L'Expression

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LA VIE DE MAHOMET D'ÉMILE DERMENGHEM (*) [I]

"Un récit vivant et vrai"

Les choses improbables nuisent à la Vérité que la conscience humaine réclame. Alors, le Coran, la Sounna (la Tradition) et la Sîra (les premières biographies) constituent la Preuve Unique intangible de la Prophétie islamique.

L'actualité dans le monde se passionne pour l'islam, diversement. Plus que jamais, ce mois de Ramadhâne 2015, correspondant à l'année hégirienne 1436, intensifie l'ardeur des esprits. Les uns s'évertuent, ainsi que le préconise la Tradition coranique, à consolider leur foi au cours de ce mois sacré, fait de piété, d'humilité et de paix chez les musulmans en quelque lieu qu'ils vivent. Les autres se réactivent dans les demi-ténèbres; ils parlent de l'islam, bien ou mal, - qu'ils en soient sérieusement instruits, qu'ils en ignorent les valeurs religieuses attachées à la pratique de la vie humaine ou qu'ils s'inscrivent, de nature ou d'autorité, dans un développement qui, parfois dépassant la mesure, s'apparente à un «hypercriticisme» peu digne de l'homme doué de raison.
Et de fait, en islam, Dieu, Allah, s'adresse aux «êtres doués de raison», «à ceux qui savent», «à ceux qui réfléchissent»... Certes, cela n'explique pas tout l'intérêt d'apprendre à connaître cette ultime religion révélée par le Prophète Mohammed (Que le Salut de Dieu soit sur Lui). Pourtant que de grands hommes de toute naissance, de tout continent, de toute tendance culturelle, philosophique, politique,... ont embrassé l'islam, l'ont reconnu, l'ont servi, l'ont respecté, l'ont toléré. «L'Occident (abritant d'autres religions) et l'Islâm» est le thème qui appelle à débattre de l'humaine condition, la seule entité sacrée qu'il faut sauver tout à la fois par le coeur et la raison.

Connaître les sources primordiales
Je me propose, au cours de ce mois de Ramadhâne, propice universellement à la réflexion, de donner à lire des textes, une autre résonnance intellectuelle, sur l'islam. Un hasard parfait m'emmène vers le français Émile Dermenghem (1892-1971), archiviste paléographe, journaliste, archiviste-bibliothécaire. Du 16 mars1942 au 3 janvier 1962, il a occupé le poste d'archiviste-bibliothécaire du Gouvernement général de l'Algérie, succédant à Gabriel Esquier, nommé administrateur de la Bibliothèque nationale d'Alger. «C'était, pour lui [Dermenghem], rapporte un de ses biographes Pierre Boyer, l'occasion inespérée de renouer avec l'islam. [...] Il avait surtout vu, dans sa nomination à Alger, le moyen de reprendre contact avec l'islam. L'année de son arrivée, il publiait La Vie des saints musulmans (Baconnier, Alger, 1942) qui dut être réédité en 1956; en 1945, il donnait les Contes kabyles (éd. Charlot, Alger) [...] Allaient suivre selon un rythme régulier Les plus beaux textes arabes (La Colombe, 1951); Le Culte des saints dans l'islam maghrébin (Gallimard, 1954); Mahomet et la tradition islamique (éd. du Seuil, 1955). [...] À ces ouvrages, il convient d'ajouter de très nombreux articles parus dans Documents algériens et dans des revues littéraires ou de vulgarisation.» En 1950, Émile Dermenghem a publié à Alger, chez Charlot, La Vie de Mahomet, et c'est cet ouvrage qui m'a semblé, aussi utile qu'intéressant en ce mois de méditation dans le monde de plus de 2,8 milliards de musulmans (Institut de sondages et d'études Pew Research Center, art. Le Monde, 3 avril 2015) et - hélas! - de confusion, d'incompréhension et surtout de détestation de l'Autre et qui précipite assez dans l'inconscience le prétendu humain faisant de lui un être versé dans la détestation et la ruine du «Vivre ensemble», slogan si singulier, si alléchant et si hypothétique. Alors, il y a peut-être - il y en a eu souvent - des idées saines, franches, politiques au sens originel de polis, prônant l'islam authentique, fraternel et paisible, innocent de tous actes de violences produits à travers le monde et dont certains, dévorés par l'ambition du pouvoir fourbissent les armes de leur politique des demi-mesures et xénophobe, le rendent responsable. Il n'est alors aujourd'hui ni judicieux, ni pédagogique, ni scientifique, ni élogieux de qualifier l'islam de «modéré».
Émile Dermenghem, qui par bien de similitudes de pensée et d'action, - en dehors de toute critique spécifique générale ou particulière portant sur l'«orientalisme français» en colonie - pourrait valablement rappeler les grands auteurs français férus de l'Algérie, sans doute de ses multiples richesses: histoire, géographie, société, culture, civilisation, et surtout de la chose de l'islam, par exemple: Sprenger, Dozy, Massignon, Houdas,
Marçais, Vincent- Monteil, Gaudefroy-Demombynes, Blachère, Bousquet, Rodinson Jacques Berque,... Mais peu nous chaut ce passé; l'indépendance est passée!

