L'Expression

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POUR UNE ALTERNANCE SEREINE

La Deuxième République maintenant

Les Algériennes et les Algériens vivent des moments exceptionnels en montrant leur unité et leur détermination pour une Algérie qui sourit à la vie. Nous avons vécu depuis le 22 février une nouvelle chute du mur de la peur. C'est un mur à côté duquel le mur de Berlin fait pâle figure. Beaucoup parmi nos voisins du Nord, de l'Est, de l'Ouest, pensaient que l'Algérie était ingouvernable, qu'elle n'avait pas émergé aux temps historiques et qu'elle avait besoin de parrains et de conseillers. Par cette Révolution de tout un peuple, de 7 à 77 ans et plus, l'Algérie a montré qu'il fallait compter avec elle et que surtout, il ne fallait pas l'enterrer vivante, elle, qui respire la vie, la jeunesse que tant de peuples nous envient mais qui ne semble pas être la préoccupation des princes qui nous gouvernent.
L'apport des réseaux sociaux, c'est l'équivalent de plusieurs divisions tant il est vrai que le peuple est informé en direct. On ne peut plus lui cacher la vérité, même les médias officiels se sont démonétisés eux-mêmes en «vendant» un discours qui n'a pas plus de prise. Un autre constat est que les partis politiques officiels ont disparu. Ils ont été mis à nu, à savoir qu'ils ne représentent que les tenants du pouvoir, du statu quo et de ceux qui émargent indûment au ratelier de la République. Il est vrai que le pouvoir a tout fait par des manoeuvres différentes pour étouffer les trois ou quatre partis d'opposition qui ont une certaine représentativité.

L'Algérie de nos rêves
Le 8 mars, ce sont deux anniversaires que nous aurions eu à fêter si toutes les choses étaient normales. D'abord le ressourcement d'un évènement douloureux que nous fêtons dans le recueillement, la mise à mort dans des conditions abjectes le 3 mars 1957 de notre icône nationale Larbi Ben Mhidi qui eut, dit-on, ces mots terribles et qui sont d'une brûlante actualité: «Lorsque nous serons libres, il se passera des choses terribles. On oubliera toutes les souffrances de notre peuple pour se disputer des places; ce sera la lutte pour le pouvoir. Nous sommes en pleine guerre et certains y pensent déjà, des clans se forment. Oui, j'aimerais mourir au combat avant la fin.» Le deuxième évènement fut la fête de laFemme qui a eu une tonalité particulière cette année, puisque ce sont des millions d'Algériens qui ont manifesté dans la bonne humeur pour une Algérie de nos rêves où la femme prend toute sa place et comme le dit si bien Aragon, «la femme est l'avenir de l'homme». Ces Vendredis du bonheur c'est une situation analogue à la situation de juin 1962 si le fleuve de la révolution n'avait pas été détourné pour mettre le peuple dans une situation où comme par le passé colonial, les libertés étaient restreintes, le manque de dialogue et surtout le refus de l'alternance.
Cette élection aurait pu être l'occasion de la deuxième indépendance au vu de l'engagement de tout un peuple. A la place, l'entêtement du pouvoir, à perdurer en dépit de la volonté populaire On sait que les dérives, l'usure du pouvoir et la tentation de l'éternité peuvent caractériser la gestion pendant vingt ans. S'il ne faut pas tout rejeter en bloc, notamment le retour à la paix chèrement payé, mais pas à en faire un fonds de commerce brandi à chaque fois que le peuple émet des velléités de changement. Nous sommes au XXIe siècle, un siècle où tout change à vive allure. Des pays plusieurs fois millénaires disparaissent, d'autres apparaissent. Dans un siècle où tous les grands récits de légitimités «laïcs» en isme (colonialisme, communismes, socialisme, fascisme disparaissent comme l'avait pointé du doigt le philosophe Jean-François Leotard qui ajoute que même les récits religieux (christianisme, judaîsme, islam) sont soumis à des remises en cause existentielles, du fait d'une science conquérante qui pousse ces spiritualités dans leurs derniers retranchements.
Dans plusieurs de mes écrits j'avais appelé à l'alternance, la violation est devenue la norme, la Constitution de 1996 promulguée sous le président Zeroual a eu tout de même le mérite de consacrer dans le texte l'alternance au pouvoir par la limitation des mandats présidentiels. Les manifestations populaires ont fait preuve de maturité et de civisme, mais aussi, d'un haut niveau de conscience. Ce qui se passe actuellement dans notre pays est exceptionnel dans ce sens que tout se passe dans le calme et la sérénité. Il faut dire qu'on a été tous agréablement surpris par la prise de conscience de toutes les catégories sociales du pays, non pas d'une manière brutale, mais «civilisée». La mise en garde contre toute ingérence étrangère dans les affaires internes du pays est une priorité de chacun pour éviter les scénarios à l'irakienne, libyenne, et syrienne, la sérénité devrait être maintenue et que les jeunes soient à la hauteur et devraient continuer à montrer une preuve de retenue.
On ne peut pas continuer à gérer le pays au XXIe siècle avec les réflexes du XXe siècle et un logiciel de l'ordre ancien. En somme, le moment est venu pour une alternance sereine. On sait que des hommes d'Etat ont passé la main au sommet de leur gloire. Ce fut le cas de Mandela, de Pepe Mujica. La deuxième République doit émerger sans retard. Dans ce processus, «la mémoire de la Révolution de Novembre et son aura devraient nous servir de référent permanent». Et «si l'Algérie veut garder son rôle sur la scène internationale, il faut qu'elle change de paradigme, de logiciel. C'est à cette seule condition qu'on pourra tendre l'oreille à ces jeunes et à tous ceux qui veillent sur la maison Algérie».

