L'Expression

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Comment se libérer du complexe du «Paradis perdu»!

Le paradis n'est pas perdu, c'est nous qui sommes perdus!

Des siècles se sont écoulés depuis la chute de Grenade, c'était le 2 janvier 1492. Et les musulmans se lamentent encore et toujours sur ce «paradis perdu» «Al Firdaws Al Mafkoud», à travers la poésie en vers et en prose. Ils se lamentent dans des discours politiques de droite, de gauche et du centre, peu importe. Ils se lamentent sur les minbars des mosquées, dans les prêches des vendredis et ceux des fêtes religieuses. Ils se lamentent dans les leçons d'Histoire dispensées aux écoliers et aux adultes aussi. Ils se lamentent dans les romans, dans les chansons andalouses et les mouwachchahat.
Cette lamentation généralisée alimentée par le désir du retour au «Paradis perdu» ne cesse d'habiter les rêves des musulmans, les Arabes et les Amazighs.
Quatre siècles après, les musulmans de Tanger à Damas, noyés dans la boue de la défaite, ne pouvant construire leur nouvelle «Andalousie» sur leur terre légitime et naturelle se retournent pour habiter des illusions et des songes périmés.
Bien que l'autodafé ait frappé les oeuvres d'Ibn Ruchd et d'Ibn Hazm, le bien était plus fort que le mal, le travail était plus valorisé que la paresse, et l'ijtihad était plus présent que le fanatisme.
Lorsque l'Andalousie était sous domination des Amazighs et des Arabes, la vie était ardente, équilibrée et merveilleuse; les musiciens, les fékihs, les chanteurs, les muezzins et des adorateurs du Coran vivaient côte à côte, en harmonie. Les lieux de culte et ceux de plaisir se trouvaient face à face, ensemble. Les mosquées étaient remplies de fidèles, les églises et les synagogues de même. Les écoles de médecine et d'astronomie grouillaient d'apprentis et d'étudiants.
La femme andalouse avait sa place de décideuse, jouissant d'une visibilité positive dans tous les domaines; de la gouvernance jusqu'à la diplomatie, passant par la poésie, le fiqh, la philosophie et la musique.
Pourtant, la vie en Andalousie n'était pas complètement rose comme beaucoup se l'imaginent. Les conflits politico-familiaux faisaient rage. Le fils s'opposait à son père ou à son oncle dans une guerre aveugle alimentée par la soif du pouvoir. Lorsque les musulmans étaient à la tête de l'autorité suprême en Andalousie, et malgré les conflits, ils ont érigé des chefs-d'oeuvre architecturaux immortels qui témoignent encore et jusqu'au jour d'aujourd'hui du sens esthétique sublime et du goût exceptionnel de la grâce qui régnaient dans la société. Ils ont construit des palais prodigieux, des mosquées extraordinaires, des bains singuliers, et des cités résidentielles édifiées selon des plans d'urbanisme conforme aux valeurs esthétiques différentes des habitants qui y vivaient ensemble, celles de la culture islamique et celles des autres religions telles le judaïsme et le christianisme.
Lorsque l’Andalousie était sous domination des Amazighs et des Arabes, la vie était ardente, équilibrée et merveilleuse
Aujourd'hui, celui qui souhaite étudier ou visiter l'histoire véritable de l'architecture berbère ou arabo-islamique doit se rendre en Andalousie espagnole et non pas dans des villes anciennes en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient.
L'heure de la chute de Grenade a sonné, les Arabes et les Berbères sont chassés, les musulmans et les juifs toutes confessions confondues. Collectivement et communautairement ils se sont installés dans de nombreuses villes et villages d'Afrique du Nord, à Tanger, Tétouan, Marrakech, Tlemcen, Ténès, Constantine, Oran, Blida, Béjaïa, Tunis, Djerba, Tripoli, Barqa, Alexandrie, Le Caire..... Ils étaient des politiques, des dirigeants, des marchands, des architectes, des poètes, des bijoutiers, des médecins, des philosophes, des mystiques et des juristes.
