"Madiba" entre la vie et la mort

Depuis 17 jours, on se préparait au pire en Afrique du Sud. Mais l'annonce, hier par le président Jacob Zuma de la dégradation de l'état de santé de Nelson Mandela, 95 ans, a accentué leur angoisse. Avec sa famille à son chevet, «Madiba» était, hier au moment où nous mettions sous presse, entre la vie et la mort. Les termes de la déclaration de M.Zuma au sortir de l'hôpital où était admis Mandela étaient tellement «directs» qu'ils étaient interprétés comme une manière de préparer l'opinion à une mauvaise nouvelle et que l'annonce du décès du symbole de tout un continent, voire même de l'humanité, n'était qu'une question de temps. «Je suis allé à l'hôpital hier soir (dimanche) (...) Vu l'heure, il dormait déjà, nous l'avons vu, nous avons un peu discuté avec les médecins et avec sa femme Graça Machel. Je ne suis pas en mesure de vous donner d'autres détails, je ne suis pas médecin», a indiqué Zuma. Le héros de la lutte contre l'apartheid doit fêter ses 95 ans le 18 juillet prochain. Mais il enchaîne depuis deux ans et demi des infections pulmonaires qui lui ont imposé une hospitalisation à quatre reprises depuis décembre. Ses problèmes de santé sont probablement liés aux séquelles d'une tuberculose contractée pendant son séjour sur l'île-prison de Robben Island, au large du Cap, où il a passé dix-huit de ses vingt-sept années de détention dans les geôles du régime raciste de l'apartheid. Libéré en 1990, il a reçu en 1993 le prix Nobel de la paix - conjointement avec le dernier président du régime de l'apartheid, Frederik de Klerk - pour avoir évité une guerre civile que beaucoup disaient inévitable. Dirigeant de consensus de 1994 à 1999, Mandela a su gagner le coeur de la minorité blanche dont il avait combattu le pouvoir et la brutalité. L'un de ses plus beaux gestes de réconciliation remonte au 24 juin 1995, il y a exactement dix-huit ans: ce jour-là, l'équipe de rugby des Springboks, longtemps symbole du pouvoir blanc, remportait la coupe du Monde à Johannesburg. Nelson Mandela, vêtu du maillot de l'équipe, remettait lui-même le trophée au capitaine. Cet épisode a été immortalisé dans le film de Clint Eastwood Invictus. Aux abords de l'hôpital comme à Soweto, haut lieu de la lutte anti-apartheid, la plupart des Sud-Africains acceptent péniblement que la page Mandela puisse être tournée.
Considéré comme le père de la jeune démocratie multiraciale sud-africaine, Mandela symbolise l'obtention pour la première fois du droit de vote pour la majorité noire en 1994 et la fin des souffrances endurées durant le régime raciste de l'apartheid.