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Révision de la constitution : Rupture systémique et partage des pouvoirs

La nouvelle République en gestation

La Constitution qu’attend le peuple doit être consensuelle, qu’on peut appliquer sans contrainte parce que celle-ci émane de la volonté populaire, car cohérente avec la vérité sociologique de notre peuple.

Dans tous les systèmes politiques, on observe différents canons d’interprétation. La lettre de mission que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune a envoyée aux experts porte sur sept axes que sont : les droits et les libertés des citoyens, la moralisation de la vie publique et la lutte contre la corruption, le renforcement de la séparation des pouvoirs et leur équilibre, le renforcement du contrôle parlementaire, le renforcement de l’indépendance de la justice, le renforcement de l’égalité entre citoyens devant la loi et enfin la constitutionnalisation des mécanismes d’organisation des élections.
En se référant à une assise constitutionnelle dans la création d’une instance nationale indépendante des élections dont les membres émanent de la société civile, le président vient d’asseoir une des revendications des partis et mouvement associatif. Cette considération met fin à toute ingérence de l’administration dans les opérations électorales rendant tout scrutin transparent et expurgé de toute fraude pouvant affecter le déroulement des élections.
Il faudra donc déterminer le support des articles constitutionnels inhérents à cette instance nationale indépendante de contrôle, d’organisation et de suivi jusqu’aux résultats du scrutin. C’est là déjà, un début de rapport de confiance entre gouvernés et gouvernants. Nous rentrons dans cette perspective où le citoyen est associé donnant au droit une image nouvelle de civilité citoyenne. Nous sommes loin de la théorie pure du droit dans notre société. Cette dernière reste tributaire de ses référents qui conduisent nécessairement aux exigences de cette révolution pacifique née le 22 février 2019.
La Constitution qu’attend le peuple doit être consensuelle, qu’on peut appliquer sans contrainte parce que celle-ci émane de la volonté populaire, car cohérente avec la vérité sociologique de notre peuple.
Nous devons offrir un texte simple respectant la hiérarchie des normes, dépouillé de toute opacité et résumant l’histoire de notre récit national. Notre héritage ancestral nous devons l’assumer sans le fragmenter. Il sera transmis aux générations comme témoin mémoriel de nos luttes durant toutes les étapes de notre histoire ancienne et contemporaine .Cette déconstruction peut paraître à certains dérangeante parce que nourrissant des revendications militantes.
Ceci nous amène à la notion de liberté que la lettre de mission du président de la République a remise à nos constitutionnalistes qui auront l’honneur de procéder au cadrage de cette Loi fondamentale. Elle s’inscrit dans le cadre de la défense des droits fondamentaux des citoyens et de la communauté nationale. Elle interdit tout asservissement de l’humain et toute infraction commise à l’encontre des libertés de conscience et d’opinion. La vie privée et l’honneur du citoyen dans sa dignité sont inviolables et protégés par la loi.

Bicéphalisme en régime bicaméraliste

Les libertés d’expression, d’association, de manifestations pacifiques, de réunions doivent être garanties au citoyen. Le droit de grève est reconnu ainsi que celui de créer des partis politiques et des associations sont garanties par la loi dans le respect des valeurs et composantes fondamentales de notre identité nationale, de notre unité nationale et son intégrité territoriale, à l’indépendance du pays, à sa sécurité et à la pleine souveraineté de notre peuple dans un Etat démocratique et républicain.
On peut dire qu’au travers de cette révision constitutionnelle les approches peuvent différer d’une vision à une autre. C’est pourquoi que « tout-texte n’est un texte que s’il cache au premier regard, la loi de sa composition et la règle de son jeu. Il faut bien le relire et le décortiquer » lorsqu’il s’agit d’opter pour une révision constitutionnelle. Déconstruire n’est pas détruire. C’est d’abord démonter les rouages du texte. Mettre à jour l’implicite, l’inaperçu pour réinterroger les présupposés pour ouvrir les nouvelles perspectives. Le concepteur, ensuite le législateur, écrit dans une langue et dans une logique sans pour autant dominer absolument le système. Il faut savoir déceler l’opacité derrière l’illusoire transparence.