Comment cela pourrait se faire?
Les propositions actuelles du pouvoir seront difficiles à mettre en oeuvre et le peuple aura l'impression que rien n'a changé puisque la superstructure de l'ordre ancien est toujours en place. Ne serait-il pas mieux si on veut sortir par le haut de cette épreuve que la rupture franche et loyale avec l'ordre ancien soit actée par une décision forte? Celle de ne pas remettre aux calendes grecques l'élection présidentielle?Il y a un juste milieu; la vacance du pouvoir une fois acceptée, le président du Sénat aura à organiser dans un délai raisonnable - même si les délais constitutionnels sont dépassés - la mise en place des conditions propres, transparentes et honnêtes. Peut-être que quatre à cinq mois pourraient convenir. C'est au prochain président de la République à s'engager sur une consultation citoyenne visant à refonder une nouvelle Constitution où enfin l'alternance après au maximum deux mandats de 5 ans, les libertés individuelles, la démocratie seraient consacrées avec naturellement la nécessaire dichotomie entre la sphére privée et la sphère publique où l'Algérien devra demontrer pas ses actes sa citoyenneté et sa contribution au vivre ensemble: «Dans tous les cas de figure, il faudra une consultation citoyenne et tous les citoyens algériens, ici et ailleurs, notamment la diaspora ont leur mot à dire, à contribuer à l'émergence de la nouvelle Algérie».
Avant d'aller plus loin, nous devons rendre au FLN son lustre historique; patrimoine de tous les Algériens, il devrait transcender les parties politiques. Le FLN des pères fondateurs a fini sa mission historique comme l'a si bien martelé Mohamed Boudiaf, l'un des pères fondateurs. Il est incompréhensible que le système s'accroche à cette référence pour faire taire toute velléité de remise en cause des travers des dirigeants actuels et des clients qui émargent au râtelier de la République. Nous sommes au XXIe siècle! Le moment est venu de donner une nouvelle utopie mobilisatrice à la jeunesse, de faire place à de nouvelles légitimités basées sur le savoir.

