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Médias

Entre devoir et pouvoir

La rencontre de la communauté médiatique organisée les 2 et 3 décembre 2023 au CIC d’Alger en présence des plus hautes autorités du pays, coïncide avec l’accélération des évènements de Ghaza.

Cette rencontre met sur le devant de la scène une corporation assurément qualifiée pour aider à comprendre et à décrypter les évènements en substituant la Raison à l'émotion légitime qui entoure la guerre d'extermination déclenchée par Israël en Palestine occupée. Tout en détraquant les principaux rouages spirituels du monde occidental qui l'appuie et en sapant la confiance dans son discours coutumier sur les droits humains, cette guerre coloniale a, par ailleurs, dévoilé l'état d'esprit désastreux de la Ligue arabe qui a carrément baissé les bras face à l'entreprise sioniste, après avoir constaté que l'idée fondatrice qui guidait ses pas depuis le 22 mars 1945 n'a pas atteint son but. De son côté, l'ONU apparue le 24 octobre 1945 est devenue une espèce de justice de paix à compétence réduite, à qui le Conseil de sécurité ne délègue que des dossiers marginaux tout en se réservant l'exécution du verdict sur les questions majeures selon la règle du jeu des intérêts géopolitiques et des alliances politico-militaires établies par ses membres permanents. Dans ce contexte pernicieux, les opinions publiques arabes et autres sont déboussolées.
La loi de la jungle
Leur trouble évoque celui des passagers d'un navire avarié cherchant désespérément sa route au milieu des vagues déchainées d'une mer sans rivage. On est donc bel et bien dans un monde perturbé par une inextricable confusion doublée d'une terrifiante iniquité, et où chaque citoyen s'interroge anxieusement au fond de lui-même: où allons-nous? Pourquoi la loi de la jungle refait-elle si insolemment surface en ce début du XXIe siècle? Qui peut aider à dissiper le brouillard et à stimuler la réflexion? Jamais sans doute une telle réflexion ne fut si nécessaire à une échelle aussi vaste qu'en ces heures sombres pour apaiser l'angoisse. Chacun peut, d'ailleurs, y trouver sa part, si petite qu'elle puisse être. Celle des médias n'est pas la moins décisive. Leur longue histoire leur a permis en effet d'accumuler un savoir, un savoir- faire et des moyens techniques qui les mettent en capacité d'instruire utilement le public. Dans notre pays par exemple, la presse a eu un parcours laborieux qui l'a conduite depuis ses origines (années 1880) jusqu'à l'indépendance (1962) à revêtir, selon les circonstances, diverses formes (gouvernementale, indigénophile, indigène tolérée ou persécutée, nationaliste...) ayant déterminé ses buts et orienté ses choix éditoriaux. Ces derniers se sont articulés moins sur l'information, c'est-à-dire sur une simple relation des évènements ordinaires, nationaux et internationaux, que sur la sensibilisation des masses, leur éducation et leur mobilisation. À vrai dire, cette particularité qui en a fait une «presse de combat politique» (cf. Z. Ihaddadène, 1983) s'est consolidée au rythme des avancées du processus de décolonisation, avant l'indépendance et même quelques deux décennies après. C'est avec la Constitution de 1989 qu'une nouvelle orientation est prise dans le sillage du déclin des idéologies ayant servi partout sur terre de cadre de référence aux débats de société durant la période 1945-1990. Une telle orientation a consisté à repartir à zéro en faisant table rase des approches des générations écoulées et en s'engouffrant tête baissée en plein milieu de l'ouragan libéral, sans trop se préoccuper des périls encourus. Mais ce changement n'a pas eu seulement les effets déplorables que l'on sait.
Il a permis aussi au public algérien de se familiariser avec le phénomène médiatique en général dans la multiplicité et la complexité de ses missions, fonctions, usages, interactions et utilités, ainsi que dans ses dérives avérées vers la manipulation, la propagande, la déformation, la désinformation, le chantage, l'inféodation et autres transgressions aux principes fondamentaux de nature juridique, éthique ou déontologique qui lui servent de référence. Même les membres de la communauté médiatique algérienne eux-mêmes ont beaucoup appris de la pratique de leur métier et de leurs erreurs ou fautes au cours de la période mouvementée de presque un quart de siècle qui vient de s'écouler (1989-2023).
Le TNT et l'Adsl
