L'Expression

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Il a rencontré El Amira Amel El Djazaïria à Damas en 1956

Nehru et notre révolution

En cette mémorable occasion du 1er Novembre, une date qui nous affermit avec nos valeurs de combat, d’engagement, de fraternité et de solidarité agissante avec nous-mêmes et les causes justes de par le monde, il est opportun de nous remémorer des moments fort impressionnants qu’a connus notre pays, tout au long de ses années de braise.

La révolution de 1954, cet événement majeur que l'Histoire universelle, a déjà consigné, en lettres indélébiles, dans ses registres, a été le symbole d'une révolution sacrée «Grande Révolution du XXe siècle» par tous les historiens de la planète. Cette révolution a été prise en charge par l'ensemble du peuple, plus particulièrement par les militants et les patriotes qui l'ont soutenue, enserrée, encadrée et travaillée avec une extrême énergie pour réhabiliter les valeurs qui ont été perverties par le colonialisme et son système d'oppression.
Il y avait, dans ce lot de militants, une dame pas comme les autres. Une princesse, authentique descendante de l'Émir Abdelkader, sa petite-fille, une amira - dans notre langue - au grand passé révolutionnaire. En somme, une dame cultivée, racée, distinguée, toujours souriante, s'exprimant avec délicatesse, affectionnant tous ceux qui l'entouraient. N'était-elle pas d'abord la «moudjahida», à des milliers de kilomètres de là, qui luttait pour cette Algérie qu'elle vénérait tant? N'était-elle pas aussi la grande éducatrice, héritant de sa mère, la non moins célèbre ‘Adyla Beyhem, celle qui a émancipé la femme dans ce grand Shâm et l'a libérée des affres de l'ignorance, toute la noblesse du dévouement, jusqu'à l'épuisement? C'est dire les liens qui unissaient cette dame exceptionnelle à la révolution algérienne, une dame digne représentante de la majesté qu'incarnait feu l'Émir des croyants, Abdelkader Ibn Mohieddine El-Hassani El-Djazaïri.
Un travail inlassable pour son Algérie
Profitant de cette occasion, celle du 67e anniversaire de la révolution du 1er Novembre 1954, je me propose de raconter cette participation honnête et sincère de nos soeurs qui se sentaient constamment concernées par le problème épineux de leur pays d'origine.
En effet, El Amira Amel El Hassani El Djazaïri était d'une autre trempe car son travail inlassable pour l'Algérie, pendant la révolution, sera inscrit, nous le souhaitons, en lettres d'or pour servir d'exemple aux générations futures. Ainsi, quand on a connu cette dame on ne peut ne pas apprécier ses qualités, ses capacités, ses prouesses, surtout son amour pour l'Algérie. El Amira Amel possédait de riches histoires dont elle a été l'actrice principale. Ces histoires méritent d'être portées à la connaissance de tous les Algériens, et surtout des jeunes, pour qu'ils comprennent la valeur du parcours de leurs aînés dans leur lutte implacable et surtout légitime pour le recouvrement de la souveraineté nationale. Je ferai un effort, plus tard, pour en publier quelques-unes, du moins les plus importantes, et contribuer, avec les nombreux autres chroniqueurs, à donner une meilleure perception du combat de notre peuple pour ses droits inaliénables, tout au long de notre profonde Histoire.
L' aventure d'Amel El Djazaïri avec Nehru
Ainsi, celle qu'a vécue El Amira Amel en Syrie, son pays d'accueil, avec Jawaharlal Nehru, en 1956, au début de la révolution algérienne, mérite d'être racontée dans les détails pour montrer la lucidité et la finesse de la petite-fille de l'Émir qui, au contact positif d'une autre demoiselle, tout en noblesse, Indira Gandhi, sa camarade de classe à Oxford, qui accompagnait son père au cours de ce voyage officiel à Damas, a su «moissonner» pour l'Algérie, son pays, ce qui semblait être très difficile en cette période de lutte.
Les détails de l'histoire sont plus attachants. En tout cas, ce que nous pouvons dire pour l'instant, c'est que ce jour-là, El Amira Amel a usé de toute sa témérité en s'engageant dans une aventure aussi difficile qu'hasardeuse. Car, profitant d'un moment de flottement au niveau du protocole, elle s'est lancée à l'assaut du Premier ministre indien, avec la tacite complicité de sa fille Indira, pour lui expliquer, avec une édifiante innocence de jeune militante, que le peuple algérien souffrait énormément sous l'oppression des occupants français et qu'il fallait reconnaître son combat pour retrouver sa liberté et recouvrer son indépendance. Cette reconnaissance de l'Inde, un grand pays, serait d'un incalculable apport à l'Algérie qui attendait les soutiens des grands pays du monde. Il faut signaler que jusqu'à ce jour-là, l'Inde, ne s'était pas encore prononcée sur la question algérienne.
Nous disions qu'Indira Ghandi était du voyage officiel avec son père Nehru à Damas. Les Syriens ont désigné El Amira Amel pour l'accompagner, au cours de cette visite, la sachant son amie de classe à Oxford. Ainsi, Amel qui était plus qu'heureuse par cette reconnaissance, plus encore par cette marque de sympathie à son égard, de la part de la présidence de la République syrienne, a déployé tous ses efforts et démontré, par sa gentillesse, toute son amitié à son invitée, pour lui rendre son voyage très agréable.