Sortir du présidentialisme encombrant

Est- ce que le nouveau texte de révision constitutionnelle prête allégeance à la pensée libérale pour prouver qu’on est dans un monde où s’affirme la fin des idéologies ? C’est donc en fonction du contexte que nous élaborons cette révision. Le Premier ministre selon la Constitution en vigueur n’est autre que coordinateur de l’action du gouvernement et d’arbitrage lorsqu’il préside les Conseils inter ministériels. En quelque sorte il exerce une autorité politique. Il peut saisir le Conseil constitutionnel des lois votées avant promulgation.
Dans la Constitution algérienne de 2016, il est stipulé dans les articles de « 84 à 90 » que le président de la République, chef de l’Etat, incarne l’unité de la nation dans le pays et à l’étranger, qu’il est garant de la Constitution et s’adresse directement à la nation. Il est élu au suffrage universel direct et secret dont l’élection est acquise à la majorité absolue des suffrages exprimés. Les amendements apportés sont les suivants :
Art 85 il faut préciser quels genres de modalités doivent faire l’objet de modification dans la loi organique ? Art 86 « le président de la République exerce la magistrature suprême dans les limites fixées par la Constitution ». Il faut préciser si nous de la Justice que le « président du Conseil supérieur de la magistrature est élu par les magistrats » fixé par la loi organique. Dans l’article 91 alinéa 2 on peut ajouter : « Il peut nommer un ministre de la Défense nationale » et l’article 92 reste sans changement. Par contre l’article 93 : il faut remplacer « le Premier ministre par le chef du gouvernement qui présente le programme de son gouvernement ».
Cette modification est de nature constitutionnelle dans la mesure où le président nomme le chef du gouvernement de la majorité parlementaire qui présente son programme en Conseil des ministres… Ceci est entendu dans le cas de la cohabitation. Le président de la République nomme les membres du gouvernement après consultation du chef du gouvernement.
L’article 94 : « Le chef du gouvernement soumet le programme du gouvernement à l’approbation de l’APN. Celle-ci ouvre un débat général. Puis au Conseil de la Nation dans les mêmes conditions si les prérogatives de ce dernier sont étendues et fixées par la Constitution. »
L’article 95 qui stipule qu’en cas de non-approbation du programme par l’APN et le Conseil de la Nation, le chef du gouvernement présente la démission de son gouvernement au président de la République. Celui-ci nomme à nouveau un chef du gouvernement selon les mêmes modalités. L’article 96 reste inchangé. Les Assemblées élues assument la fonction du contrôle dans sa dimension populaire. Au Parlement, le gouvernement doit rendre compte de l’utilisation des crédits alloués au budget de l’Etat sanctionné par le vote pour chaque exercice budgétaire portant règlement de l’exercice considéré. Le Parlement peut entreprendre des commissions d’enquêtes parlementaires. Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement composée des deux chambres.
Il en contrôle l’action du gouvernement. Le parlementaire engage sa responsabilité devant ses pairs qui peuvent révoquer son mandat s’il commet un acte indigne de sa mission. La levée de son immunité est décidée à la majorité de ses membres (APN ou Sénat) pour crime ou délit. L’intéressé peut lui-même y renoncer.
L’article 97 s’écrit de la façon suivante : « Si l’approbation de l’APN et du Conseil de la Nation ne sont pas obtenues, les deux chambres seront dissoutes de plein droit. » Le reste sans changement. Dans l’article 98, il faut changer Premier ministre par chef du gouvernement qui doit présenter au Conseil de la Nation la déclaration de politique générale. Dans les articles 99, 100 et 101 il faut changer le Premier ministre par le chef du gouvernement. Peut-il demander au président de la République de convoquer le Parlement en session extraordinaire? Pour les autres attributions, les pouvoirs sont partagés entre les deux têtes de l’Exécutif comme le pouvoir de nommer aux emplois civils. Le domaine des affaires étrangères et celui de la défense sont du domaine réservé du Président de la République. La Constitution faisant du président de la République le chef des armées.

