L'Expression

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COMMUNES SANS MAIRE

Les tracas au quotidien

L’absence du président d’APC apparaît comme un casse-tête inextricable surtout pour le petit peuple.

Depuis un peu plus de 18 mois, la Kabylie, qui a connu une pénible atmosphère, commence à peine à se relever. Plus de quatre cents blessés, pour ne citer que ceux ayant eu besoin d´un passage dans une structure sanitaire, des dizaines de handicapés, souvent à vie, et surtout, plus d´une centaine de morts. Tel est le triste bilan de la colère populaire qui a embrasé la région.
Tout a commencé quand des gendarmes ont commis l´irréparable dans une brigade à Béni Douala en assassinant, et le mot n´est pas trop fort, un jeune lycéen. Comme un mauvais schéma arrêté d´avance, d´autres pandores s´en prirent à des collégiens à Oued Amizour. Ces étincelles mirent le feu aux poudres et l´immense brasier qui a failli emporter une certaine idée de la République s´est réactivé.
Dans les villages et les villes de Kabylie, deux camps s´affrontent : d´un côté, les jeunes gens animés d´une sourde colère et de l´autre les brigades des groupes d´intervention rapide de la gendarmerie. Des deux côtés, des dépassements impardonnables, dans les rangs de ceux en charge de faire respecter la loi, sont signalés. On a même des témoignages que des gendarmes, mus par un esprit de revanche, auraient utilisé et prémédité, des balles réelles. L´Etat se défendit en assurant que ces derniers, les gendarmes, n´ont fait que se défendre tant leur vie était menacée. Ces affirmations ont ajouté à la colère ! La population, pensant sérieusement être livrée pieds et poings liés à la vindicte de gens armés, se regroupe au sein de ce qui est devenu les ârchs. Un mouvement mis sur pied à la hâte, pour, en fait, essayer de canaliser la colère des jeunes et arrêter le massacre.

