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71E FESTIVAL DE CANNES

Godard et Savona ou le sacre de l’image-temps

En janvier 2009, des médias internationaux levaient le voile sur le véritable Ouradour-sur-Glane (massacre d’un village français par les nazis), palestinien. Il avait eu lieu à Ghaza, dans la foulée des bombardements massifs, ce déluge de fer et de feu qui s’était abattu sur cette bande de territoire du pays palestinien.

Les Samouni, une famille de notables aisés (à l’aune de la région s’entend), avaient un poids qu’aucune faction palestinienne, encore plus l’armée d’occupation israélienne, ne pouvait ignorer. Et voilà que l’armée israélienne et son aviation décidaient de mettre au pas, cette famille d’irréductibles, qui résistait à sa façon depuis des décennies, de la manière la plus radicale. Un bombardement ciblé, destruction massive et au final, la rue Saladin qui traversait le quartier était transformée en un immense amas de gravats et de ferraille. L’endroit pue la charogne. Des centaines de volailles, mais aussi des vaches, des ânes et chèvres, gisent sur le sol. On piétine l’intimité des maisons : le linge, les vêtements, les tenues nuptiales, les photos de famille, les livres d’enfants, les meubles, tout a été jeté à la rue et mêlé à l’ordure. A l’intérieur de l’une des demeures survivantes, où les soldats s’étaient installés, tout a été souillé. On a percé les murs pour faire des meurtrières, les sacs de sable sont encore dans l’escalier. On a écrit aussi sur les murs, en anglais ou en hébreu : «Arabs need 2 die» («les Arabes doivent mourir»), «Arabes vous pouvez courir, mais pas vous cacher». Un dessin représente une tombe : «Arabes : 1948-2009.». Ces lignes d’un reporter de guerre parues, il y a moins de 10 ans, décrivent aussi ce que le terrible documentaire de l’Italien Stefano Savona, montre d’une implacable façon dans « La Route de Samouni », présenté à la Quinzaine des Réalisateurs. Savona est depuis quelques années l’œil-témoin du martyre des habitants de Ghaza, nous avions l’opportunité de voir son travail précédent « Plomb durci» au festival de Locarno, où cet archéologue de formation, avait déjà évoqué son intention de revenir sur ce tsunami militaire.Promesse tenue. Le film a été présenté à Cannes et a provoqué des spasmes d’indignation et autant de vibrations solidaires avec ce « Soumoud (résistance) » sysiphien des Ghazaouis. Savona montre les décombres, mais aussi l’espoir qui renaît dessus comme un coquelicot rouge… Rouge du sang des 33 membres de la famille Samouni, selon le décompte d’Amnesty International. Cette indignation qui se transmet d’une génération à l’autre a été aussi au centre de la réflexion sémiologique que Jean-Luc Godard aura entrepris d’initier, à 87 ans, dans son dernier film «Le Livre d’images » (Compétition officielle) et dont il fit une explication de texte, lors d’une conférence de presse, on ne peut plus godardienne, via …. Face time! Le film s’articule à partir d’images d’archives et de texte, dont la part matricielle est consacrée, en grande partie, basée sur un roman, « Une ambition dans le désert » de l’inégalable écrivain égyptien, Albert Cossery… Godard, qui avait déjà évoqué dans un autre travail les Palestiniens, après le massacre de Tell Zaâter par les troupes du roi de Jordanie, narré d’excellente façon, par Noureddine Abba, le seul intellectuel algérien présent, par ailleurs, au procès de Nuremberg, en 1945… J.-L.G., soupire cette «Arabie heureuse» qui n’existe plus à cause aussi bien des partages fonciers des puissances coloniales, mais aussi de la duplicité des régimes arabes archaïques, malgré leur fortune. Pour la petite histoire, le roman de Cossery, paru en 1984, narre la vie de Samantar qui met à bas le machiavélique plan du cheikh Ben Kadem, Premier ministre de l’Emirat de Dofa, qui organise des attentats pseudo-révolutionnaires dans son propre pays, afin d’attirer l’attention des grandes puissances, peu intéressées, jusque-là, par un pays sans pétrole…Ben Kadem hanté par le seul désir de puissance, qu’il espère lui sera apporté par l’Occident, en face, Samantar, copie du dilettante Cossery, pour ceux qui ont eu la chance de le côtoyer. Sage et désintéressé ce Samantar, à l’image de Albert Cossery qui vécut dans la même chambre de l’hôtel Louisiane, à Saint-Germain-des-Prés, de 1945 jusqu’à sa mort… Le scoop, c’est que ce roman a été initié à Tamanrasset, lors d’un séjour de Cossery à l’invitation de Mohamed-Seddik Benyahia, qui lui avait soufflé l’idée d’un scénario sur cette ambition démesurée des monarques du Moyen-Orient… Godard fait état des lieux de ce Monde arabe, privé de démocratie, mais pas de la barbarie dont se sont accommodés les docteur Mabuse et leur Frankenstein dont les avatars les plus horribles ont eu pour nom GIA, Daesh etc.… «J’ai le courage d’imaginer, je prends le train de l’histoire et je pense aux gens qui prennent le train pour un boulot et qui n’ont pas le courage d’imaginer», dit Godard dans ce livre de notre vie, de nos émotions et de nos rages et de nos têtus espoirs en l’humain, en Jean-Luc Godard, le bienveillant… Dans le sens philosophique du mot, kantien, dénué, de toute obligation et sens du devoir. « Le Livre d’images » de Jean-Luc Godard devient aussi « Le Livre de la sagesse révoltée »… Comme le sont les Palestiniens de « La Route de Samouni » de Stefano Savona, par exemple… 

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