LE TEMPS DE LIRE LES PORTEURS D’ESPOIR DE JACQUES CHARBY
Ils sont l’honneur du peuple français
Aux côtés des Algériens en guerre, les membres des réseaux de soutien dits «<I>Jeanson</I>» et «<I>Curiel</I>» se sont engagés dans des actions clandestines.
Le temps semble avoir pris assez son temps et l´histoire ses ambitions de vérité pour que des esprits justes et libres - ceux de l´autre rive de la Méditerranée -( puissent maintenant, comme dans le passé, exercer leur ferme volonté d´accomplir un travail (ou mieux un devoir) de mémoire très utile à tous. Ils ont à dire «la guerre d´Algérie» et à se dire avec la même modestie, la même pudeur, le même courage qu´il a fallu à ceux qui, comme Francis Jeanson, ont dénoncé «la guerre de reconquête coloniale» menée de 1954 à 1962 par les gouvernants français successifs et ont parlé «dès le début de l´insurrection algérienne «d´une guerre anachronique perdue d´avance»».
C´est la sincérité de ce choix, la fidélité coûte que coûte à la cause juste, que Jacques Charby tente de restituer à ses lecteurs à travers des témoignages saisissants réunis sous le titre Les Porteurs d´espoir (*), - et non sans apprécier «le travail considérable de Hervé Hamon et Patrick Rotman pour leur ouvrage pionnier Les Porteurs de valises (1979). Mais pour mieux cerner le but de l´ouvrage, un mot sur l´auteur est indispensable. Jacques Charby est né en 1929 à Paris. Son père, membre du Parti communiste duquel il démissionne en 1924, était typographe, sa mère enseignante. La guerre de 39-45, «se déroule avec des épreuves familiales affreuses, dont le suicide de la mère de Jacques pour échapper à la Gestapo». Après un court passage dans les Jeunesses socialistes, Jacques Charby est très attiré par le théâtre. Il se marie en 1953 avec Aline Bouveret, une étudiante du grand ami de l´Algérie, le professeur André Mandouze, et il se passionne bientôt pour «les événements» qui ensanglantent l´Algérie. Son engagement pour l´indépendance de l´Algérie le fait rejoindre le réseau de «Vincent» (celui-ci n´est autre que Francis Jeanson lui-même). Jacques Charby activera sous le nom de «François» et dira comment, en 1958, il s´est retrouvé dans un réseau de soutien au Front de libération nationale algérien. «J´ai appris, confie-t-il, à estimer ces intellos qui ne se contentent pas de discourir. Tout de suite, j´ai été pris dans la bourrasque : notre journal, non autorisé bien entendu (Vérités pour...), le transport des militants algériens, les transferts d´argent, les refuges, les voitures, les diverses liaisons et, surtout, le recrutement. Je n´étais pas clandestin, je continuais d´exercer mon métier de comédien, ce qui était pratique, justement, pour recruter. Bien entendu, je ne m´adressais pas à n´importe qui mais, généralement, je n´avais pas trop de peine à convaincre mes camarades. Après d´indispensables précautions (je «tournais autour du pot»), je me dévoilais, et je dois dire qu´alors je n´y allais pas par quatre chemins : 1) être pour la paix sans agir n´a pas de sens ; 2) la seule source de paix en Algérie est l´indépendance, elle ne peut être arrachée que par la lutte menée exclusivement par le FLN ; 3) ne pas aider le FLN, c´est refuser la paix et l´indépendance. C´est ainsi que bon nombre de comédiennes, de comédiens, de cinéastes - recrutés par moi et par d´autres - nous ont rejoints pour diverses tâches [...] A mesure que la répression policière s´étendait, nous étions de plus en plus sollicités par nos camarades algériens (de jour comme de nuit). La sécurité des Algériens et la nôtre, et l´acheminement de l´argent étaient les priorités.»
Le livre de Charby présente des témoignages d´une grande authenticité (dont celui de Francis Jeanson) qui permettent de comprendre pourquoi et comment et de savoir dans quelles conditions se sont créés d´abord en France, puis en Belgique et en Suisse, les réseaux de soutien au FLN pendant la guerre d´Algérie.
() Les Porteurs d´espoir de Jacques Charby
Chihab Éditions, Alger, 2004, 300 p.