Des débuts des ârchs aux errements

Dès le début, le mouvement des citoyens, médiatiquement connu comme les ârchs, balise les interventions et limite le champ d´action des coordinations. Il réfléchit à une plate-forme de revendications, ce qui donna naissance à la plate-forme d´El-Kseur. Du nom de la localité où s´étaient réunis les ârchs qui couchèrent sur le papier les revendications de la population. A signaler que la plate-forme est un acquis véritable pour la marche du peuple vers la démocratie, un texte que ne saurait refuser de signer un vrai démocrate. La forme républicaine de l´Etat, le choix démocratique et surtout le point 11, un rappel du vrai problème national: la primauté du politique sur le militaire, telles sont en gros les différentes demandes de la plate-forme. Pour mener le combat de façon pacifique, les ârchs, nés de la volonté populaire, se forment en coordination avec comme véritable responsable: la population et personne d´autre. La sagesse qui a animé les délégués est telle qu´ils se sont par la suite dotés d´un code d´honneur et de principes directeurs. Personne ne pouvait, selon le mouvement citoyen, se prévaloir d´un quelconque leadership et les animateurs ou délégués, dont le mandat est renouvelable par la population, se sont interdits de lorgner vers une fonction élective! Mais c´était compter sans la motivation qui guide les hommes. La cupidité des uns et le travail de certains politiques qui rêvaient de coiffer le mouvement, ont pratiquement fait éclater le mouvement. Dès le conclave de Mekla, des délégués représentatifs se sont retrouvés en dehors des structures sur «recommandation» expresse d´un parti politique en mal de base et qui s´est donné pour but la récupération par tous les moyens du mouvement. Désormais, la presse, ou du moins certains titres de la presse nationale, sont mis au service de ce courant politique. Ils forent tant et si bien que les événements qui auraient pu prendre une autre tournure et de manière pacifique, se retrouvent alimentés de plus belle et c´est reparti avec un autre lot de drames!
Le mouvement désormais entre les mains de quelques délégués, médiatisés à outrance, versa dans une violence dirigée surtout contre la population et spécialement contre ceux qui pensaient différemment. Les menaces pleuvent et visent précisément les journalistes qui essaient de faire un travail de pro. La vérité avait un nom et une origine qu´il n´était pas recommandé d´ignorer! Des pseudodélégués virent le jour, désormais ils sont cooptés et non plus élus par les citoyens. A ceux-là, il faut ajouter l´irruption dans le champ d´action du mouvement de gens qui n´ont rien à y voir, ce sont les troupes les plus dures des émeutes! Les bruit les plus fous courent, il est même question de commerçants rackettés et d´autres joyeusetés du même genre. Le mouvement avait perdu son âme!
Les élections législatives étant boycottées avec succès, grâce notamment à l´implication de toutes les forces politiques, l´autre rendez-vous électoral se présentait autrement, il intéressait la gestion de la quotidienneté de la cité et donc d´une importance certaine pour les collectivités de Kabylie. Des partis politiques entrèrent dans la compétition, c´est le cas du FFS, par exemple. Le mouvement se prononce contre la participation, poussé surtout par des forces politiques qui voyaient les choses «leur filer entre les doigts». Des face-à-face d´un nouveau style virent le jour! Le FFS, un parti que l´on ne peut décemment soupçonner de faire dans l´opposition de week-end, est la cible de certains qui se cachent derrière le mouvement. Les militants de ce parti quittent les structures et finissent par mettre à nu ainsi les véritables enjeux de ceux qui prétendaient servir le mouvement. Finalement, et dans une petite agitation menée surtout par quelques délégués autoproclamés, les élections se sont tenues ! Mais il se trouve que près de trente communes sur les soixante-sept que compte la wilaya de Tizi Ouzou, par exemple, les élections n´ont pu se faire, des mairies restent sans maire! Dans un essai de «réponse à ce problème» et sur les conseils éclairés des autonomistes, on est allé jusqu´à imaginer une autre forme d´organisation des collectivités, et ce, au mépris de tous les textes de la République ! Ainsi on a pensé dans certains cercles à élire des représentants dans chaque village ou quartier, ces représentants se réunissent pour élire des représentants au niveau de la commune, lesquels élisent parmi eux le maire! Dixit, le suffrage universel! Mieux encore, le wali serait élu de la même façon et pourquoi pas le «gouverneur de la région»?
Tout cela est bien joli, mais ce que l´on a tendance à oublier c´est qu´entre-temps, et dans ces communes sans APC, pour l´heure, des employés risquent fort de se retrouver sans salaire et des travailleurs communaux tout simplement sans travail et donc forcément mis tôt ou tard au chômage!
C´est ce que redoutent plus particulièrement ceux-là dont les enfants n´attendent que le maigre salaire du père, travailleur communal.

