L'Expression

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PROCÈS EL KHALIFA BANK

L'argent de la... bourse

La bougie qui devait illuminer les débats est en train de s'éteindre...

Il était 9h02 au moment où les honneurs étaient rendus par les gendarmes au tribunal criminel de Blida, qui allait se farcir plus d'une dizaine de témoins.
Bensebine est le premier témoin de ce jeudi à répondre ce qu'il faut à Ménaouar Antar, le juge qui conduit ces assises comme il a appris à le faire.
Ex-directeur général de l'Office de promotion et de gestion immobilière de Béchar (Opgi) qu'il coiffe depuis 1996 à décembre 2000. D'emblée, il reconnaît avoir déposé 39 milliards à El Khalifa Bank, quittant BDL, BEA, BNA qui avaient des taux insignifiants. A cette époque, l'Opgi de Béchar coiffait tout le sud-ouest du pays, un territoire plus grand que la Hollande, la Belgique et le Luxembourg réunis. «Chéraga et son agence étaient plus proches de Béchar par la grâce de l'avion. C'était plus pratique que Saïda, à une journée de route de Béchar!», dit-il comme pour répondre à l'avance aux trois juges. Laïd Boukhobza, Ménaouar Antar et Zahia Messeguem.

Le deuxième témoin
Avant de passer aux autres témoins, il est bon de rappeler le topo du tribunal qui consiste en l'appel du témoin à la barre, lui faire prêter serment s'il y a lieu et lui poser des questions diverses en vue de situer la responsabilité des uns et des autres dans cette gigantesque escroquerie, selon l'arrêt de renvoi. Ici, il y a une histoire de location de locaux. Et dans cette gymnastique, le juge est inégalable, surtout qu'il avait en face et à sa droite Zerguerras, le procureur général «armé jusqu'aux dents» de questions pièges, et c'est à la loi de jouer, en sa qualité d'avocat de la société, d'utiliser toutes les «munitions» en vue de ne pas flopper dans sa mission.
Le deuxième témoin saura s'en tirer, même après avoir entendu la fameuse question du procureur général: «Qui vous a contacté pour rejoindre El Khalifa Bank?» Ce parquetier ne sera pas réjoui car ce n'est pas ce qu'il voulait entendre... Tout comme pour l'octroi de faveurs, telle la délivrance de cartes de gratuité toutes options, les témoins ont été plutôt avares en déclarations claires.
Rakhroukh El Hadj Adjoud explique, alors que dans son coin, au sens propre du mot, Rafik Abdelmoumène El Khalifa se tient le front derrière Méziane Ighil-Ali qui semble affecté malgré son air jovial que met en valeur sa grosse moustache blanche.
L'ex-directeur général de la Snlb va, lui aussi, avec la souplesse du «liège» et la fermeté du «bois», répondre sans paniquer à Antar qui prendra acte des taux (4%) des banques publiques et du dépôt de 100 millions de dinars en juin 2002.
«Nous avions retiré 1 milliard 618 millions de dinars après trois mois de dépôt en guise d'agios. Nous n'étions pas déficitaires. Au contraire, avec les convictions, ça marche très bien», a lancé le directeur général de la Société nationale du liège et du bois. Satisfaisant témoignage en faveur d'El Khalifa, même s'il était à chaque fois affecté par le mot de «ragots» lancé pour évoquer la faillite de la banque. Malgré la satisfaction du directeur général de ne pas avoir perdu avec El Khalifa Bank, Zerguerras continue à chercher des poux dans la tête.
Zahia Messeguem et Laïd Boukhobza, les deux conseillers de Antar, n'ont rien à dire, alors que Naïma Lamraoui et Oulahcène Belaïd prennent des notes depuis le banc des «remplaçants de qualité».
Maître Nasseredine Lezzar et Antar échangent des amabilités du genre: «Maître, je vous rassure. Dormez en paix», lancée par le juge, histoire d'expliquer que ce procès suit son cours normalement et qu'aucun mage ne viendra menacer la sérénité du ciel azur de la «criminelle».
Azzedine Kacemi sera, lui aussi, en qualité d'ex-P-DG à Hassi Messaoud (de 1993 à 2002) à la tête de l'Entreprise des puits pétroliers.
«Nous avions besoin de fonds en vue d'effacer nos dettes. Nous avions déposé 500 millions de dinars à El Khalifa Bank. J'ai été mandaté pour mener l'opération dépôt pour six mois avec un taux qu'il a oublié (Antar lui souffle: 10%). Le vieillard ne se rappelle plus grand-chose... sauf qu'il a fini par la bonne nouvelle: «Nous avons retiré nos fonds à temps.»
Aïssa Kiteb, un autre vieillard, s'avance péniblement de la barre. A 60 ans, il paraît en avoir 80.
Ex-directeur général de la Gema, récite l'aventure: «Avec la chute du taux à 6%, car il était supérieur et de loin à la BEA, nous avions opté pour 12% à El Khalifa Bank dans le cadre de la diversification des dépôts de fonds...», mâchonne le témoin qui donne le montant: 224 millions de dinars.
Djebar Yaïci, ex-directeur régional à Béjaïa de l'élevage du poulet, de 1982 à 2003. il va vite se lamenter que cette opération lui a valu sa carrière: «Le comble c'est que si au moment de la mode de la ruée sur El Khalifa Bank, j'avais refusé, je risquais d'être remercié. Donc, dans les deux cas, mon destin l'aura voulu!»