Tous, hommes et femmes, ont quitté leurs biens et leurs souvenirs pour s'installer dans d'autres terres qui ne sont pas différentes de celles d'où ils étaient délogés.
Sur les nouvelles terres ils ont formé des groupes humains, mais ils n'ont pas pu emporter avec eux, dans leurs bagages, le génie andalou, alors quelle en est la raison? Y-a-t-il une différence entre la rive nord et la rive sud de la Méditerranée? L'eau de la mer est la même! Le pourcentage du sel qu'elle contient est le même!
Quelle est la raison pour qu'un musulman soit créatif lorsqu'il est dans le nord et infécond et stérile lorsqu'il est dans le sud?
Y-a-t-il une différence entre un ciel couvrant Grenade et un autre couvrant Tlemcen? C'est le même bleu et le même gris des nuages, alors quelle est la raison pour laquelle un musulman réussit quand il est là-bas et échoue quand il est ici, chez lui?
Existe-t-il une différence entre un olivier qui pousse à Séville et un autre qui pousse dans les vergers de Béjaïa, de Fès ou de Tunis? Alors quelle est la raison pour laquelle les olives, les raisins et les grenades sont en abondance là-bas, et perdent leur qualité dans le sud?
Quelle est la raison pour qu’un musulman soit créatif lorsqu’il est dans le nord et infécond et stérile lorsqu’il est dans le sud ?
Quelle est la différence entre les bras d'un jeune musulman amazigh ou arabe, peu importe qui, avec force et finesse, a bâti les murs de l'Alhambra et de la Grande mosquée de Cordoue, et ceux d'un autre qui n'a pas pu élever le toit de sa tente pour se protéger du vent, de la pluie et de la peur, à Marrakech, Tripoli, Oran, Damas ou Alexandrie?
Pourquoi est-ce que ce même musulman a réussi à créer une civilisation là-bas et a échoué lorsqu'il est retourné dans son pays d'origine?
Le secret de l'intelligence et de la créativité musulmanes andalouses est dû, certes, à cette vie commune et multiple que menaient les musulmans avec tolérance. Ils vivaient avec l'Autre, avec le différent, ils cohabitaient avec les juifs, les chrétiens et les non-religieux. Pacifiquement, ils coexistaient dans une compétition loyale et pragmatique, sans expiation, ni anathème, ni haine des autres religions.
La pluralité et le respect de la différence sont le secret de la réussite civilisationnelle. Ce qui libère le musulman d'aujourd'hui des préjugés et de l'extrémisme et le fanatisme c'est la présence de l'Autre avec sa culture, sa langue et sa croyance.
Le jour où la pluralité et la liberté individuelle seront respectées dans les pays arabes et en Afrique du Nord, et que le musulman parcourra les rues des villes aux côtés du juif, du chrétien, du bouddhiste et de l'irréligieux, ce jour-là il reprendra son génie et reviendra à la force de sa créativité.
«L'Andalousie perdue» ou «Al Firdaws Al Mafkoud», est un sentiment pathologique collectif. Et le musulman d'aujourd'hui ne pourra se débarrasser de cette pathologie intellectuelle et idéologique que lorsqu'il créera une nouvelle Andalousie, un nouveau paradis retrouvé, en Algérie, en Tunisie, au Maroc, en Libye, en Égypte, au Levant, au Yémen et au Soudan et non pas en Espagne. Cette maladie de la nostalgie du «Paradis perdu» est une plaie mortifère dont le musulman ne peut être guéri que s'il se rend compte qu'il doit réfléchir d'abord à récupérer et à travailler sa «terre» originelle, riche et vaste mais, malheureusement, rongée par la paresse, la corruption et le pillage.
Le jour où le musulman moderne comprendra la valeur du travail, la valeur du temps, le respect de la différence, le prix de l'amour, et acceptera d'adhérer à la philosophie du vivre ensemble en paix, ce jour-là, de Tanger à Alep passant par Alger, germeront des centaines d'«Andalousies».
Le musulman qui, encore, se lamente sur «Le paradis perdu» (Al Firdaws Al Mafkoud), ne sait pas qu'il a les pieds sur une autre Andalousie, qu'il est en train de détruire à Bagdad, Sanaa, Khartoum, Damas... 

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