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«La pensée d’Ait Ahmed» de Jugurtha Abbou

Un militant nationaliste au parcours prolifique

Parler de Hocine Ait Ahmed, survoler son parcours et ses idées n’est guère une mission aisée. C’est loin d’être une sinécure.

Pourtant, le jeune, mais talentueux écrivain-poète Jugurtha Abbou s'est attelé à le faire de fort belle manière dans le livre qu'il vient de publier aux Éditions Tafat de Béjaïa. Il faut rappeler que pour parler d'Ait Ahmed, il faudrait se pencher sur plusieurs périodes historiques et sur plusieurs aspects, remonter jusqu'aux premiers balbutiements du Mouvement national, puis la guerre d'indépendance, la révolte du FFS en 1963, les années 70 et 80, l'ouverture démocratique d'après 88 et les années de la tragédie nationale. C'est dire qu'il ne s'agit pas seulement de parler d'un homme exceptionnel, mais aussi d'effectuer une plongée dans l'histoire de l'Algérie. Jugurtha Abbou n'ignorait pas la difficulté d'une telle tâche. Il a réussi à produire un essai mené à bien et très intéressant sur Ait Ahmed, et plus particulièrement sur la pensée de ce dernier. Notre interlocuteur précise d'emblée que son essai intitulé «La pensée d'Ait Ahmed face aux tragédies algériennes» traite de la pensée de Hocine Ait Ahmed, le militant au parcours prolifique. Il faut rappeler à cet effet que Hocine Ait Ahmed a été un fervent militant contre le colonialisme et pour l'indépendance, puis un homme politique contre la dictature et pour l'instauration de la démocratie.
Sa lutte a été celle d'une Algérie qui se voulait libre et souveraine, puis démocratique et sociale. «Entre l'autoritarisme des gouvernants et le totalitarisme islamiste, l'homme réclamait une devise «ni État policier et ni République intégriste», rappelle Jugurtha Abbou en soulignant que la vie d'Ait Ahmed a chevauché plusieurs luttes: la lutte contre le colonialisme d'abord, puis contre la dictature, avec son lot de répression, de violence, de misère et de privations. Au cours de chacun de ses combats, il a laissé une empreinte ineffaçable ni par le temps ni par les coups qu'il n'a pas cessé de subir, rappelle encore le jeune écrivain âgé à peine de 38ans. De Taqqa, son village natal dans la commune d'Aït Yahia à Rangoon en Birmanie, en 1953, à Bandoeng (Indonésie) en 1955, puis à l'ouverture d'un bureau du FLN à New York, et des décennies plus tard à Rome, pour une offre de paix quand le sang des Algériens coulait à flots, Hocine Ait Ahmed n'a pas cessé de sillonner le monde pour une Algérie libre et pour un peuple souverain, indique Abbou en ajoutant que Hocine Ait Ahmed a su porter très haut la voix de l'Algérie à travers le monde: il est le précurseur de la diplomatie algérienne, en pleine période coloniale, puis le porte-voix algérien en faveur de la paix, la démocratie et la justice sociale. Il a connu la clandestinité, la prison et l'exil, «mais il n'a pas cessé de militer pour que l'Algérien, ayant arraché l'indépendance du pays au prix d'énormes sacrifices, puisse jouir enfin de son droit à l'autodétermination. «Un entracte sentimental s'impose comme pour imaginer l'attitude d'un homme privé d'assister à l'enterrement de sa mère, privé de retrouver ses camarades de lutte, car vu comme un démocrate invétéré par un régime allergique à tout contact avec la démocratie. Le respect qu'il inspirait, à la fois auprès de ses sympathisants qu'auprès de ses adversaires était dû à son patriotisme irréprochable. Les militants avaient l'intime conviction qu'il ressentait réellement son combat, que son coeur battait pour les souffrances de son peuple, que son esprit était pris par les tourments qui rongeaient sa chère Algérie», écrit Jugurtha Abbou dans un livre qui semble être sorti de ses tripes car l'auteur est un militant du parti cofondé par Ait Ahmed et un élève de ce dernier. À travers cet essai, Jugurtha Abbou se fixe le but de représenter de façon succincte la vision de Hocine Ait Ahmed et sa pensée politique, économique et identitaire. Cet ouvrage est écrit dans l'espoir de voir les jeunes générations s'imprégner du parcours d'Ait Ahmed et de ses idées, afin de poursuivre son combat de militant pour une Algérie libre et démocratique. Le lecteur aura à s'enquérir des deux parties essentielles de la vie du militant, l'une concerne la période coloniale et la guerre de libération, où le maître-mot était l'indépendance du pays, tandis que l'autre est consacrée à la période de l'Algérie indépendante.
