LAKSACI RÉPOND À TEMMAR
Les réserves de change ne servent pas à l’investissement
Le gouverneur de la Banque d’Algérie soutient que la gestion des réserves de change est transparente.
Le ministre de l´Industrie et de la Promotion des investissements, M.Abdelhamid Temmar, a toutes les raisons de regretter de s´être prononcé sur l´utilisation des réserves de change de l´Algérie. Il vient d´être sérieusement malmené par le gouverneur de la Banque d´Algérie, M.Mohamed Laksaci. Le ministre avait suggéré le rapatriement des réserves de change pour les investir dans des projets relevant du secteur de l´industrie. Compte tenu du fait que le placement de cet argent à l´étranger ne serait pas souvent rentable, notamment en cette période de crise, il serait judicieux, argue-t-il, d´en faire profiter certains créneaux industriels porteurs. C´est ce qu´avait souligné le ministre lors d´un point de presse en marge du 4e Salon sur l´automation industrielle à Alger, depuis quelques jours. Le gouverneur, qui s´exprimait, à son tour, jeudi dernier lors d´une réunion avec les responsables des banques nationales et étrangères en activité en Algérie, considère sûrement que cette déclaration constitue une violation de l´indépendance de son institution. Malgré une réforme qui octroie plus de pouvoirs à l´Exécutif dans l´activité de la Banque d´Algérie, il n´en demeure pas moins que le gouverneur est jaloux de garder certaines prérogatives comme l´emploi des réserves de change. Ce n´est pas la première fois que Temmar reçoit une leçon d´économie monétaire. Le ministre des Finances, Karim Djoudi, n´avait pas, non plus, apprécié la déclaration de Temmar.
Ce dernier a considéré que l´Algérie dispose de tous les moyens, surtout financiers pour réaliser des investissements et souhaite également qu´ils se concrétisent dans des secteurs porteurs qui intéressent d´abord l´Etat.
M.Laksaci balaie les arguments du ministre d´un revers de la main. Selon lui, les réserves de change servent de garantie de toute la masse monétaire en dinars dans l´économie nationale. M. Laksaci a indiqué que le montant des réserves de change du pays a atteint 148,9 milliards de dollars à fin décembre 2009, représentant 36 mois d´importations de biens et services. Elles sont composées à hauteur de 46% en dollars et à 42% en euros, le reste étant constitué d´autres monnaies étrangères.
Les devises rapatriées par les agents économiques au titre des exportations de biens et services sont cédées à la Banque d´Algérie à hauteur de 100% pour les exportations des hydrocarbures, et à 50% pour les exportations hors hydrocarbures ainsi que pour celles de services, contre la monnaie de la Banque centrale, selon le gouverneur. Pour ce dernier, l´accumulation des réserves officielles de change par la Banque d´Algérie entre 2004 et 2008 a constitué un important élément de sauvegarde contre les chocs externes comme la baisse des recettes d´exportation. Le gouverneur s´adonne même à des explications techniques visiblement destinées à convaincre ses détracteurs. Les réserves officielles de change détenues par la Banque d´Algérie, qui sont les créances sur les pays émetteurs des devises, constituent la garantie de toute la masse monétaire (en dinars) dans l´économie nationale, c´est-à-dire en possession des agents économiques (Etat, entreprises et ménages), a-t-il indiqué.
Plus loin, il ajoute que la contrepartie de ces réserves de change se retrouve dans l´économie nationale au niveau des dépôts de Sonatrach auprès de la Banque extérieure d´Algérie (contrepartie de cessions des recettes d´exportation d´hydrocarbures non utilisées), des dépôts de l´Etat dans ses comptes tenus sur les livres de la Banque d´Algérie (part de la fiscalité pétrolière non dépensée) et des dépôts des autres agents économiques non financiers auprès des banques.
Le Fonds de régulation des recettes engrange l´équivalent de 59 milliards de dollars en 2009 alors qu´en dépôts de Sonatrach auprès de la BEA, il y a l´équivalent de 10,6 milliards de dollars et les dépôts des agents économiques non financiers auprès des banques sont d´un équivalent de 73,6 milliards de dollars. Enfin, 4 milliards de dollars sont des dépôts en devises.
L´Algérie a fait un bon usage de ses réserves de change en consacrant une partie au remboursement par anticipation de la dette extérieure entre 2004 et 2006, commente le gouverneur.