Dahmane Messaoud de l'Opgi du Sud-Ouest - 2001 à 2004. Lakhdari Mesbah et El Hadj Madani de l'Edimco et Idrissi ont passé l'oral avec brio face à un Zerguerras bloqué avec sa question tueuse. Hadj Madani Sid Ahmed, bénéficiant d'un non-lieu et donc, ne peut prêter serment. En 2001, il était caissier-manipulateur à El Khalifa Bank et donc, se doit d'être un bon témoin. «Ma fonction consistait à recevoir de la caisse principale un sac de fric que nous réceptionnions contre la remise d'un accusé de réception. Le sac était scellé car expédié par Idir. 200 millions de centimes lorsque j'ai ouvert le cas. J'ai appelé mon responsable qui avait une procédure à suivre. Normalement, on doit compter avant de signer un accusé de réception, mais j'étais dépassé. J'étais là pour recevoir des sacs scellés et d'ailleurs, c'était la première fois que je vivais de tels instants, car après cette unique opération, il y a eu ce qu'il y a eu...», dit-il sans état d'âme, en se rappelant des deux vieillards qui ont ramené le sac scellé. Il sera lessivé par Zerguerras, en vain. Sid Ahmed a réagi en témoin. Il s'est même marré aux dépens du procureur général. A mi-chemin des débats, Antar, le juge, ne montre aucun signe de fatigue. Il a l'air du premier jour. C'est un cérébral, bien physiquement. Youssef Belbaki d'El Abadia (Aïn Defla), approche à la barre, une profonde calvitie grossissant une tête probablement bien pleine, car c'est un ex-P-DG d'une entreprise de construction de Chlef dont les fonds déposés à El Khalifa Bank s'élevaient à 15 millions de dinars (1 an), une idée menue, née par le «poids» du taux en vigueur (7,5%) à côté des 3,5% des banques publiques et ce, en 2002, le 23 septembre. Maître Ghatas et Maître Benouaret rigolent au moment où le témoin répond par une boutade selon quoi, un bon stylo ne peut être un cadeau empoisonné. «On m'a viré à cause de ce problème de dépôt, dit-il arguant un ordre verbal suivi d'un écrit sommant l'entreprise de quitter la BDL pour El Khalifa Bank. J'ai pris mes responsabilités sans consulter personne», a-t-il précisé, répondant à une autre question «serrée» du procureur général. Et comme s'il avait voulu faire plaisir à l'enfant de Bachdjarah, il conclut: «Je me suis trompé!», sous-entendant l'offre d'une carte gratuite comme de la corruption. Le mea culpa ne fait pas plaisir à Maître Lezzar, et pour cause...
Après quoi, le juge lève les débats pour une heure trente d'un repos bien mérité pour tous.
Boumediene Maâmar de l'Algérienne des eaux donne la reprise vers 13h35.
En octobre 2002 jusqu'à 2005, il a été directeur général de l'Algérienne des eaux... Depuis 2005, de l'eau a coulé. Il s'en souvient grâce aux premières questions de Antar revenu revigoré après un copieux repas collectif, celui réservé aux membres du tribunal criminel. Dehors, le service d'ordre est au point. Abdenour Gaci et Zaïm, les deux adjoints de Laâdjine, le procureur général, veillent dans une totale discrétion à louer au 20e jour du procès. Dans son coin, Rafik Abdelmoumène El Khalifa a mauvaise mine. Comme quoi, l'emprisonnement joue de mauvais tours. Malgré sa mine moche, il est très bien tenu à l'oeil par le service d'ordre... Le reste des détenus semble abattu par la routine des débats et le cycle infernal des questions, des réponses, des exclamations, des légers fous rires, des grimaces, des protestations (de Maître Lezzar, surtout). L'ex-directeur général de l'Algérienne des aux n'arrive pas à expliquer à la justice comment il n'a pas pu déceler les premiers prémices d'une faillite inattendue. Youssef Deboub va encore passer l'écueil de l'interro. Ex-secrétaire général de la Bourse d'Alger, il raconte d'emblée comment il a eu l'idée de déposer les fonds. «On a vu une ruée de plusieurs entreprises publiques de poids. Personne ne nous a engagés sur ce chemin pour être victimes d'escroquerie. La structure est complexe.
La Bourse était conduite par trois responsables avant que je ne sois nommé secrétaire général. 167 millions déposés à l'agence d'El Harrach et 32 millions à Bouzaréah. Heureusement, nous avions réussi en 2002 à retirer nos fonds vu qu'El Khalifa Bank connaissait des problèmes. A mon arrivée, les fonds étaient déjà en banque. C'est de la responsabilité d'un collègue de l'institution où il y avait même un représentant du ministère de la... Justice!», a narré le témoin, le 12e de la journée. Le liquidateur suit avec beaucoup d'intérêt, alors que Maître Ali Méziane est reparti. Il était 14h25. A partir de ce minutage, les interventions du procureur général sont devenues lassantes à suivre, car pour la douzième fois ce jeudi, Zerguerras a posé la fameuse question: «Qui vous a poussé au dépôt de fonds dans El Khalifa Bank?» Il n'aura aucun nom. Maître Lezzar jubile car ces «non, personne» jouent en faveur de Rafik, toujours affalé dans le coin du box, juste derrière Méziane Ighil-Ali, probablement plongé dans l'avenir du... NAHD ou encore par sentiment professionnel de l'ASO qui va jouer à huis clos son avenir en Ligue 1 Mobilis face à une USMA tétanisée par l'intolérable pression des fans.
Entre-temps, Youssef Deboub était entré dans les dédales techniques du fonctionnement de la Bourse. Maître Nabil Benouaret entre en compagnie de Maître Méziane, l'avocat de la partie civile, revenu après s'être abreuvé d'un soda glacé.
Seul, le pauvre greffier suit au cas où une prise d'acte est ordonnée par Antar dans une superbe forme, car il adore les débats où justice doit être rendue...
C'est le tour de Sadmi, toujours de la Bourse, et comme Deboub, il va étaler ses connaissances et sa maîtrise du fonctionnement de la Bourse.
14h45. Zouaoui Laâdjine descend sur le bureau d'accueil et d'orientation pour un briefing (debout, SVP) avec ses adjoints en vue d une revue du procès en une semaine, car vendredi est là.
Maître Akila Teldja Drif, l'avocate d'Alger, est de passage au guichet unique. Elle effectue un saut dans la salle d'audience, balaie du regard la maigre assistance, s'assoit un bon quart d'heure avant de rejoindre le parking du coin...
Entre-temps, Sadmi répond en français à toutes les questions et ô miracle, Zerguerras n'a aucune question. Maître Lezzar et Maître Méziane aussi...