Les préjugés opposés à une Vie vraie
Pourtant, l'ouvrage La Vie de Mahomet d'Émile Dermenghem témoigne de cet esprit continu de stigmatiser les musulmans en Occident. Dans son Avertissement, portant en surtitre l'eulogie, dite el basmala, (Au nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux) calligraphiée en arabe, l'auteur écrit, en 1950: «Personne n'a encore mis en doute l'existence de Mahomet. La critique la plus extrémiste ne songe point à la nier. [...] Mais il est certain qu'on ne peut raconter actuellement une vie de Mahomet dans les mêmes termes et les mêmes points de vue que les dernières biographies parues en librairie française.[...] En écrivant ce livre, j'ai voulu faire un récit vivant et vrai, basé sur les sources arabes primitives et tenant compte de tout ce qu'on peut considérer comme acquis par les récents travaux des spécialistes. J'ai voulu tracer un portrait de Mahomet aussi exact que possible, tel que je l'ai compris en le regardant vivre dans les récits des livres et les âmes vivantes de ses fidèles. Si toute vie humaine comporte un enseignement, si toute destinée est un spectacle édifiant, combien plus particulièrement et plus profondément émouvante et féconde n'est pas la rencontre avec l'un des hommes du message desquels vit une partie de l'humanité?» Dermenghem précise: «Les sources primordiales de la vie de Mahomet sont le Coran, la Sounna (la Tradition, les hadits) et la Sîra (les premières biographies). Le Coran est la base, la source essentielle, la plus sûre, mais aussi la plus restreinte. Les hadits des traditionnistes, qui se sont efforcés (surtout Bokhari) de recueillir les moindres paroles et les moindre gestes du Prophète en faisant une sérieuse critique externe du fond des isnads de la chaîne des témoins, mais sans critique interne du fond sont parfois tendancieux et suspects. Les diverses écoles se battaient à coups de hadits forgés. [...] Je me suis efforcé pour ma part de garder un juste milieu entre la version traditionnaliste (représentée aujourd'hui par MM.Dinet et Sliman ben Ibrahim et l'hypercriticisme de certains orientaux modernes. [...] «Moins qu'un dieu, plus qu'un homme, un prophète», disait Lamartine. [...] M. Massignon déclare Mahomet bien équilibré. [...] Le P. Lammens est aussi l'un des plus partiaux. Ses livres brillants, ingénieux sont déformés par son antipathie pour l'Islam et son prophète. [...] Comment faire l'histoire, si deux témoignages concordants, au lieu de se confirmer, doivent nécessairement se détruire? Il est vrai que le hadit a dû parfois être forgé pour expliquer tel passage coranique, ou lui appliquer plus ou moins arbitrairement tel détail vrai, que le hadit a aussi tendance à matérialiser, à prendre à la lettre. Mais, dans bien des cas, ce qu'il dit peut être vrai et l'historien, qui ne pensait pas aux règles des critiques, n'avait pas d'autre façon possible de s'y prendre. Par exemple, on dit que, si le hadit attribue à Mahomet le goût du miel, c'est parce que le Coran proclame les vertus curatives de cet aliment.»
Afin de produire une oeuvre crédible aux yeux des lecteurs français avant tout et d'autres lecteurs des pays d'Occident, Dermenghem ne cesse de renforcer son argumentaire en faveur de la vérité la plus expressive se rapportant à la vie du Prophète. «J'ai donc délibérément écarté tout ce qui est manifestement faux, les miracles inventés deux siècles après la mort de celui à qui on les attribue et beaucoup de choses improbables. [...] Quelque étrange et pittoresque paraître ce récit, c'est une histoire nullement romancée. Toutes les paroles des personnages sont traduites telles quelles des sources.»
L'auteur termine son Avertissement par cette indispensable précision à l'intention de ses lecteurs non musulmans ou musulmans pour en apprécier l'opportunité: «J'ai écrit Mahomet et non Mohammad. J'aurais pu renoncer à cette transcription qui sent le xviiie siècle. Mais il a semblé qu'aujourd'hui encore une vie d'Abûlqâsim Muhammad ben Abdallah ben Abdelmuththalib al Hâchimî prêterait à confusion.»
Dans Le Temps de lire de mercredi prochain, nous entrerons dans les premiers chapitres de Le Vie de Mahomet d'Émile Dermenghem.
Çahha ciyâm djamî el mouslimîne. Que Dieu veuille agréer le Jeûne des Musulmans.

(*) La vie de Mahomet d'Émile Dermenghem, Éditions Charlot, Alger, 1950, 326 pages.

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