Conscients sans doute d'être à la fois les héritiers du journalisme de combat pour la décolonisation et les acteurs de premier plan d'une scène nouvelle où se mêlent désormais le satellite, la TNT, l'Adsl,Internet, la fibre optique, la TV et la téléphonie mobile, les réseaux sociaux, ainsi que toute une série de matériels miniaturisés et une variété de modes de diffusion, lesdits membres mesurent l'importance considérable de leur pouvoir dans la société, en même temps que le poids non moins important d'un quadruple devoir:
1- un devoir de responsabilité auquel les astreint l'aspiration légitime à un libre exercice de leur métier;
2- un devoir de mise à jour des connaissances et des méthodes de travail auquels les astreint la rapidité des évolutions scientifiques et techniques du monde contemporain;
3- un devoir de subordination des idées abstraites aux faits réels auquel les astreint la vanité des bavardages, polémiques et spéculations stériles dans une société affrontée aux affres du sous-développement;
4- un devoir d'engagement dans l'action effective en faveur de l'essor du pays auquel les astreint le retard effrayant pris par ce dernier en matières économique et scientifique.
Le moral en berne
Les professionnels savent également que leur métier ne sert pas seulement à «informer, à éduquer et à distraire les masses, mais aussi à des usages beaucoup plus complexes qui interagissent profondément sur les activités politiques, sociales, (sociétales) et culturelles d'une nation. (L. Allemand et J.M. Ouillon, 2005).
Quoi qu'il en soit, le rassemblement des 2 et 3 décembre 2023 au CIC d'Alger est révélateur d'un double phénomène:
1- l'existence d'un potentiel humain considérable dont l'Algérie indépendante peut légitimement être fière;
2- le constat d'une détente perceptible entre une corporation dont le moral était en berne et des autorités publiques visiblement soucieuses d'apaiser les tensions inutiles. Si ce rapprochement novateur venait à être entretenu sur le temps long, la profession verrait probablement la levée de maintes contraintes, ce qui la motiverait et la mettrait en état de pouvoir s'impliquer davantage dans les véritables enjeux parmi lesquels celui de la consolidation de l'État figure en première ligne. À ce propos, elle pourra aider à souder les rangs de la société en atténuant l'acuité des problèmes induits par la divergence des opinions, ainsi que par les jugements disparates et contradictoires de nature politicienne, clanique, tribale et autre qui traversent la société. Elle pourra aussi relever l'un de ses plus grands défis qui est aujourd'hui de trouver un équilibre entre le pouvoir des médias et leur devoir; entre leurs missions et fonctions classiques, ressortant du modèle libéral, et celles qui correspondent aux réalités et besoins objectifs d'une société retardataire. Pourquoi est-ce un défi important? Parce que les malentendus ne tardent pas à s'installer dans les rapports de l'État avec la communauté médiatique dès que le décalage devient trop grand entre, d'une part, les aspirations des journalistes fondées sur des visions théoriques validées dans le monde développé et d'où se dégage un souci d'accélérer le pas et, d'autre part, la réalité concrète d'une société «tiers-mondiste» fonctionnant encore au ralenti. C'est, à l'évidence, ce que chacun de ces deux «partenaires» semble avoir bien compris à la faveur du rassemblement organisé au CIC où ils se sont montrés disposés à faire cause commune dans le respect mutuel et dans le cadre d'une vision collective de l'avenir et de l'intérêt national. Dans cet esprit et pour ce qui les concerne, les pouvoirs publics s'attachent à consolider les règles régissant le droit des médias en présentant au Parlement, en novembre 2023, les textes relatifs à la presse écrite et électronique, ainsi qu'à l'activité audio visuelle. Cette approche qui ne remet pas en cause les principes fondamentaux dudit droit engage implicitement la communauté médiatique à envisager, de son côté, d'exprimer sa disponibilité à participer au traitement des priorités qui sont du ressort de l'État et qui le somment d'intervenir. Celles-ci portent, entre autres, sur la bureaucratie qui empoisonne sans répit la vie des citoyens. Elles portent aussi sur les comportements et pratiques négatifs constatés au sein des appareils d'exécution qui enrayent l'application des politiques publiques, découragent les initiatives, démotivent les bonnes volontés, marginalisent les compétences professionnelles et, au final, provoquent l'émigration des jeunes universitaires par vagues entières. Les priorités portent enfin sur le rôle des médias quant à la nécessité de faire connaitre aux Algériens les réalisations concrètes de leur pays et de jeter la lumière sur la vie internationale à une époque singulière où le monde se met à chavirer dangereusement.

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