L'Expression

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MALEK HADDAD

L’aventurier de l’écriture

Eternel rêveur, il effectua une longue marche vers des lendemains qui chantent.

L´écrivain constantinois incorrigible optimiste, croyant en son prochain, presque aux limites de la naïveté, était pourtant un personnage complexe et atypique, venu à l´écriture comme par effraction, plus pour dire les choses, que par vocation. De fait, il laissa une production littéraire assez restreinte, mais de qualité. Poète dans l´âme, le chantre de Constantine était un homme tourmenté qui chercha longtemps sa voie, empruntant pour ce faire les chemins buissonniers. En effet, l´itinéraire qui mena l´auteur d´«Une clef pour ma ville» à l´écriture et à la littérature est à tout le moins baroque, qui vit le poète prendre le parcours escarpé, et peu sûr, du travail manuel dans sa longue quête de la liberté et de l´absolu.
Par choix et par conviction, plus que par bravade, l´homme pratiqua nombre de métiers, y compris celui d´ouvrier agricole, précisément en Camargue (France), dans les années 40. En fait, Malek Haddad, s´est astreint à un parcours humain, presque à l´américaine, débutant au bas de l´échelle, pour atteindre à la force du poignet une position privilégiée dans la société et dans le monde littéraire algériens. Attention, l´écrivain, issu d´une grande famille d´enseignants constantinois, a fait le choix difficile de se remettre délibérément en question en partant de zéro pour se «construire» en tant qu´homme, en tant que créateur. Fils d´un retraité de l´enseignement de l´école publique, Malek Haddad est né à Constantine le 5 Juillet 1927. Après des études primaires et secondaires assez réussies, il entre dans la fonction publique comme instituteur. Métier qu´il pratiqua pendant une courte période qui le détermina à entamer un long périple, à travers la Méditerranée, qui le mena notamment en France. Plus exactement à Aix-en-Provence, où il fréquenta la faculté de droit de l´université aixoise.