Quand le maire n´est pas là

Aujourd´hui, plus de cinquante communes dans les deux wilayas de Tizi Ouzou et Béjaïa, se retrouvent sans maire. Autant dire que c´est un peu le pilotage automatique! Le gouvernement a pensé à désigner, pour parer au plus pressé, des administrateurs. Mais ce n´est pas encore le cas dans toutes les communes et il n´est pas rare de trouver des mairies ayant carrément baissé rideau! Ce qui inquiète plus d´un! En sus des problèmes de la quotidienneté que nul n´est en mesure de régler mieux que l´élu de la population, il y a ces dizaines sinon plus, d´employés communaux qui peuvent se retrouver sans salaire à la veille du ramadan. En principe, seul l´élu est l´ordonnateur des dépenses et sans sa signature, le comptable public, qu´est le receveur des contributions, ne peut procéder au règlement des salaires. C´est ce qu´explique posément, sans aucune colère, l´un de ces travailleurs, laminé par les soucis de la vie, entouré d´une famille nombreuse et sans autre rente que son seul et maigre salaire. Un salaire qui doit pourtant suffire à toutes les dépenses. Ahmed regrette sans aucune espèce d´animosité, la décision ayant conduit à l´absence du premier magistrat de la commune. Oh! ce n´est pas que le maire puisse gommer les soucis qui ne l´ont jamais quitté: «Ce sont de bons amis, ils me préfèrent à toute autre personne, et moi aussi je commence à m´y habituer!», dira-t-il d´un ton las et qui se veut un peu ironique! Ahmed raconte son quotidien, il
commence par rendre grâce aux cieux d´avoir déniché ce travail, homme de peine de la commune, mal payé peut-être mais payé tout de même ! Il reprend un peu son souffle et poursuit: «Vous savez, le travail n´est pas si terrible que cela, on nettoie surtout et, de temps à autre, on fait quelques menus travaux de maçonnerie.» Ahmed continue son énumération, un peu comme quelqu´un qui s´apprête à perdre la vie: «Certes le salaire est ridicule, mais tant qu´on travaille le marchand peut nous faire crédit et puis aussi il y a l´assurance et les allocations familiales, c´est toujours une aide!» Ahmed mis en confiance est devenu intarissable. «Voulez-vous savoir comment on gère ce maigre salaire? C´est très simple, il n´y a pas de quoi se tromper dans les calculs. Tous les mois on achète 50 kg de blé, un sac de semoule, quelques kg de pois-chiche et de temps à autre on s´offre un extra avec un peu de légumes récoltés dans le petit jardinet et le tour est joué. Ah! J´ai failli oublier le plus important, le sachet de café tous les dix jours, on y est habitué, ma femme et moi, on ne peut plus s´en passer hélas! Pour les petits c´est du thé, cela coûte moins cher et il semble que c´est moins nocif pour eux, c´est ce qui s´appelle se donner bonne conscience n´est-ce pas?» Ahmed se tait un long moment avant de conclure: «Alors ces histoires de vote ou de boycott, je crois pouvoir dire que pour moi et les gens comme moi, c´est bonnet blanc et blanc bonnet. Ce que je trouve dommage c´est que le salaire de ce mois-ci et même, semble-t-il, des mois suivants seraient fortement compromis! Que faire? On dit en ces cas que Dieu y pourvoira!» L´échine ployant sous le poids des soucis, Ahmed nous quitte en maugréant: «Le maire, le maire il faudra bien qu´un jour l´on s´achète cet oiseau rare au magasin!» Dans le village des Aït Yahia Moussa, les choses sont tout autre! Slimane, qui vient à notre rencontre, commence par expliquer que l´actuel casse-tête du village c´est l´eau potable. «Cela fait plus de trois ans que nous n´avons pas vu d´eau couler des robinets. Ma petite dernière ne sait même pas à quoi cet engin´´ sert! Avec l´ancien maire, on était presque arrivé au bout de nos peines, une étude a été menée et la wilaya nous a promis de procéder aux travaux, maintenant que nous n´avons plus de président d´APC, qui donc allons-nous solliciter, les ârchs? Même ceux-là n´existent plus chez nous!» Le désarroi semble réel et les paysans sont en attente d´une solution, une solution à un problème qu´ils ne pensent pas avoir provoqué! Les gens de la djemâa veulent bien tenter une action, mais laquelle et chez qui? L´école du village est également logée à la même enseigne, les enfants sont chaque jour obligés de transporter dans leurs cartables entre les livres et les cahiers, la bouteille d´eau!
Les problèmes sont nombreux et les recenser est pratiquement impossible. Quand le maire siège, on se repose un peu sur lui, les gens poussent même la plaisanterie jusqu´à organiser de temps en temps, un peu comme pour ne pas se rouiller, une petite «manifestation d´humeur». Mais là, en son absence contre qui pester quand la route est mal entretenue ou quand l´eau ne coule pas du robinet ou alors tout simplement quand la commune n´a pas repeint les édifices communaux? Plus triste encore cette crainte des communaux qui attendent leur maigre salaire en ce début de ramadan! Comme le dit si bien Ahmed, les pauvres ne font qu´une seule politique, celle de nourrir leurs enfants!

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