Responsabilité politique et pénale des membres du gouvernement

Le président de la République confie au gouvernement le soin de déterminer et conduire la politique de la Nation. Dans les faits, les principales décisions sont prises en Conseil des ministres. La Constitution permet-elle au Parlement de déléguer son pouvoir législatif au gouvernement par le biais des ordonnances ?
L’avis du Conseil d’Etat est nécessaire avant d’être adopté en Conseil des ministres. Ce qui nécessite la signature du président de la République qui peut la refuser. Presque toutes nos Constitutions se sont encombrées par des attributions absolutistes aux mains du président de la République. Il nous faut sortir vers des allées du pouvoir d’Etat plus clément et en partage avec les institutions de la République. En fait, il faut bannir à jamais toute forme de République monarchique dans l’Algérie historique, loin de tout « zaïmisme » ou forme dynastique qui peut se projeter dans les horizons. Il convient donc de définir notre régime politique en introduisant plus de partage dans la sphère de décision au sommet de l’Etat pour prévenir toutes formes de dérive autoritariste. Ceci se fera par la séparation et l’équilibre du pouvoir. Nous sortons de ce présidentialisme qui a rompu tout équilibre, où la prépondérance de l’Exécutif fut grandement renforcée. Nous devons nous acheminer vers un régime semi-présidentiel où le chef du gouvernement issu de la majorité partage les attributions qui lui permettent d’être véritablement responsable devant le peuple.
Il ne sera pas comme fondé de pouvoir ou majordome, mais agissant de concert avec le président de la République. Il n’est pas un « fusible » que le régime présidentialiste utilisait. Ce ne sera pas un régime hybride qui a mis une situation de confusion des pouvoirs versant vers un déséquilibre que nous offrira la Constitution de la nouvelle République. En régime bicéphale, les deux autorités se prévalent et se partagent. Mais le président doit s’assurer du soutien de la majorité parlementaire dans l’esprit de la hiérarchie des normes.
Les pouvoirs exceptionnels tels l’Etat de siège ou l’Etat d’urgence sont confiés au président de la République. Les membres du gouvernement doivent dès leur nomination adresser une déclaration de situation patrimoniale et d’intérêt au Premier ministre. Ces déclarations doivent être rendues publiques qui doivent être actualisées en cas de modification substantielle. Les mêmes déclarations sont exigées dès la cession de fonction. Les fonctions ministérielles sont incompatibles avec diverses autres activités dont l’exercice d’un mandat parlementaire.
Tout membre du gouvernement est politiquement responsable des actes de son administration. La sanction de cette responsabilité est la révocation ou la démission. Les ministres sont également pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. S’ils sont qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis, ils seront jugés par la Cour de justice de la République dont on définit sa composition et ses attributions. Le Premier ministre ou le chef de gouvernement dirige l’action du gouvernement et présente son programme devant les deux chambres parlementaires. Il est nommé par le président de la République. Sur proposition du Premier ministre, le président de la République nomme ses ministres. Le Premier ministre détient le pouvoir réglementaire. Donc le choix du Premier ministre est une prérogative propre du président de la République. Quant au choix des ministres, il est effectué par le chef de l’Etat sur proposition du Premier ministre ou du chef du gouvernement. La pratique démocratique et le fonctionnement des institutions conduisent le président de la République à choisir un Premier ministre qui a le soutien de la majorité parlementaire devenant désormais chef du gouvernement.