Le parcours du combattant

Cependant, il n´y fera pas un long séjour. Pris par la bougeotte, il abandonne ses études universitaires pour se convertir en ouvrier agricole. Ces pérégrinations lui donnèrent, au détour d´un chemin, de faire route avec, comme compagnon de fugue, un certain Kateb Yacine (également natif de Constantine). Cependant, cette occupation ne le retiendra pas plus longtemps, et voici, notre homme «émigrant» en Libye où il s´adonnera à de menus travaux au Fezzan libyen. A l´époque, il n´était pas évident, pour les Algériens d´accéder à un poste de travail sans passer par un véritable parcours du combattant. Aussi, parcours pour parcours, Malek Haddad a-t-il choisi d´en faire un grand, bourlinguant à travers la France et faisant nombre de métiers qui lui ont donné de regarder le monde avec une certaine indulgence et de relativiser les choses. Malek Haddad, homme à l´ancienne, n´en était pas moins en avance sur son temps, se faisait notamment remarquer par l´urbanité et le civisme d´un caractère heureux. De fait, Malek Haddad était un homme de bonne volonté et de conciliation, ses voyages lui ayant appris à ne jamais mesurer les choses. Et le moins qui puisse être dit est que le poète constantinois en a payé le prix.
En vérité, cette dure école de la vie a fait de Malek Haddad l´un des rares écrivains à exhiber les mains calleuses d´un travailleur manuel ne rappelant en rien celles, bien blanches, de l´intellectuel, dont le seul instrument de travail était le stylo. Ces exils voulus lui ont également donné de planter ses décors romanesques enrichis de son expérience humaine et sociale. Contrairement aux écrivains algériens de sa génération, qui n´avaient pas de prétention particulière envers la langue de Voltaire, Malek Haddad a émis très tôt des réserves sur une langue dans laquelle il se sentait décidément exilé. Si son ami Kateb Yacine professait volontiers que la langue française participait du «butin de guerre», Haddad a toujours intériorisé cet exil linguistique (entendre sa non-maîtrise de la langue arabe) l´assimilant à un fardeau lourd à porter. En fait, il ressentait son incapacité d´écrire en arabe comme un drame personnel Haddad a toujours eu mal au français, ne trouvant en réalité jamais de modus vivendi avec une langue dans laquelle il écrira cependant l´essentiel de son oeuvre. Il en est d´autant désolé qu´il n´a pas pu, à l´instar d´autres écrivains, se reconvertir à la langue arabe. Aussi, Malek Haddad avait-il coutume d´affirmer: «Nous écrivons le français, n´écrivons pas en français», excluant que la langue puisse aliéner alors que pour lui elle restait uniquement un instrument technique pratique de communication. En vérité, son véritable exil duquel il ne reviendra jamais, a bien été la langue française et l´école française sur laquelle il eut cette apostrophe: «L´école coloniale colonise l´âme (... ), c´est insidieux, c´est profond (...) Chez nous, c´est vrai chaque fois qu´on a fait un bachelier, on a fait un Français», affirmant: «Il y a toujours eu une école entre mon passé et moi».
De fait, Malek Haddad qui n´a plus écrit après l´indépendance a eu ces mots terribles: «Je suis moins séparé de ma patrie par la Méditerranée que par la langue française.» Au lendemain de l´indépendance, Malek Haddad retourne à Constantine où il s´adonnera au journalisme, prenant notamment en charge la page culturelle du quotidien local An Nasr, avant de «monter» à Alger où il occupera diverses charges, entre autres celle de secrétaire général de l´Union des écrivains algériens (UEA) avant de la quitter, comme l´avaient fait avant lui d´autres écrivains, notamment, Mouloud Mammeri. Malek Haddad rejoindra enfin le ministère de l´Information et de la Culture (MIC) où il a été chargé de la direction de la Culture. On lui doit notamment les seuls festivals de la musique andalouse organisés par les autorités officielles, en l´occurrence le ministère de l´Information et de la Culture. C´est encore lui qui allait être, avec Mohammed Seddik Benyahia, la cheville ouvrière du Premier festival culturel panafricain d´Alger de juillet 1969. Pendant la période où il officia au «MIC», il se dépensa sans compter pour promouvoir la culture en Algérie parrainant de nombreuses revues culturelles, dont Promesses, éditée par le ministère de la Culture. La promotion de la culture était d´autant plus une gageure que les esprits, à l´époque et c´est toujours le cas aujourd´hui, n´étaient pas prêts à assumer la culture dans la dimension de l´identité plurielle du pays.

Furieux, mais sans haine

Poète dans l´âme il dira à sa manière sa compassion pour le peuple palestinien et sa fureur contre l´agression israélienne du 5 juin 1967 en publiant dans le quotidien An Nasr, un poème intitulé: Ghaza mon âme ou la gazelle Furieux était le poète certes, mais sans haine, au contraire il marquera au passage le martyr de Varsovie. Malek Haddad était comme ça, sans haine et sans rancune s´étonnant simplement que des hommes puissent en tuer d´autres. Il laissera quelques romans et des recueils de poèmes. Son oeuvre magistrale, écrite sur le tard, est sans doute L´élève et la leçon (1961) dans laquelle l´écrivain s´adonne à une sorte d´introspection, faisant le point sur une vie se demandant s´il n´avait pas tout faux. Amer, ayant perdu ses illusions, telle est l´impression que donne le héros de ce roman quelque peu original, au point de se demander si ce n´est pas là une autobiographie en forme de dérision.
Dérision d´une vie en quête de soi, sans réel aboutissement. Il est vrai que le poète a fini par perdre ses illusions et ses dernières oeuvres sont ainsi empreintes de pessimisme. Il ne fait pas de doute, qu´une relecture de l´oeuvre de Malek Haddad est aujourd´hui d´actualité ne serait-ce que dans la perspective de redonner sa place véritable à un homme et à un écrivain qui a beaucoup contribué à l´émergence d´une culture nationale dégagée des tabous qui l´ont immobilisé, - et qui l´immobilisent toujours -, et ouverte sur l´universel.
Signalons l´heureuse initiative de la Bibliothèque nationale du Hamma qui a consacré, voici quelques jours, une journée au poète et à l´écrivain constantinois

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