L'Expression

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Mouloud Achour, Merzak Bagtache décèdent à quelques jours d’intervalle

Deux amis rejoignent Le Seigneur

Alors, une fois plongés dans le passé, me disaient souvent les deux littérateurs, en parlant de la nouvelle génération, c'est-à-dire des jeunes, «ils pourront saisir les facteurs qui ont fondé notre identité nationale, qui ont formé nos constantes et les symboles d'appartenance à un même peuple».

En apprenant la nouvelle de ta disparition Merzak, une bien triste nouvelle que je n'ose qualifier de cruelle, comme le font malencontreusement, mais innocemment et sincèrement, certains qui rédigent des hommages ou des lettres posthumes après le décès de leurs chers disparus - car la mort est une conséquence logique du destin -, ma sensibilité et mon affection ne peuvent cacher, en ces moments douloureux, l'expression d'une profonde douleur et le sentiment du grand vide que tu laisses en nous..., chez tous les amis que tu as longtemps côtoyés, que tu as toujours et tant aimés... Vois-tu Merzak, je suis très affligé, en même temps qu'abattu de te voir partir, comme cela, en cette première semaine de l'année, après avoir accompagné à sa dernière demeure, il y a quelques jours, notre ami, ton autre frère Mouloud Achour, cet imperturbable combattant de la plume et des idées fortes, qui aura marqué son époque.
Aujourd'hui, la volonté de Dieu s'est exprimée. Aujourd'hui, tu nous quittes, comme nous a quittés Mouloud, laissant un grand vide dans nos coeurs meurtris.
Aujourd'hui, tu nous quittes pour rejoindre «Dar El Baqa», la maison de l'éternité.
Tu nous quittes dans un linceul immaculé car tu as été, tout au long de ton existence, comme disait le poète, «presqu'à l'image d'un prophète qui a transmis son message». Le message, le tien, a fait des proches, de tes élèves et de tous ceux qui t'ont approché, des hommes armés d'une solide culture et d'une personnalité qui ne saurait faillir devant les contraintes et les vicissitudes de la vie.
Je n'ai pas de poème élégiaque pour honorer ta mémoire..., ni même celle de mon frère Mouloud... Pourtant, combien de «Qaçidate» de grands poètes antéislamiques, férus de splendides poésies de ce genre, ai-je rabâchées pendant mes études, et combien de superbes vers dans la langue de Molière ai-je appris des Sept de la Pléiade dans les styles que vous aviez tant aimés et appréciés, et que je déclamais lors de certaines circonstances...
Aujourd'hui, le chagrin n'a pu me concéder cette inspiration que beaucoup d'amis connaissent en moi. Aujourd'hui, l'heure est au souvenir de ces disparus, de ces deux amis affables, honnêtes, sincères, avenants dont tous ceux qui les avaient côtoyés avaient vite remarqué cette tendance qu'ils avaient à mettre leurs amis bien à l'aise.
Militants convaincus
Et c'est nécessairement cette bonne disposition qui faisait d'eux les interlocuteurs patients, respectueux, ceux qui savaient écouter et, surtout, conclure dans le bons sens. Citoyens dignes de ce nom, ils avaient toujours participé concrètement aux exigences que leur dictait le devoir vis-à-vis de la nation et de son unité. Militants convaincus, ils n'avaient jamais dit non à leurs semblables qui les avaient sollicités pour une quelconque participation aux débats qu'ils souhaitaient, toujours chargés de compréhension et de sagesse, des qualités qu'ils espéraient voir se concrétiser en nous, pour marquer, de leur empreinte, l'éclosion d'une société solidaire et réconciliée avec elle-même et avec ses constantes.
Aujourd'hui, il nous reste seulement les souvenirs de ces deux grands de la littérature algérienne, mais des souvenirs qui s'estomperont si, après tout l'éclat et le panache que leur détermination et leur volonté nous ont imposé pour chasser le plus abject des ennemis, qui est l'ignorance, nous ne nous reprenons pas et décidons, une fois pour toutes, d'écrire notre propre combat pour la culture en respectant les critères d'honnêteté et d'objectivité.
Mouloud me disait un jour, lors de nos rencontres, en parlant de la culture. Remarquez que Merzak n'en pensait pas... Il me disait donc: «Je sens la nécessité de faire bouger les choses et de réfléchir aux moyens à mettre en oeuvre pour valoriser, sensibiliser, susciter la curiosité et l'intérêt de la nouvelle génération autour de ce patrimoine authentique», s'exprimait-il souvent dans un langage qui sortait de ses entrailles...... Pour Mouloud et Merzak, ces francs et loyaux nationalistes de la littérature que j'ai souvent approchés, «nos jeunes doivent apprendre leur Histoire, pour mieux la connaître». Ils doivent rattraper tout le retard qui a été sciemment (?) suscité, afin de célébrer à leur tour la grandeur de notre pays et ce que nous étions du temps de notre gloire, voire ce qu'étaient nos ancêtres, dans leur amour inné de la liberté et leur fierté d'appartenir à cette race pure qui n'a jamais abdiqué devant les vicissitudes de l'Histoire.
