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OUVERTURE DES 13ES RENCONTRES CINÉMATOGRAPHIQUES DE BÉJAÏA

De l'Algérie belle et démystifiée

C'est le touchant et intime documentaire 10.949 femmes de Nassima Guessoum qui a étrenné cette manifestation qui se poursuivra jusqu'au 11 septembre au théâtre régional de Béjaïa.

Devrions-nous voir là un geste fort de la part du ministre de la Culture Azzedine Mihoubi de relancer le cinéma en Algérie en assistant à cet événement qui est arrivé à sa 13e édition cette année? Une volonté comme il l'avait affichée lors de sa nomination en annonçant la création prochaine d'un studio de cinéma en Algérie pour empêcher les réalisateurs d'aller voir ailleurs. Fait tangible, en tout cas il est le premier ministre de la Culture à franchir le seuil des Rencontres cinématographiques de Béjaïa après que le directeur n'annonce son refus d'institutionnaliser le festival et de le mettre sous tutelle, sans pour autant renoncer au soutien.
Une réponse qui ne s'est pas fait attendre d'ailleurs! Peut-être Là par contre où l'on ne pourra pas spéculer ni laisser place au moindre doute réside dans la fraîcheur de la nouvelle édition qui s'est déroulée samedi soir au niveau du musée Bordj Moussa et en plein air. Le film d'ouverture, fortement symbolique de la démarche des RCB de s'intéresser aux individus avant tout et de pousser le public à s'interroger, est le long métrage documentaire 10 949 femmes de Nassima Guessoum. Un récit qui témoigne de notre âpre histoire, avec ses failles et ses non-dits, par le truchement d'une des plus anciennes militantes de la Révolution algérienne, qui a épousé la cause nationaliste et en fera sa raison d'être alors qu'elle n'avait que 16 ans à l'époque... Exit par contre, l'histoire officielle mais place à celle non mythifiée dans les manuels scolaires.
Si le film débute par les images de la célébration de la 55e année de l'indépendance avec toutes les images d'archives que l'on connaît (dépôts de gerbe de fleurs au pied du monument aux Martyrs par le président de la République etc.), l'icône du héros n'intéresse pas la réalisatrice, mais plutôt davantage celui d'une personne avec ce qu'elle recèle comme force de caractère et faiblesse, partant du contexte et rôle de la femme algérienne dans le combat pour l'indépendance. Son désir est dicté par l'envie d' entrer dans l'intimité d'une vieille dame qui pourrait être sa grand-mère qui lui racontera ses souvenirs de guerre. La caméra de Nassima Guessoum qui se veut tendre, caressante et patiente, va donc suivre cette ancienne secrétaire du FLN qui a côtoyé tous les Abane Ramdane, Krim Belkacem and co durant sa vie, a été la rédactrice du journal El Moudjahid, et va petit à petit nous introduire dans son passé mais aussi son présent, fait d'anecdotes drôles, mais aussi amères. Charmante, ironique et enjouée, joueuse, Nassima Gessoum aime chanter, c'est une femme révérencieuse, pleine d'esprit. Elle fait connaître à la réalisatrice d'autres combattantes comme Baya et Nelly qui évoquent d'une façon complètement surprenante et décomplexée la torture et le viol subis. Aussi, à travers les récits mi-héroïques, mi-tragiques de Nassima Hablal, se tisse le drame de notre passé et au fur et à mesure se noue le lien avec l'Algérie d'aujourd'hui. Nassima n'a pas sa langue dans sa poche, elle dénonce sans ambages la traîtrise de certains compagnons de lutte armée, sa déception au lendemain de l'Algérie indépendante et la confiscation du pays par l'abus de pouvoir par des hommes qui étaient loin d'être des enfants de coeur au lendemain de l'indépendance, ni pendant la guerre mais qui étaient là juste pour tirer un meilleur profit.
L'on rit beaucoup des cocasseries de cette femme qui dit haut et fort ce que d'autres pensent tout bas. La caméra de Nassima n'est pourtant pas alarmiste, elle refuse l'apitoiement. Elle filme cette femme non pas comme une héroïne certes, mais son parcours, lui et ses actions la propulsent vers la lumière haut la main. Il y a de la pudeur, de la retenue et beaucoup d'émotion aussi. Une voix off et des images en hors champ bouleversantes quand la moudjahida finit par rejoindre son fils décédé avant elle et nous raconter l'épopée d'Ulysse. Son «on aurait pu faire mieux» est sentencieux pourtant. Une phrase qui fait écho, hasard ou coïncidence avec une autre dite par l'un des héros du long métrage de fiction de Lyes Salem, El Wahrani et lui confère toute son épaisseur. Une déception sur ce qu'est devenue l'Algérie après tant d'années de sacrifices et d'amour inconditionnel pour la patrie. Aussi, si la réalisatrice n'hésite pas à entrer dans le cadre, c'est que forcément elle-même porte en elle une multitude de questionnements sur son passé commun avec cette femme et aimerait en savoir davantage sur ces femmes qui ont forgé son héritage mémoriel et dont elle a choisi de capter et transcrire la parole par l'image, car seules celles-ci restent.
Un travail non pas d'une historienne mais celui d'une documentariste dont il faudra redoubler l'expérience tant qu'il est nécessaire et surtout encore temps...Une petite lucarne salvatrice que beaucoup d'autres cinéastes devraient prendre comme exemple tel celui des témoignages comme ceux-ci qui se font de plus en plus rares. Le documentaire certes, n'est pas d'une grande qualité cinématographique puisque quelques petits défauts techniques, tout mignons viennent s'y greffer, sans trop dénaturer l'effet réalisme qu'il procure, mais l'on retiendra incontestablement la liberté de ton de cette femme qui était en avance sur son temps.
Une femme d'une forte personnalité qui a su être elle-même jusqu'à la fin de sa vie...

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