Les abeilles et la sécurité alimentaire
Au moment où la famine sévit dans le monde, au moment où des programmes de transformation de produits alimentaires en carburant sont encouragés par de puissants lobbys, voilà qu´une autre cause surgit, en silence, pour accentuer la faim dans le monde.
Il y a des catastrophes spectaculaires comme celles que vivent actuellement les Japonais. Naturelles comme les séismes et le tsunami. D´origine humaine comme les centrales nucléaires qui explosent. Cette semaine, nous allons aborder une catastrophe qui se profile sans bruit. Un peu comme le cancer qui se développe en silence aux premiers stades et «explose» lorsqu´il métastase. Quand il est trop tard et quand il n´y a plus grand-chose à faire. De quoi s´agit-il? Des abeilles! Ou plutôt de leur forte mortalité constatée. Si rien n´est fait, nous courons à une catastrophe humanitaire certaine. Ne soyez pas impatients pour en savoir plus sur l´incidence d´une mortalité des abeilles sur celle des humains. Le phénomène, qui affecte les abeilles, est tellement sérieux que l´ONU s´en est emparée. Le 10 mars dernier, le PNUE (Programme des Nations unies pour l´environnement) a publié un rapport alarmant sur le sujet. Quelques médias internationaux ont rapporté l´info sans lui accorder, cependant, la place et l´intérêt qu´elle mérite. Dans ce rapport, les scientifiques du PNUE tirent la sonnette d´alarme. «Sans de profonds changements dans la façon dont l´être humain gère la planète, la disparition des pollinisateurs, indispensables pour assurer la sécurité alimentaire d´une population mondiale grandissante...Quelque 20.000 espèces de plantes à fleurs, dont de nombreuses espèces d´abeilles dépendent pour se nourrir, pourraient disparaître au cours des décennies à venir», précisent-ils. Le directeur exécutif du PNUE, Achim Steiner, a ajouté lors de la conférence de presse qui a suivi la publication du rapport que «sur les 100 espèces végétales qui fournissent 90% de la nourriture dans le monde, plus de 70 sont pollinisées par les abeilles». L´un des auteurs du rapport, Peter Neumann, ajoute que «le nombre de colonies d´abeilles a chuté de 10 à 30% ces dernières années en Europe, de 30% aux Etats-Unis, de plus de 85% au Moyen-Orient». Bizarrement, ce «syndrome n´affecte pas, selon lui, l´Amérique latine, l´Afrique et l´Australie». Ce qui ne veut pas dire que ces régions ne seront pas touchées un jour. A quoi est due cette mortalité en masse des abeilles? Avant d´y répondre, essayons de rappeler le rôle des abeilles sur les cultures. Chacun sait qu´en butinant, l´abeille va de fleur en fleur pour se nourrir. Chacun sait aussi qu´en même temps et au-delà du miel qu´elle produit dans les ruches, l´abeille transporte le pollen de fleur en fleur permettant ainsi la reproduction des plantes. Et c´est là que la catastrophe est à craindre. Une catastrophe qui touchera la nourriture dans le monde. Revenons aux causes de cette mortalité. Les experts en citent plusieurs. La pollution atmosphérique, les champs électromagnétiques provenant des lignes électriques entre autres, des pesticides mais aussi et surtout un parasite «tueur» d´abeille, le «Varroa destructor». C´est un acarien, dont la découverte remonte aux années 50. C´est quoi un acarien? Sans aller à des précisions compliquées pour le commun des mortels, disons simplement que c´est un autre acarien qui est responsable de la gale chez l´homme. Au moment où la famine sévit dans le monde, au moment où des programmes de transformation de produits alimentaires en carburant sont encouragés par de puissants lobbys, voilà qu´une autre cause surgit pour accentuer la faim dans le monde. Il est tout de même très suspect qu´un tel rapport de l´ONU n´ait pas suscité de réactions des grands médias internationaux. Ces mêmes médias qui font semblant de protéger l´espèce humaine dès qu´il s´agit de tabac ou de vanter les «bienfaits» des agrocarbu-rants.
Notre ministère de l´Agriculture qui développe une stratégie de sécurité alimentaire, se doit de prendre en charge ce phénomène, quand bien même, nous dit-on, l´Afrique est encore épargnée alors que la mondialisation a supprimé les frontières. En termes de formation, de contrôle, de prévention, de veille, etc. Retournons suivre la tragédie japonaise mais gardons un oeil, et le bon, sur le «varroa destructor». Un parasite qui porte bien son nom!
([email protected])