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PROJECTION À L'IFA DU DOC «MON HISTOIRE N'EST PAS ENCORE ÉCRITE»

Il était une fois la cinémathèque d'Alger...

Projeté à Alger puis à Tlemcen, le documentaire de Jacqueline Gozland a fait se rencontrer l'histoire de ce haut lieu de culture avec celle de l'Algérie...

Elle est juive d'Algérie. A quitté son pays l'Algérie en 1961 à bord d'un bateau, la poupée dans les bras. Depuis, elle y est retournée dans les années 1987. Puis en 2015 à l'occasion du cinquantenaire de la cinémathèque algérienne, sise 22, rue Larbi Ben M'hidi. Une raison pour faire ainsi un film entrecroisé et intime sur cette salle jadis mythique et parler de l'histoire de ce pays, grâce à de nombreux témoignages de cinéphiles, et hommes cinéastes. Sur le ton de la confidence, nous voila embarqués dans ce voyage de la mémoire que nous propose cette femme. Sans tomber dans la rhétorique nostalgique, même si la tentation y est, nous sommes balancés entre souvenirs et une fin ouverte comme autant d'optimisme possible sur un futur meilleur pour l'Algérie. La culture comme moteur de vie, de survie, reconstruction même après l'indépendance... Elle, c'est Jacqueline Gozland.

Des témoignages et réminiscences...
Intitulé «Mon histoire n'est pas encore écrite», son documentaire sorti en 2017 revient sur le début de la naissance de La cinémathèque d'Alger en 1965.Toute la ville s'y précipite pour voir des films et rencontrer Von Sternberg, Losey, Godard, Nicholas Ray, Chabrol, Visconti, Chahine, Herzog, Sembene Ousmane, Mustapha Alassane, Med Hondo et bien d'autres...Le fil conducteur de ce film est le commissaire de cette expo qui eut lieu en face de la cinémathèque- bien pratique- au Mama qui retrace ainsi son histoire et ses grands moments de gloire. Lui est Ahmed Bedjaoui, qui se souvient à fortes doses d'anecdotes de ce célèbre documentaire sur Jimmy Hendrix projeté durant cinq séances le jour et continuait à faire salle pleine,
mieux! a suscité l'hystérie chez les fans et les filles, à tel point que les vitres de la salle de cinéma étaient chaque fois cassées, puis réparé systématiquement. Un temps et une ambiance que l'on devine surréalistes et révolus hélas. Mais qui sait que cela reviendra un jour? «L'idée était partie déjà de l'époque du GPRA. La cellule image et son était présidée par Mahieddine Moussaoui. Il y avait un service photo. Des films ont été faits. Ceux de René Vautier, de Chandarli... Tout ce qui avait servi comme arme de propagande en images on voulait le regrouper dans une sorte de INA avant la lettre.
C'était un visionnaire Mahiedine Moussaoui.»
Décliné en une succession d'interviews, ce film à la narration somme toute classique, doit ainsi sa rigueur à la force de ces témoignages avec des cinéastes clés dans l'histoire du 7ème art algérien, mais aussi à travers sa documentation, les images du film La bataille d'Alger, de Rachida, de Yamina Bachir Chouikh notamment et enfin ces photos d'archives qui rappellent l'ancien temps glorieux de la cinémathèque, qui font écho à celle de l'expo du Mama. Mais si le passé est très présent, l'arrêt sur la décennie noire est bien posé, sans que «l'après» ne vienne trop peser sur le film d'où le sentiment d'une fin inachevée. Parmi les cinéastes interrogés, notera le regretté Farouk Beloufa qui souligne qu'après l'indépendance «tout le monde se posait la question de l'avenir.

Le cinéma comme arme de renouveau
Là, il y avait une réponse concrète. C'était amener la connaissance du trésor que représente la cinématographie de tout ce qui a été fait par toutes les nations de par le monde et les projeter à la cinémathèque. Cela a nourri mon adolescence de manière prodigieuse. L'indépendance signifiait avoir accès à ça aussi.» Pour le comédien Sid Ahmed Agoumi, la cinémathèque était «un lieu de discussion, d'intelligence, d'échange, et de débat. C'était foisonnant. Il y avait cette soif et besoin du public algérien. Y compris moi qui voulait faire du cinéma en tant qu'acteur, ou le réalisateur. Tout le monde fréquentait la cinémathèque, de Rachid Mimouni, Mohamed Issiakhem, Kateb Yacine, Mohmed Khadda... On poursuivait les débats dans un petit café qui se trouvait à quelques mètres..» Parmi les raisons du succès de la cinémathèque de l'époque, et sa forte fréquentation, Ahmed Bedjaoui, se rappelle avec le sourire les trois points du «triangle des Bermudes», à savoir sa proximité de la fac d'Alger, la seule université à Alger avec l'arrivée en toute sécurité des jeunes filles alors que les projections se terminaient à minuit, les Galeries algériennes et puis la casbah d'Alger car la cinémathèque était un lieu populaire et fréquenté beaucoup par les jeunes.» De son côté, Merzak Allouache se souvient: «La cinémathèque a joué un rôle important dans ma vie du jeune cinéaste qui arrive au cinéma sans savoir ce que c'est. En 1964, il y a une annonce qui propose aux jeunes de venir faire une école de cinéma à Alger. Moi je travaillais à la poste, j'étais télégraphiste. J'espérais sortir de cette routine et donc le professeur de réalisation nous emmenait tous les jours en minibus à la cinémathèque pour voir des films. Quelque chose à la fois de nouveau et d'étrange pour moi, d'écouter et d'analyser des films...»
Aussi, la réalisatrice du doc laissera parler Lyès Salem qui plaidera pour sa double nationalité et son identité complexe.