Le secteur privé prend des gnons
Saïd Sayoud, ex-directeur général de l'Opgi de Chlef, est cool. Il est très calme avant d'annoncer le dépôt de 80 milliards de centimes. C'était florissant à l'époque comme entrées. «C'était une décision à prendre au vol!», dit-il. Le témoin n'a pas peur. L'enfant de Ténès que ce Ménaouar Antar ne l'effraie pas. Ténès c'est Chlef jusqu'au prochain découpage administratif. Antar serait si heureux ce jour-là. Oh la, la! A la question du pourquoi Chlef avait déposé à Alger, le témoin jure par Allah qu'il s'était posé la question à l'époque.
Benmohamed Aboulkacem Chawki, la cinquantaine dépassée, s'avance en costard gris, un classeur en main de la société des semences de 1998 à 2005. Cette Société de transports de semences, sise à Dar El Beïda, avait retiré de la Badr 150 millions. 40 ont été déposés à El Khalifa Bank. Assise sagement aux côtés des autres assistants, Lilia Madjelat, qui avait en 2007 arraché la relaxe grâce à son honnêteté à la barre, pense sérieusement à sa petite fille qui vient de fêter ses deux printemps. Devant Antar, elle avait ébloui la composition criminelle par la clarté de ses réponses que toute l'assistance avait suivies avec un vif intérêt.
Nadir Saïdi, Zoulikha, Bechta Salim sont tous passés par la «moulinette», mais ils resteront dignes et sont allés vers la seule vérité. Boualem Laouche, accusé de non-dénonciation de crime, relaxé en 2007, pense haut: «Sarah ma fille, ton père est un héros car le crime d'El Khalifa a été mis à jour par moi, Boualem, directeur juridique d'El Khalifa. Et donc, Sarah va passer le BEM sans souci!».
A la barre, le secteur privé prend des gnons. Alors que les gendarmes, les policiers et ceux de l'ombre tels les trois procureurs généraux adjoints effectuaient un saut dans la salle des pas perdus clairsemée, voilà Maître Abdelaziz Cherfouh qui entre sur les talons à la recherche de Mohamed Raouraoua: «Je suis venu lui annoncer que l'équipe de foot des avocats, menée par Maître Kamel Allag, a fait des merveilles en Italie.
Bravo à nos Verts en robes noires qui nous permettent la vie en rose!» Entre-temps, Antar parcourait d'une voix saccadée les PV des témoins absents ce jeudi. Rendez-vous aujourd'hui...

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