste : il assurait l´inclusion totale des lacs Houria et de Houla. La ligne définie par l´armistice signé le 20 juillet 1949 par Damas et le jeune Etat israélien. Durant la guerre de 1948-1949, l´armée syrienne a conquis certains territoires de l´ancienne Palestine mandataire et contrôle entre autres les rives orientales des lacs de Tibériade et Houla.
Après 1949, les incidents entre les deux pays se multiplient. Dans les années cinquante, on aboutit à un partage de fait des territoires démilitarisés, la Syrie ne conservant le contrôle, à la veille du 4 juin 1967, que d´une vingtaine de kilomètres carrés, le reste étant passé sous contrôle israélien. Le Golan représente un tiers des réserves en eau d´Israël. Israël demande que ces flux ne soient pas interrompus, Damas affirme qu´elle respectera le droit international en la matière.(5).
Le " Document d´entente nationale ", qui devait mettre fin à quinze ans de guerre civile au Liban, ratifié dans la ville saoudienne de Taëf par les députés libanais en novembre 1989, a pour origine un plan en sept points, élaboré par un comité tripartite arabe réunissant l´Algérie, le Maroc et l´Arabie Saoudite. L´accord de Taëf qui est défini comme " le pacte de la coexistence ", préconisait la fin des hostilités, une nouvelle formule de partage du pouvoir, le retrait des troupes syriennes jusqu´à la Bekaâ et l´élection d´un nouveau président. L´accord de Taëf réaffirme en premier lieu l´unité, la liberté et l´indépendance du Liban. Par-delà son caractère multiconfessionnel, l´Etat libanais est unitaire, ce qui exclut de le transformer en une confédération ou une fédération de communautés confessionnelles. Le Liban est un " pays arabe, d´appartenance et d´identité " dont les frontières sont internationalement reconnues, ce qui devrait exclure toute annexion de tout ou d´une partie de son territoire par l´un de ses voisins, le Liban entretient avec la Syrie " des relations privilégiées qui tirent leur force du voisinage, de l´Histoire et des intérêts fraternels communs ".

La doctrine américaine concernant la Syrie

On sait que les troupes israéliennes devraient, en principe, avoir évacué Gaza d´ici à la fin 2005, alors que la «feuille de route» prévoyait à cette date la création d´un Etat palestinien. Pourtant, la communauté internationale a entériné ce plan qui n´empêchera pas le gouvernement de M.Ariel Sharon d´accentuer sa mainmise sur la Cisjordanie. Dans ce contexte instable, Washington, embourbé en Irak, intensifie ses pressions sur la Syrie. Dès le déclenchement de la guerre américaine contre l´Irak, on a été convaincu, à Damas, que l´un de ses buts principaux était d´achever l´encerclement de l´ensemble Syrie-Liban-Palestine, encerclement amorcé par le partenariat stratégique conclu entre la Turquie et Israël, sous l´égide des Etats-Unis. Quelles que soient leurs précautions de langage, ils ne dissimulent pas qu´à leur avis, l´administration américaine pourrait, le cas échéant, susciter un affrontement destiné à provoquer la chute du régime actuel. Avec pour but de le remplacer par une direction politique acquise à une collaboration permanente avec les Etats-Unis.(6)
Washington avait assimilé les Etats soupçonnés d´aider, d´abriter ou de tolérer les organisations terroristes internationales et les pays disposant d´armes de destruction massive en produisant ou projetant de s´en doter. Et, en l´occurrence, la diplomatie américaine continue de maintenir la Syrie sur la liste des Etats réputés complices des activités terroristes et met régulièrement en cause ses programmes d´armement. En même temps, à Washington, on continuait de menacer la Syrie de sanctions si elle ne changeait pas de comportement : on allait donc entrer dans une période où le régime syrien serait soumis à de fortes pressions, qui pourraient un jour déboucher sur une crise aiguë.

1. Yver : Les maronites et l´Algérie : Revue africaine. Vol. 61, p.165-211, (1920).
2. Charles Henry Churchill : The Druzes and the maronites. Edtions Quarich.p.115-119. (1862).
3. C.E. Chitour. L´Islam et l´Occident chrétien : Pour une quête de la tolérance. Editions Casbah. Alger. 2001.
4. Malek Bennabi : Mémoire d´un témoin du siècle. Editions Sned. Alger. 1972.
5.http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/proche-orient/region-syrie
6. Paul-Marie de La Gorce La Syrie sous pression, Le Monde Diplomatique Juillet 2004.

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