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Senac comme au cinéma

Un faisceau de faits culturels vient rappeler à tous qu´il y a plus de trente ans, disparaissait un poète algérien pied-noir : Jean Sénac, assassiné le 30 août 1973 dans une cave d´Alger où il avait élu domicile, et jusqu´à ce jour ses tueurs n´ont pas été arrêtés. Parmi les initiatives qui ont été prises pour lui rendre hommage, on peut citer celle du Salon du livre d´Alger, qui s´est déroulé à la Bibliothèque du Hamma ainsi que la publication de la traduction de ses poèmes, toujours par la Bibliothèque nationale, dont l´écrivain Amine Zaoui est directeur. Et voilà qu´on annonce la sortie, à Paris, d´un film réalisé par un cinéaste algérien, Abdelkarim Bahloul, intitulé Le soleil assassiné, et qui est consacré justement à cet homme libre qu´était Jean Sénac, «un homme qui défendait toutes les différences identitaires, tout comme Kateb Yacine».
Le film raconte donc l´histoire d´un écrivain appelé Charles Berling, qui a lutté pour l´indépendance de l´Algérie et a choisi d´y rester et de continuer à se battre pour la liberté, jusqu´à mourir. Il animait à la radio Chaîne III d´Alger une émission intitulée «Poésie sur tous les fronts», faisant vibrer une partie de la jeunesse de ce pays tout neuf. Il fut aussi l´ami de nombreux poètes en herbe, qui lui envoyaient leurs poèmes. Certains sont devenus de grands écrivains, comme Boudjedra ou Tahar Djaout.
Nous pouvons lire dans une dépêche de l´AFP que la trame du film met donc en scène deux de ses admirateurs, comme Hamid (Mehdi Dehbi) ou Belkacem (Ouassini Embarek), deux étudiants férus de littérature et de théâtre. Ils seront amenés par les événements à assister aux avanies et aux persécutions dont il est victime, parce qu´il revendique le droit à la différence et à la diversité, qui sont synonymes d´enrichissement. Le poète sera chassé de sa villa, interdit à la radio, en butte à l´hostilité manifeste des autorités. Il finira sa vie dans une cave d´Alger, un trou à rat, lui, qui est resté fidèle jusqu´à son dernier souffle à ce pays qui l´a vu naître et qui était aussi la terre de ses ancêtres.
Il n´est pas inutile de rappeler à la jeunesse d´aujourd´hui, en cette fête de l´indépendance et de la jeunesse, le sacrifice de cette vaillante plume qui a profondément aimé l´Algérie, mais une Algérie plurielle, la terre d´accueil, un pays à la fois méditerranéen, arabe, amazigh, africain, un carrefour des cultures qui devaient faire sa richesse, mais qui est resté confiné dans le couloir de la censure, à cause de l´esprit étroit de ses dirigeants.
Jean Sénac a été assassiné, mais la poésie c´est la vie.
Tahar Djaout, qui était un grand ami de Jean Sénac, décrit aussi dans ses romans, notamment l´Exproprié et les Vigiles, cette atmosphère de suspicion, et de surveillance dont sont l´objet les artistes, les poètes, mais aussi les chercheurs et les inventeurs, par ces mille yeux de toutes les polices parallèles mises en place par un pouvoir pour brider et châtrer les intellectuels, qui sont des rêveurs lunaires, continuant d´être optimistes malgré la répression exercée sur eux par les tenants de la pensée unique.
Pour Abdelkrim Bahloul, «l´histoire de Belkacem et Hamid contient en elle tous les signes avant-coureurs de ce qui se passe aujourd´hui en Algérie», la décennie noire n´étant qu´une métaphore pour décrire la répression de la pensée et de la liberté sous toutes ses formes.

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