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L'IFA FÊTE LA FRANCOPHONIE AVEC ANOUAR BENMALEK

"Ecrire, c'est transcender la mort"

«C'est d'abord un travail physique, car ça nécessite de rester assis pendant des heures. C'est cette exigence qui forme cette religion qu'est l'écriture», confiera l'auteur de Fils du Shéol.

L'auteur de O Maria et Les amants désunis notamment, était l'invité samedi de l'Institut français d'Alger qui a profité de la fête de la francophonie pour lui rendre un hommage en lui consacrant une belle table ronde animée par le critique littéraire Youcef Sayeh. L'ancien mathématicien, algéro-marocain, vivant aujourd'hui en France s'est prêté au jeu des questions-réponses du journaliste mais aussi du public avec ferveur et sincérité. Abordant ses débuts dans l'écriture, Anouar Benmalek confiera que ses premiers textes furent des poèmes écrits à Kiev, quand il était jeune pour séduire une belle jeune fille dont il était épris à cette l'époque-là.
«Pourquoi continuer à écrire après? c'est comme poser la même question à un alcoolique pourquoi boire?» S'il est faux d'après lui qu'un écrivain puisse avoir une influence quelconque sur la société par sa plume, dira-t-il, écrire c'est un peu lutter et «dépasser la mort en revanche, quand on ne peut contrôler sa vie».
S'agissant des lieux géographiquement lointains qui sont abordés et constituent la trame de ses livres, Anouar Benmalek estimera ne pas être «algérien» quand il écrit mais plutôt «un écrivain dans le monde» à qui appartient donc «le droit d'écrire sur l'Autre». Et de souligner plus tard, après réflexion: «Si j'écris sur les aborigènes d'Australie par exemple, c'est peut-être pour des raisons familiales. Ma grand-mère était suisse, trapéziste. Cet aspect de l'être multiple va de soi. Même si l'Algérie est chère à mon coeur, elle n'est pas mon seul horizon. Je revendique cette liberté. On ne doit pas censurer notre imagination. Il faut résister à cette dictature éditoriale si elle est imposée à un auteur. Le roman dépoussière et nous fait découvrir ce fond qui nous est commun à tous. C'est parce que nous mourons que la littérature existe.» Comment naît un sujet chez Anouar Benmalek? Ce dernier soulignera le fait qu'une histoire répond en fait à la question «qu'aurais-je fait si...?» Evoquant son dernier roman, Le fils du Shéol sorti en France chez Calman-Lévy et en Algérie chez Casbah Editions, il dira que son sujet démontre cette extermination des Allemands qui s'est appliquée de façon artisanale, sur le peuple des Herreros, en Afrique du Sud, et s'est poursuivie de façon industrielle, sur les juifs.
Premier génocide du XXe siècle, cette période de l'histoire est souvent ignorée par ces populations, même. Un génocide reconnu en Allemagne qu'en juillet 2015. Aussi, Anouar Benmalek trouvera ainsi le sujet de son livre et par delà, une «légitimité» à écrire sur cette injustice commise par les Allemands en Afrique. Et de confier pour ce faire: «J'ai dû changer d'éditeur, en passant de Fayard à Calman-Lévy parce que je parlais de la Shoa et mon éditrice a même été virée parce qu'elle avait défendu le livre. Cette volonté de cloisonner les imaginations des Algériens et comme vous le remarquez, existe chez tout le monde.» Et de préciser que ses romans «ne sont pas historiques mais possèdent comme toile de fond l'histoire» et ce, dans le but de décrire les conditions et voir comment des gens «ordinaires puissent réagir dans des conditions extraordinaires». Evoquant son exigence presque mathématique dans l'écriture de ses romans, Anouar Benmalek, l'auteur de l'Enfant du peuple ancien, estimera par ailleurs que «c'est discourtois de faire des livres ennuyeux», rajoutant qu'il peut avoir ou ne pas avoir de style mais «c'est seule l'histoire et comment la raconter qui compte».
Et d'estimer encore: «Ce que j'écris est très perfectible. Il faut être modeste, il faut en même temps savoir trancher, supprimer des pages, malmener ses personnages et aller jusqu'au bout de ses forces. Car écrire, c'est d'abord un travail physique, ça nécessite de rester assis pendant des heures alors qu'il fait beau dehors et qu'on voudrait aller voir ses amis... mais on reste, tant que cette phrase ne nous revient pas. C'est cette exigence qui forme cette religion qu'est l'écriture.» Pour Anouar Benmalek,on aura beau aborder la violence sous n'importe quelle forme dans nos romans, la réalité sera toujours supérieure. Cette aventure de l'écriture est qualifiée d'effrayante par l'auteur de Fils de shéol car souligne-t-il: «Au fond, vous ne savez pas si le livre sera nécessaire après ou réussi. Je navigue à vue d'oeil quand j'écris, je ne sais pas comment cela va se terminer. En même temps, si tu ne vas pas jusqu'au bout, tu ne le sauras pas. Comme un grimpeur de l'Himalaya, il peut s'arrêter au milieu du chemin, car c'est déjà très fatigant. Il faut grimper et y arriver pour le savoir..», achève-t-il de dire.

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