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ALI DAOUDI, PROFESSEUR EN ÉCONOMIE AGRICOLE, À L'EXPRESSION

"L'agriculture manque d'une vision à long terme"

Ali Daoudi nous livre dans cet entretien son point de vue sur l'ouverture au partenariat étranger dans le domaine agricole et également son approche sur la stratégie de production en place.

L'Expression: Le partenariat commence à faire jaser. Peut-on connaître votre point de vue sur ce système associant des étrangers dans le secteur de l'agriculture?
Ali Daoudi:
L'ouverture au partenariat étranger dans le domaine agricole peut apporter à la fois du progrès technique, nécessaire aujourd'hui pour moderniser l'agriculture, mais aussi des réseaux commerciaux internationaux qui pourraient faciliter l'exportation des produits agricoles.
Ceci dit, la forme pertinente à travers laquelle l'ouverture aux partenaires étrangers devrait se faire n'est pas encore trouvée. Actuellement, les étrangers ne peuvent pas accéder directement à la terre et ne peuvent investir dans le secteur agricole qu'à travers le partenariat avec des investisseurs algériens. Ce choix souverain de l'Algérie se défend parfaitement au regard des dérives observées dans de nombreux pays qui ont ouvert leur secteur agricole aux capitaux étrangers, sans se donner les moyens effectifs de les contrôler. Ce choix n'est cependant pas efficace non plus, car nous n'avons pas encore de grands investisseurs nationaux porteurs de véritables projets agricoles autour desquels ils mobiliseraient des partenaires étrangers d'envergure.
Les quelques expériences lancées dans ce sens sont encore à leur début et ne peuvent donc pas être évaluées pour le moment, même si les premiers indices ne sont pas encourageants. L'Etat a encore un rôle à jouer dans ce sens, par un accompagnement plus fort de ces projets, notamment dans les phases étude et maturation des projets et le suivi-évaluation de leur mise en oeuvre. Les cahiers de charges que signe le ministère de l'Agriculture avec les bénéficiaires des concessions sur les terres publiques devait être l'instrument à travers lequel l'Etat accompagne et contrôle les projets d'investissements agricoles, notamment ceux réalisés en partenariat avec des étrangers. La qualité de ces cahiers des charges et la rigueur de leur mise en oeuvre sont les clés d'une action publique efficace dans ce domaine.

On parle ici et là que pour développer l'agriculture intensive, le partenariat est nécessaire au moins dans un premier temps. Pouvez-vous nous éclairer à ce propos?
Présenté en ces termes, le débat est biaisé et contre-productif. L'intensification, au sens d'augmentation de la production par unité de facteur de production utilisé (rendement par unité de surface pour les cultures, production de lait ou de viande par animal) est une nécessité imposée par la disponibilité en quantités limitées de ces facteurs de production et par l'augmentation illimitée de la demande sur les produits agricoles, sous l'effet de la croissance démographique et l'évolution des modèles de consommation. La vraie question est donc comment intensifier? Le modèle d'intensification dominant depuis, déjà, la deuxième moitié du XXe siècle, basé sur l'utilisation excessive d'intrants chimiques de synthèse (engrais, traitements contre les maladies des végétaux et animaux), d'équipements énergivores et de ressources hydriques pour l'irrigation, a montré ses limites notamment sur les plans environnemental (épuisement et dégradation des ressources naturelles) et sanitaire. Tout le défi est de réinventer l'intensification, la rendre plus durable.

Pouvez-vous nous éclairer un peu plus sur le secteur et les défis qui s'annoncent?
Les défis de l'agriculture algérienne sont nombreux et chacun implique une multitude d'autres défis intermédiaires. Je ne citerai que ceux qui me paraissent des plus cruciaux. Le premier défi implique globalement l'amélioration du fonctionnement des marchés des facteurs de production (terre, eau, crédit, intrant, innovation technique, etc.), afin de rendre l'accès à ces facteurs favorable aux exploitants agricoles les plus performants et les plus innovateurs.
Un autre concerne l'intégration avec l'industrie de l'aval et dont ses effets d'entraînement ne sont plus à démon trer, mais c'est comment y parvenir qui reste à inventer. En d'autres mots, cette intégration implique une mise en cohérence entre les politiques agricole, industrielle et commerciale. Je vous rappellerai aussi que ces défis ne sont pas nouveaux, car ils sont connus et ont toujours été énoncés, plus ou moins explicitement, dans les différentes politiques agricoles.
Ils n'ont pas tous été, cependant, pris en charge avec le même niveau de détermination. Ce qui a toujours manqué c'est une vision à long terme, partagée par tous les acteurs, de ce que devrait être le ou les modèles d'agriculture à promouvoir et la démarche pour sa construction et sa pérennisation.

On parle depuis longtemps de développer notre agriculture, mais jusqu'ici,mis à part quelques expériences, il reste encore beaucoup à faire. Peut -connaître votre avis sur la question?
Le développement agricole est l'affaire de tous les acteurs impliqués dans la production, la distribution et la consommation, voire même l'importation; l'Etat y joue un rôle central, mais ne peut pas se substituer aux autres acteurs.
Dans les pratiques actuelles, les rôles des acteurs, dont l'Etat, n'ont jamais été explicitement et collectivement définis. L'Etat considère encore que c'est à lui de définir les objectifs et mobiliser les moyens, aux autres acteurs de s'adapter, ou non. Les acteurs privés suivent leurs propres stratégies, profitent des politiques publiques et les contournent quand elles ne vont pas dans le sens de leurs intérêts.
Ces deux sphères, publique (au sens d'autorités publiques) et privée, n'évoluent pas en concertation et privent ainsi le secteur agricole et le pays en général des gains additionnels que leur collaboration pourrait engendrer. Un effort important reste à faire en matière d'ingénierie des politiques agricoles.

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