Les chantiers du futur
Sans rupture déterminante avec les pratiques précédentes, nous retomberons dans les mêmes travers. Il nous faut sortir du système politique actuel qui repose sur une phagocytose institutionnelle de tous les pouvoirs établie, au profit du président de la République sans contrepoids réel. Le futur gouvernement devrait s'interdire les lettres de cachet, les faits du prince et devra rendre compte systématiquement au peuple pour toutes les grandes décisions engageant l'avenir du pays, la démocratie, le rejet systématique de la violence, l'avènement des libertés publiques, le droit à l'expression. Enfin, mettre fin à la corruption qu'il faut combattre résolument en édictant des textes sévères qui ne doivent pas rester lettre morte dans leur application. L'Algérie est très sensible à cette violence symbolique de la corruption, du passe droit, du népotisme.
La sagesse commande de promouvoir l'alternance immédiate, sans arrière-pensée. Nous serons reconnaissants au président de ne pas lancer le pays vers l'inconnu, de ne pas désespérer la jeunesse en détournant le fleuve de liberté qui défile chaque vendredi. Nous avons besoin plus que jamais d'un nouveau souffle. Encore une fois, de nouvelles légitimités basées sur le savoir et l'amour du pays devraient prendre en main le destin du pays car le monde actuel nous commande d'avoir un cap, un système de gouvernance pour préparer le futur. C'est dire, si les défis sont immenses. Il n'y a pas de mission supérieure à celle de former nos enfants qui sont la prunelle de nos yeux; il serait indiqué de graver dans le marbre un Conseil de l'économie de la connaissance avec de réelles prérogatives pour aller vers l'école de demain, l'université de demain, une école qui fait réussir, qui est réellement un ascenseur social avec cette dimension de partage qui n'est pas lié à la naissance et à la fortune excluant du même type les autres. Le vrai défi pour le pays, est celui de réussir la mutation de son économie en améliorant progressivement ses performances et sa compétitivité. Il s'agit de se battre pour exister dans un monde de plus en plus impitoyable. Le développement durable par une politique de grands travaux comme l'avait faite Franklin Roosevelt permettra la création de villes nouvelles dans le Sud. Autant d'utopie mobilisatrice qui permettra de mettre un frein à l'errance actuelle de la jeunesse ballottée entre la fuite (Harga), le maquis et les paradis artificiels de la drogue. Notre jeunesse bien éduquée est capable de relever le défi en opérant de fait un nouveau premier novembre du XXIe siècle.
Force est de constater que l'usure du pouvoir actuel, les promesses sans lendemain, le manque de conviction et la recherche compulsive de la paix sociale a achevé de stériliser toute créativité. Il n'y a pas de détermination à la rupture: cette vision capable d'emballer les jeunes et leur tracer un destin, nous devons inlassablement militer pour passer des moi personnels à un nous national et à ce titre la reconnaissance de cette dimension essentielle de l'Algérie est une pierre angulaire pour la consolidation du vivre ensemble. Nous avons un immense pays dont les citoyens sont avant tout et après tout des citoyens algériens avec des richesses spécifiques que nous devons préserver au même titre que notre fond rocheux, celui d'un islam tolérant, fait d'empathie qui ne fait pas dans l'invective ou dans l'anathème. Une culture assumée, revendiquée est le plus sûr moyen de lutter contre l'errance identitaire. Un peuple uni fasciné par l'avenir, sera fort si on le respecte si on l'associe à son destin.

Révolution de Novembre
Pour cela nous n'avons pas besoin d'hommes providentiels, ni de messie ni de mehdi. Nous en appelons cependant à des personnalités d'expérience, compétentes, qui parlent vrai à la jeunesse, profondément convaincues des principes de liberté et de justice pour tous en dehors de toute démagogie. Le Graal c'est arriver à redonner à l'Algérien cette fierté d'être algérien et réconcilier ce peuple avec lui-même; prôner en toute chose l'altérité.
Nous devons dans le calme et la sérénité convaincre que persister dans la situation c'est aller à l'aventure. La jeunesse n'a rien à faire d'une conférence qui permet de gagner du temps. Elle veut des dirigeants qui maîtrisent les enjeux mondiaux. Les légitimités révolutionnaires aussi respectables soient-elles n'ont plus cours. Si plus que jamais nous avons besoin de nous ressourcer par l'exemple des valeureux martyrs, le moment est venu d'aller vers une autre révolution qui libère génie qui sommeille en chacun des Algériens à même de leur permettre de donner la pleins mesure de leur talent. Nous avons besoin de réhabiliter la maison Algérie, redorer le blason terni et galvaudé de la glorieuse Révolution de Novembre qui, en son temps, fut une aventure humaine citée en exemple dans tous les continents et que les différents pouvoirs depuis 1962 ont méticuleusement détricoté.
Nous devons forger l'Algérien du XXIe siècle, fier et se revendiquant de ses riches identités, fasciné par l'avenir et militant par-dessus tout pour une école qui sert d'ascenseur social, une école qui permet de réussir, une école tournée vers le futur. Pour cela, seul le parler vrai permettra de convaincre l'Algérien, ce frondeur qui a l'Algérie à fleur de peau. capable du meilleur comme du pire si on attente à ses fondamentaux au nom d'une âme «algérienne» que nous avons en héritage depuis trois dizaines de siècles. Soyons vigilants et prônons le dialogue.
L'Algérie devrait être pour chacun de nous un plébiscite de tous les jours, il y a toujours un avenir si on a la foi chevillée au corps. Comment sortir de la malédiction de la rente? En militant inlassablement pour une Algérie du XXIe siècle qui fait sienne les conquêtes de la science du Web 3.0 de la 5 G son Graal. Une Algérie du travail bien fait, de la sueur, il faut réhabiliter l'effort, il nous faut nous remettre au travail. Seuls le savoir et la connaissance permettront à l'Algérie d'aller vers un futur apaisé.
De grâce messieurs, écoutez pour une fois le peuple, pour que nous puissions nous en sortir par le haut et éviter une situation de colère des jeunes, qui peut amener à des positions radicales qu'il sera très difficile de calmer. Le peuple algérien est déterminé à être acteur de son destin. Il y arrivera dans le calme, la sérénité, le refus de la violence, il montrera ainsi comme il l'a fait qu'il est le digne héritier de ces battantes et ces battants qui ont jalonné une épopée de trois mille ans d'histoire

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