Nourredine Merdaci
Mon compagnon de route
Encore un «dinosaure» de la presse algérienne qui s'écroule en ce début 2025. Nourredine Merdaci nous a été ravi brutalement hier matin.

Il était âgé de 82 ans. Et il a guerroyé dans les salles de rédaction du mythique El Moudjahid, Algérie Actualité et de L'Expression de 1965 à 2018. Quel beau et singulier parcours! Sous sa conduite, ils étaient des centaines à avoir appris le métier de journaliste pour venir ensuite servir l'opinion nationale, tantôt en toute humilité, tantôt en pourfendeurs des mensonges qui «habillent» encore à nos jours les colonnes de nos journaux.
D'abord, l'homme: il était issu d'une famille constantinoise de grande lignée qui compte en son sein de brillants universitaires, essayistes et enseignants. Il était l'aîné d'une fratrie qui aura donné à l'Algérie ses meilleurs repères pour défendre autant son identité que son rêve d'exister à travers les péripéties de son histoire.
Ensuite, le journaliste: Nourredine a été l'un des acteurs clés de la génération des journalistes postindépendance qui ont contribué à la formation d'une presse de combat au service de la patrie. C'est comme ça qu'on peut le définir, et pas autrement.
Au quotidien L'Expression, il avait assumé avec brio les responsabilités de directeur de la rédaction puis celles d'éditorialiste, de chroniqueur et d'analyste politique. Avec sa disparition, c'est une grande école de journalisme qui s'en va!
Beaucoup d'ambassadeurs accrédités à Alger qui demandaient à être reçus au siège du quotidien L'Expression pour échanger sur des sujets d'actualité politique, parfois brûlante, repartaient impres-sionnés par la qualité et la finesse de ses analyses. Une noria de diplomates étrangers défilaient au journal parmi eux les ambassadeurs occidentaux (Etats-Unis, France, Russie, Chine populaire, Italie et d'autres représentant des pays arabes, africains et latino-américains). Un jour que nous recevions Robert Ford, l'ambassadeur américain qui avait décidément pris ses aises avec notre rédaction, Nourredine l'interpella violemment, sous les yeux éberlués de Brahim Takheroubt et de Madjid Ayad, sur le sort injuste réservé aux Palestiniens par Israël soutenu par les États-Unis. La sortie brutale de Merdaci avait plus que surpris, disons choqué, Mister Ford au point que j'ai dû intervenir personnellement pour ramener le calme dans ces débats.
Comme on dit chez nous en langage populaire, Nourredine avait décidé ce jour-là de «rôter» (tgaraâ) en pleine gueule de l'Amérique! Ce «rond de jambe» houleux s'est poursuivi sans que le diplomate américain s'offusque, ni ne tient rancune à Merdaci. Quel bonheur pour ce seigneur de la plume lorsqu'il voyait débarquer dans les couloirs de la rédaction d'autres grandes figures du journalisme algérien telles que Nourredine Naït Mazi, avec qui il avait partagé les moments fastes de la presse, ou l'écrivain Kaddour M'hamsadji, qui tenait la chronique littéraire, chaque jeudi, du journal.
Oui, le changement est le grand principe de la vie! Personne n'est éternel. Nourredine nous aura laissé le souvenir d'un grand journaliste, pétri de valeurs et d'une élégance morale, jamais égalées par certains de ses confrères. À lui seul, il incarnait le vrai leader d'opinion.
Dans son rêve algérien qui consumait ses tripes, il détestait ce journalisme inquisitorial qui faisait le «beurre» des nouveaux arrivés parmi certains de ses confrères enrichis grâce à la manne publicitaire.
Je me souviens de cette phrase qu'il avait lâchée en pleine conférence de rédaction à propos de médisances visant injustement un homme politique connu: «Je sais que dans la vie, Ahmed Fattani, il y a une chose plus terrible que la calomnie. C'est la vérité!»