Un haut lieu populaire de débat
Une vision des choses qu'il dira avoir découverte aussi dans le cinéma à travers notamment «le film La nuit a peur du soleil de Mustapha Badie qui se passe juste après l'indépendance, dans un milieu de la très haute société algérienne avec des propriétaires terriens qui ont réussi une totale mixité entre l'apport français et l'algérianité et la tradition algérienne et musulmane. Les films que j'ai faits, je ne les aurai pas faits si j'avais été soit algérien, soit français. Ce sont des films qui sont entièrement pétris de ces deux cultures que j'ai envie d'entretenir, de défendre, de revendiquer car elles font partie d'une histoire commune», confie le réalisateur de L'Oranais, interrogé au Mama le jour du vernissage de cette fameuse expo. Abondant dans le même sens Farouk Beloufa estime avoir «réussi à se persuader que je n'ai pas à faire un choix entre les deux cultures. C'est un cheminement interne alors que tout autour de moi m'indiquait qu'il fallait que je fasse ce choix». Place aux images d'archives notamment du Festival panafricain de 1969 et cette question qu'est-ce qu'être «panafricain? Yazid Khodja, actuellement directeur de la filmothèque Mohamed Zinet et ancien compagnon de lutte culturelle avec Boudjemaâ Karèche expliquera sa démarche en tant qu'étudiant militant qui consistait dans les années 1970 à faire rayonner un nouveau cinéma en Algérie. Ahmed Bedjaoui citera l'avènement de Youcef Chahine qui viendra présenter en 1970 son film La gare centrale. Farouk Beloufa évoquera le sentiment de liberté qu'il éprouvera grâce au cinéma. Une scène émouvante du film Nahla passe... Yazid Khodja évoquera pour sa part «les riches débats qui caractérisaient la cinémathèque, qui ont fait de cette dernière, en plus de ses choix et orientations politiques, un lieu exceptionnel...» Ahmed Mimoun, critique de cinéma, indiquera que Boudjemaâ Kareche avait vite compris qu'il fallait propager le cinéma à travers le pays jusqu'à monter 17 cinémathèques.

Scène émouvante du film Nahla
Merzak Allouache aborde son film à succès Omar Gatlato, «Quelque chose assez particulier à l'époque» eu égards dit-il «à la présence de la censure, l'autocensure et les tabous que j'ai fait en sorte de casser par l'humour.» De fil en aiguille, la cinémathèque deviendra un endroit «familier» comme le fera remarquer Nadia Cherabi ex-ministre de la Culture et Merzak Allouache qui avouera avoir fait tourner dans certains de ses films quelques travailleurs de la cinémathèque, mais aussi Bouj!
Pour Fatma Zohra Zaâmoum, la cinématique relève d' «une période magnifique. Elle reflétait une période des années 1980 où tout était possible dans un pays ouvert et créatif. Avec tous les réalisateurs qui m'ont fait croire que le cinéma avait une vraie utilité et que ça valait de vivre pour ça». Place à l'orage. Le ton de la voix off, celle de Jacqueline Gozland se fait encore plus mélancolique.
La décennie noire qui plongera Boudjemaâ Karèche dans la solitude...Merzak Allouache dénoncera l'absence aujourd'hui d'une vie cinématographique à la cinémathèque.
«Les quelques jeunes qui arrivent à faire des films se débrouillent comme ils peuvent, des espèces de kamikazes.» Nous découvrons à cet instant Tarik Teguia à l'avant- première de son film Révolution Zendj au centre Pompidou.
Prenant la parole lors du débat, la réalisatrice se félicitera qu'à l'époque «le peuple ait acquis sa maturité avec la cinémathèque et ce, grâce à la volonté politique du FLN et l'accompagne de Henri Langlois, Moussaoui...» et d'estimer:
«Sans tous ces gens, jamais ce lieu n'aurait été vivant longtemps. Car c'est par la culture qu'on peut sauver le monde, pour que les jeunes générations puissent se réapproprier leur destin...»

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