Assassinat de Larbi Ben M'hidi
Macron reconnaît le crime d’Etat
Le président de la République française, Emmanuel Macron, reconnaît très officiellement le crime d'État commis contre le chahid Larbi Ben M'hidi. Dans un long communiqué transmis à notre rédaction par l'ambassade de France à Alger, le président Macron «reconnaît ce jour que Larbi Ben M'hidi, héros national pour l'Algérie et l'un des six dirigeants du FLN qui lancèrent l'insurrection du 1er Novembre 1954, a été assassiné par des militaires français placés sous le commandement du général Aussaresses». Ainsi, après Maurice Audin et Ali Boumendjel, tous deux tués par l'armée française et déclarés suicidé et disparu, le chef de l'État français fait un autre pas dans le sens de la reconnaissance des crimes coloniaux. Emmanuel Macron va jusqu'à assumer indirectement son propos sur la colonisation qu'il a qualifiée de «crime contre l'humanité». C'était la première fois qu'il évoquait à Alger le sujet, en qualité de candidat à la présidentielle française. «Depuis 2017, le président de la République, a entendu regarder l'Histoire de la colonisation et de la Guerre d'Algérie», fait remarquer le communiqué.
Cette Histoire, le président Macron affirme vouloir la voir «en sa vérité, dans le but d'aboutir à la constitution d'une mémoire apaisée et partagée». Cela revient à dire que dès le début, il savait l'ampleur du crime commis à l'encontre du peuple algérien depuis le premier jour de la colonisation. Ce n'était donc pas une exagération de sa part. Le communiqué transmis par la représentation diplomatique française en Algérie ne prononce pas l'expression «crime contre l'humanité», mais convoque la Déclaration d'Alger signé en août 2022, qui fonde une «ambition», que Macron dit partager avec son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune. Et d'affirmer que le président Macron «considère que le travail de vérité et de reconnaissance doit se poursuivre».
Le communiqué retrace le parcours du chahid Larbi Ben M'hidi, de sa naissance en 1923, à sa prise de conscience après les massacres du 8 mai 1945, à son rôle dans le déclenchement de la révolution armée et dans l'organisation du congrès de la Soummam pour aboutir à «la bataille d'Alger», dont il a été l'un des architectes. Le président français reprend à son compte une phrase d'Albert Camus: «Les noces sanglantes du terrorisme urbain contre les civils et de la répression de l'armée» et omet de citer la célèbre réplique du chahid: «Donnez-nous vos avions et nous vous cèderons nos couffins.» Allusion justement, au concept de terrorisme. C'est dire que le président français a encore du chemin à faire dans la reconnaissance des faits historiques de la guerre de Libération nationale.
«Comme le président de la République l'a déjà reconnu pour Maurice Audin et Ali Boumendjel, cette répression s'accompagna de la mise en place d'un système» coupable de crimes d'État et contre l'humanité. Le communiqué n'a certes pas prononcé ce genre d'expression, mais souligne que «dans ce contexte, parmi les très nombreuses personnes, innocentes ou coupables, qui furent arrêtées figurait Larbi Ben M'hidi». Coupable de quoi? Encore une question nécessaire qui exige une réponse courageuse.
Soulignant le courage, la bravoure et le charisme du chahid, le communiqué rappelle que «les hommes du 3e régiment de parachutistes coloniaux du colonel Bigeard se mirent au garde-à-vous et lui présentèrent les armes». Mais cela n'atténue pas la responsabilité de l'État français dans l'acte ignoble commis par le commandant Aussaresses. Un lâche assassinat que le Haut commandement de l'armée française a couvert et couvre encore. La reconnaissance de Macron lève ainsi le voile sur cette énième lâcheté coloniale. Le communiqué a cru bon de rappeler le propos du criminel Bigeard: «Quand on se bat contre un ennemi de valeur, il naît souvent une camaraderie.» Cela ne vaut pas une reconnaissance officielle. De même que l'intention de cet homme qui disait en 2002, vouloir «se rendre à Alger afin d'y déposer une gerbe de fleurs en hommage à Larbi Ben M'hidi». De la gesticulation stérile face à une responsabilité historique de tout un État.
Ce ne sont donc pas les preuves qui manquent. Mais le communiqué insiste néanmoins sur le fait que «la reconnaissance de cet assassinat» est un gage pour «le travail de vérité historique, que le président de la République a initié avec le président Abdelmadjid Tebboune», Macron qui veut voir ce travail se poursuivre missionne pour ce faire «la commission mixte d'historiens, mise en place par les deux chefs d'État, et dont le président de la République a validé récemment les conclusions». Sauf que cette validation n'a pas été suivie de faits concrets sur le terrain. L'Algérie est toujours en attente de l'exécution de ces conclusions.