Une Constitution en rupture systémique

Le président de la République met fin aux fonctions du Premier ministre sur présentation de celui-ci, de la démission du gouvernement, soit le résultat d’un vote de défiance de l’Assemblée populaire nationale sur le programme du gouvernement ou sur une déclaration de politique générale. La fonction de ministre cesse en cas de démission collective ou individuelle.
Ainsi, on peut gloser et interpréter les dispositions d’une révision constitutionnelle dans l’esprit du droit constitutionnel, mais en voir l’application dans la doctrine et la jurisprudence en cours. Il faut donc apporter l’argumentaire nécessaire. Mais l’on observe que dans tous les systèmes, existent plusieurs canons d’interprétation. Il faut déterminer que ces questions ou ces actes de langage ont un support nous permettant de dire qui est obligatoire, permis ou interdit. Ce qu’on appelle communément la hiérarchie des normes. C’est en définitive ce rapport de pouvoir qu’il faut rechercher dans tous corpus constitutionnel. Ceci étant on se retrouve dans un régime où le pouvoir est exercé conjointement par le président de la République et son chef de gouvernement avec une répartition de leurs prérogatives. Si le président de la République est du même bord que son chef de gouvernement, les choses seront mieux appréhendées. La question constitutionnelle serait complexe si le président appartient à un parti de sensibilité différente que son chef de gouvernement.
Dans ce cas, on est plus dans une sorte de bicéphalisme, mais dans une dyarchie. En claire on se
retrouve dans une cohabitation où les rapports duels peuvent connaître des tensions jusqu’à arriver à ce que le président de la République puisse procéder, selon ses attributions constitutionnelles, à des élections législatives anticipées. Quant au bicéphalisme, cela nous ramène à un mode de fonctionnement basé sur une double sphère de décision de pouvoir.
Il est parfois accepté qu’au sommet de l’Etat où les compétences sont partagées entre le chef de l’Etat et le chef du gouvernement sans se soucier des préjugés de l’un sur l’autre et réciproquement. Donc le bicéphalisme est différent de la dyarchie dans laquelle il y a une répartition et non un partage du pouvoir entre les deux chefs de l’Exécutif qui auront des compétences distinctes.
On ne peut plus admettre la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme. C’est ce qui a laissé dire à Monsieur Abdelmadjid Tebboune que dans la prochaine Constitution de la nouvelle République, il faut savoir partager le pouvoir dans un équilibre et une séparation permettant de mettre les institutions à l’abri de déviance. Le juge n’obéit qu’à la loi. Il doit être protégé contre toute forme de pression, d’intervention, de corruption de nature à nuire à l’accomplissement de sa mission et de libre arbitre. La Cour suprême qui constitue l’organe de régulation des tribunaux, le Conseil d’Etat pour ce qui est des tribunaux administratifs, le Tribunal des conflits de compétence et la Haute Cour de l’Etat pour les actes qualifiés de haute trahison pour le président de la République et son Premier ministre ou chef du gouvernement sont les organes et instances de la gouvernance de l’Etat. C’est ce qui caractérise « l’Esprit des lois » c’est-à-dire le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. La démocratie sera alors le fondement de la souveraineté populaire que le suffrage universel actera. Le préambule donnera les contours de la doctrine de la Constitution.
C’est de cette histoire plusieurs fois millénaire marquée par ce combat incessant contre les oppresseurs et couronnée par la Révolution du 1er Novembre 1954 que l’Algérie a restauré son Etat imprégné des composantes fondamentales de son identité que sont l’islam, l’amazighité et l’arabe. Son passé, le peuple algérien l’assume avec fierté. Son destin communautaire d’une Nation libre, digne et fière se veut dans la continuité des luttes pour asseoir la justice sociale et se hisser dans le concert des nations développées.
C’est autour de ses grandes valeurs que la Constitution de la nouvelle République entend garantir les droits et devoirs des citoyens d’une Algérie, confiante dans ses capacités à œuvrer pleinement au progrès social, culturel et économique. Elle demeure solidaire avec toutes les causes justes de par le monde, car héritière des idéaux de paix et de liberté du message légué par notre glorieuse Révolution.
C’est de cette nouvelle Constitution que cette nouvelle République doit répondre à l’appel des générations mues par la recherche d’un destin qui exclut les ondes négatives pour plus de quiétude et de vivre ensemble. Le président de la République promulgue le texte de la Révision constitutionnelle, une fois qu’il est approuvé par le peuple par voie référendaire, qui sera exécuté comme Loi fondamentale de la République.


(*) Ancien parlementaire, ancien ministre, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature.

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