Une résistance commune
Alors, une fois plongés dans le passé, me disaient souvent les deux littérateurs, en parlant de la nouvelle génération, c'est-à-dire des jeunes, «ils pourront saisir les facteurs qui ont fondé notre identité nationale, qui ont formé nos constantes et les symboles d'appartenance à un même peuple. De là, ils comprendront également pourquoi nous avons toujours engagé une résistance commune et solidaire à toute occupation et orienté notre combat pour de nobles idéaux que tant d'événements historiques ont permis à des générations de s'affirmer politiquement, culturellement et scientifiquement dans le concert de la Méditerranée. Tout cela leur permettra de savoir ce qu'étaient les différentes générations dans cette terre de sacrifices et de dévouement, avant de tomber dans ce climat d'abandon auquel on ne trouve aucune excuse».
On parlait toujours, lors de mes rencontres avec Mouloud ou Merzak, de cette Histoire..., l'authentique, pas celle qui a été déformée par le colonialisme pour nous déprécier et nous réduire au rang de cette race qui n'a «aucune individualité positive», ou par quelques «apprentis sorciers» - bien de chez nous - dont la profondeur de l'indigence intellectuelle n'a d'égale que l'étendue de l'infini ou celle du... néant. Ces derniers sont parmi de nombreux autres qui possèdent la lanterne de Diogène, malheureusement sans le... bâton! Ceux-là sont-ils absolument sûrs de remplir les conditions essentielles pour être des hommes... (femmes), des vrais (es)? Car Nicolas de Chamfort disait dans ses OEuvres Choisies, Ed. 1869: «Un homme d'esprit est perdu s'il ne joint pas à l'esprit l'énergie de son caractère. Quand on a la lanterne de Diogène, il faut aussi avoir son bâton.»
Que faut-il faire maintenant se redisaient-ils avec cette grande lueur d'espoir, s'ils étaient encore de ce monde? Je parle au nom de Mouloud et Merzak, bien entendu, ceux qui réfléchissaient également à ce problème d'écriture de l'Histoire, parce qu'ils en avaient gros sur le coeur, comme tous les enfants honnêtes de notre pays. Eh bien combattre encore, en mettant un frein d'abord à toute velléité de déviation et d'imposture, en sensibilisant les responsables de l'enseignement et de la culture pour accélérer la mise en application de leurs bonnes volontés et, ainsi, rendre à César ce qui appartient à César.
Ainsi, les véritables Hommes de culture, de même que les historiens, imbus de savoir et de caractère - pour peu qu'on les laisse travailler -, fouilleront le legs historique et spirituel, nourricier de la mémoire sans lequel une nation n'a pas de devenir et réveilleront les consciences pour leur imposer cette conduite de travail inlassable qui se greffe sur l'action de réussir.
Rendre à César ce qui lui appartient
Là, ces gens au visage sérieux et au sourire assurément beau diront les choses telles qu'elles se sont déroulées, sans fioritures, mais surtout sans obligeance, parce qu'ils sauront la vérité qui leur fera rédiger d'incontestables pages où seront consignés tous les événements, bons ou mauvais, et où seront célébrés tous ceux qui véritablement ont lutté pour l'indépendance de notre pays.
Au large, les imposteurs et les usurpateurs de l'Histoire! Au large ceux qui, depuis 1962, sont en train de travestir ce patrimoine pour mieux se placer et placer les leurs!
Au large ceux qui sont en train de profiter sur le dos de ces valeureux combattants et militants qui, eux, bénéficient peut-être ou... assurément, de moins d'égards! En tout cas, les témoins sont toujours là et l'Histoire ne peut être corrompue ou effacée avec une gomme!
Là aussi, quand le sérieux sera de retour et que s'instaurera la volonté de changer radicalement nos formes de gestion dans tous les domaines, comme moyen d'émancipation, nous allons prospérer dans la dignité, parce que nous aurons compris qu'il faille cultiver son champ plutôt que de composer des poèmes.
Quant à moi, enfin, je serai très à l'aise en allant sur la tombe de Mouloud Achour et celle de Merzak Bagtache, et leur crier, pour le repos de leurs âmes: «Dormez en paix Mouloud et Merzak, votre pays est devenu ce que vous vouliez qu'il soit!».

De Quoi j'me Mêle

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