Mais Amel, perspicace, dynamique et audacieuse qu'elle était, n'a pas perdu son temps au cours de ce voyage historique pour elle et..., pour son pays, l'Algérie. La présence d'un dirigeant de la trempe de Nehru lui a commandé de remplir une «importante mission», pour la révolution algérienne, en prenant l'initiative - nécessaire au demeurant - de se faire l'ambassadrice, déléguée par un mandat impératif, pour la concrétisation d'une action bien définie, dans le programme décidé par la révolution algérienne. Il s'agissait de profiter de cette auguste présence du leader de l'Inde, un grand pays du conltinent asiatique, pour lui «arracher»» cette «reconnaissance du combat du peuple algérien» contre le colonialisme français.
Alors Amel, sans trop de protocole, mais aussi, sans aucune gêne, est allée directement au but avec son amie de longue date:
- «Dis-moi Indira, tu ne peux pas expliquer ce soir à ton père, qu'il est temps de reconnaître le combat de notre peuple en Algérie? Tu sais, nous souffrons beaucoup..., la France n'est pas clémente avec notre peuple. Chaque jour, il y a des centaines et des centaines de morts. Le nombre d'orphelins et d'exilés augmente de plus en plus et la catastrophe est là, chez nous... Nous vivons plus qu'un Holocauste en Algérie...Je t'en prie, fais quelque chose... Car, ton pays pourra peser sur la décision des autres pays et des institutions internationales qui, à leur tour, prendront des positions qui vont beaucoup nous aider...»
Et Indira de lui répondre, très gênée, certes, mais intelligente au point de lui avoir soufflé la recette d'une meilleure intervention.
- «Je te comprends Amel, mais tu sais que le protocole ne me permet pas de m'immiscer dans cette importante affaire politique. Néanmoins, ce que je te recommande c'est de prendre mon père à l'improviste, quand nous serons, ce soir, au palais pour la réception officielle. Et, quand mon père arrivera avec les membres de la délégation, je te ferai signe de venir directement vers lui et là, je l'arrêterai et lui dirai: écoute Papa, c'est elle la jeune princesse dont je t'avais parlé et qui était ma camarade de classe à Oxford...Elle veut te saluer...Là, Amel, tu lui diras ce que tu viens de me dire; je te promets qu'il t'écoutera avec attention.».
Nehru: «L'Algérie doit être libre»
Tout s'est déroulé comme convenu entre les deux jeunes filles. Alors, tout en lui parlant, à Nehru bien sûr, dans un parfait anglais, elle a dégagé du veston de son tailleur un petit médaillon, frappé aux couleurs algériennes, pour le lui agrafer sur son costume. La photo originale ci-après nous montre le geste ô combien significatif de la jeune et impétueuse Amel. Et là, devant les flashs des photographes, elle a conclu, en éclatant en sanglots: «Je vous en prie, Monsieur le Premier ministre, faites quelque chose pour mon pays qui souffre sous le joug colonialiste français!».
Ainsi, au cours d'échange de toasts, pendant le dîner qui lui a été offert par le chef de l'État syrien, Choukri Bey Al-Kouatli, Nehru qui se ralliait aux autres Grands à Bandoeng, pour condamner le colonialisme et adopter le principe du neutralisme positif, annonçait publiquement qu'il comprenait le combat légitime du peuple algérien et qu'il l'approuvait. Mais une fois chez lui en Inde, il affirmait explicitement, le 5 avril 1956, lors d'un meeting à Allahabad: «L'Algérie doit être libre».
De là, et peu de temps après, venait de Bandoeng la réponse, non seulement à Amel, mais aussi au monde entier car, «Nehru, Chou En lai, Soekarno, Nasser, ont été convertis à la thèse anticolonialiste défendue par le FLN, qui dénonçait la politique de la France coloniale», comme l'affirmait Nora Chergui, au Forum de la Mémoire d'El Moudjahid le 21 avril 2018.
N'était-ce pas la reconnaissance, de fait, de la révolution algérienne? En effet, puisque El Amira, devant un parterre d'officiels, venait de réussir une prouesse qui allait donner certainement plus de poids et de résolution à notre lutte de libération. Le lendemain, tous les journaux syriens titraient en de grandes manchettes la prouesse de la jeune Amira Amel El Djazaïri.
L'un des médias titrait: «El Amel (l'espoir) pour l'Algérie vient de Amel». Elle en réussira d'autres, bien sûr, avec Abdelmalek Benhabylès qui a été le premier représentant du FLN dans ce pays et ensuite avec Abdelhamid Mehri qui l'avait suivie et, tant d'autres responsables après.
Les algériens du shâm
Pour conclure sur cette prouesse, nous disons qu'assurément il y a beaucoup d'histoires et d'événements, aussi importants les uns et les autres, qui ont eu comme théâtre Damas ou les autres villes du territoire syrien, pendant la révolution algérienne. Mais comme on ne peut les rapporter entièrement dans cet écrit, le peu que nous avons souligné est déjà révélateur, et démontre, s'il en est besoin, que les Algériens du Shâm ont grandement contribué à la lutte de Libération nationale qui les concernait au plus haut point.
Ainsi, si la révolution algérienne a été bien soutenue dans cette région, c'est parce que la Syrie, comme d'aucuns le savent, a été une plaque tournante et un pays d'accueil et d'exil pour les Algériens depuis des siècles. Le climat était favorable pour toutes les manifestations de soutien et d'actions concrètes pour aider la révolution. Beaucoup d'Algériens vivaient là-bas et vivent encore... quand les conditions ne pouvaient être que propices à une bonne entente et à un meilleur rendement dans le cadre d'une assistance concrète et directe. Un dernier mot pour terminer ce titre. Nous pouvons nous assurer que lorsque le GPRA avait son siège au Caire et à Tunis, Damas était le lieu de préférence des membres de ce gouvernement provisoire et de plusieurs responsables de la direction du FLN qui activaient énormément, à l'aise, dans un climat fraternel et stimulant, parce qu'en Syrie, l'aide était désintéressée et honnête.


 

 

Kamel Bouchama*
*Écrivain Auteur

De Quoi j'me Mêle

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