Il en jaillira les faits marquants de son parcours, de ses différentes initiatives et des positions prises à chacune des étapes. Jugurtha Abbou a tenté de cerner l'esprit qui a mû chacune de ses différentes positions, dans ce qui peut se décliner comme la pensée de Hocine Ait Ahmed; d'autant plus qu'on ne peut évoquer ce dernier sans que ne s'éveillent en nous les idées de l'Assemblée constituante, la deuxième République, ou encore le ni-ni: «Ni État policier, ni République intégriste», avertit Abbou en ajoutant qu'il s'agit aussi de la pensée économique, les questions sociétales et identitaires, notamment la condition féminine, l'amazighité et la place de la religion dans la pensée de Hocine Ait Ahmed. Tous ces sujets sont longuement abordés dans le livre de Jugurtha Abbou.
«Certes, ses positions n'ont pas fait l'unanimité parmi les acteurs politiques et sociaux, principalement la rencontre de Londres et le contrat de Rome, ainsi que sa position par rapport à l'arrêt du processus électoral, ce qui a nécessité un rappel des conjonctures et des motivations qui l'ont poussé à choisir telle ou telle option», souligne encore Jugurtha Abbou. Ce dernier, dans un souci d'appuyer son texte, a jugé utile d'enrichir chaque passage par une, voire plusieurs citations de Hocine Aït Ahmed, puisées de ses livres, de ses messages ou de ses discours. Et, en guise de conclusion, Jugurtha Abbou estime que les Algériens ont grand besoin d'un homme politique pour qui l'humain est le coeur de l'action, le moteur du développement et l'acteur principal de la vie publique. Ils ont besoin de celui qui les écoute, les comprend, les sensibilise. L'auteur écrit dans son ouvrage que les Algériens ont besoin de ce semeur d'espoir qui leur rappelle à chaque fois: «Le désespoir n'est pas une fatalité. Les Algériens peuvent - et doivent - renouer avec les valeurs de liberté et de justice. La vraie réconciliation passe par une réappropriation de l'État et des institutions par les citoyens algériens à travers les moyens de la démocratie et du droit». De toute évidence, le livre s'ouvre sur les premiers pas du combat pour l'indépendance en se penchant sur le contexte socio-économique de l'époque, les massacres du 8 mai 1945, avec la prise de conscience qui a' suivi. Dans le chapitr»e intitulé «le militant au service de la cause», l'auteur y parle de l'esprit d'indépendance, de la guerre comme instrument de la politique ainsi que d'Ait Ahmed, l'homme d'action et de réflexion.
Dans une autre partie, il est question du diplomate au service de la Révolution et du partisan d'une Algérie libre et indivisible. Quant à la vision politique d'Ait Ahmed, elle se décline à travers les slogans de la légitimité populaire, source unique du pouvoir, la parole au peuple, pour l'Assemblée constituante, la démocratie, pour le respect des libertés... Le parcours d'Ait Ahmed consistait aussi à plaider inlassablement en faveur de la construction d'un Etat fort et moderne, un Etat de droit et les droits de l'homme sans oublier la question identitaire, la question berbère et des dizaines d'autres idées et idéaux qui ont jalonné la trajectoire atypique d'Ait Ahmed que nous fait découvrir Jugurtha Abbou avec une remarquable maîtrise. Il faut rappeler que Jugurtha Abbou est spécialiste en psychologie sociale. Exerçant comme chef de projet dans une entreprise publique, il a à son actif trois ouvrages: poésie, essai politique et roman. Militant politique, il a été membre du Conseil national puis Secrétaire national à la communication du FFS, ce qui lui a permis de s'imprégner de la pensée de Hocine Ait Ahmed, dont il nous livre à travers cet essai, les éléments essentiels.

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