Du 20/01/1981 au 20/01/2025 : 44 années depuis la libération des otages américains en Iran
La médiation efficiente de l’Algérie
Le rappel chaque année de cet épisode nous permet de relever la solide amitié qui lie l’Algérie et les États-Unis en tant qu’États et peuples, ce qui en fait une assise importante dans les relations bilatérales.

Le jeudi 9 janvier 2025, le monde a fait ses adieux à une des personnalités ayant marqué la politique internationale, tout autant que son pays, durant les dernières décades du XXe siècle, lors de funérailles officielles à la Cathédrale nationale de Washington D.C., précédant la mise en terre au cimetière de la ville de Plains dans l'État de Géorgie. Il s'agit de l'ancien président américain Jimmy Carter (1977- 1981). Même si le monde vient de tourner la page de cette personnalité, il n'en demeure pas moins pour moi ayant été son contemporain de me rappeler un glorieux épisode de la diplomatie algérienne et dans lequel j'ai eu l'honneur de contribuer de par mes fonctions de ministre des Transports de l'époque. En effet, le 20 janvier 2025, nous avons commémoré le 44e anniversaire de la libération des otages américains détenus par des étudiants iraniens 444 jours durant, après l'attaque de l'ambassade américaine à Téhéran. Cet épisode a eu lieu dans des circonstances très difficiles que l'Iran avait connues après la chute du régime du Shah suite à la Révolution islamique dirigée par l'ayatollah Khomeyni en 1979, lorsque des manifestants ont pris d'assaut, à Téhéran, le siège de l'ambassade américaine, provoquant ainsi une crise diplomatique et sécuritaire de très grande ampleur dans les annales de la pratique diplomatique mondiale, dont le règlement n'a été réalisable que grâce à la médiation efficiente et efficace de l'Algérie.
Non-alignement et crédibilité
Cette date anniversaire me donne l'opportunité de revenir sur cet évènement, ses péripéties afin de mettre en exergue le rôle joué par l'État algérien à travers plusieurs départements ministériels à savoir les Affaires étrangères; les Transports et la Santé entre autres, dans le dénouement de cette crise qui a duré plus d'une année, réaffirmer la crédibilité et la notoriété de notre pays.
Auparavant, je voudrais faire un petit flash-back sur les faits. En représailles à l'asile accordé par les États-Unis d'Amérique au Shah d'Iran Mohamed Reza Pahlavi, ce qui a été considéré par les partisans de la Révolution, comme étant un acte hostile de la part des États-Unis en vue de saper la Révolution et de manoeuvrer en vue de le faire retourner au pouvoir, plus de 400 étudiants ont attaqué l'ambassade et pris en otage l'ensemble des personnes s'y trouvant mis à part six qui ont pu prendre la fuite. La crise durera 444 jours, du 4 novembre 1979 au 20 janvier 1981, avec tous les risques d'un embrasement et de l'éclatement d'un conflit armé. Après l'échec de toutes les voies prospectées dont celle de l'intervention militaire adoptée par le président démocrate Jimmy Carter en fin de mandat et en course pour sa réélection face au Républicain Ronald Reagan. Cependant, le début de la guerre Iran-Irak; la mort du Shah et l'élection de Ronald Reagan ont ouvert la voie royale devant la négociation. L'Algérie, forte de sa neutralité reconnue et de son engagement pour la paix, propose son aide comme intermédiaire à Jimmy Carter. Une proposition favorablement accueillie par les deux parties eu égard à la position de l'Algérie qui a toujours affirmé son non-alignement et sa crédibilité auprès des deux antagonistes. L'Algérie forte de son aura et des succès enregistrés par sa diplomatie dans la résolution pacifique de nombre de conflits à l'instar de celui qui opposait l'Iran à l'Irak entre autres. C'est alors qu'Alger commence à abriter une série de rencontres entre représentants iraniens et américains sous la houlette du défunt Mohamed Seddik Benyahia ministre des Affaires étrangères à l'époque. L'Algérie n'a pas hésité à intervenir dans le cadre d'une action de bons offices pour résoudre la crise. L'ancien secrétaire d'État adjoint américain de l'époque, Warren Christopher, faisait alors sans cesse la navette entre Alger et Washington. Ce marathon de négociations a finalement permis d'aboutir à un accord négocié en vertu duquel les otages ont été libérés, en échange d'un dégel des biens iraniens et d'une levée de sanctions contre l'Iran. Cet épisode a traduit concrètement la volonté affichée par le gouvernement et le peuple algériens pour agir sans aucun calcul dans une approche purement humanitaire et diplomatique. À ce titre et pour l'histoire, il y avait certes, Mohamed Seddik Benyahia qui pilotait côté algérien en tant que ministre des Affaires étrangères les négociations, mais il y avait également d'autres responsables qui ont contribué à ce dénouement par leur sagesse et clairvoyance, à l'instar de feu l'ambassadeur Redha Malek à Washington et l'ambassadeur Abdelkrim Ghrib à Téhéran.
En outre, il faut le dire clairement que l'État algérien était mobilisé pour réussir cette action. Plusieurs départements ministériels étaient également mobilisés en ces circonstances, entre autres le transport que j'avais l'honneur de diriger à cette époque.
Ruée des médias du monde entier...
D'ailleurs, c'est à ce titre que j'ai contribué dans les tractations liées aux négociations particulièrement dans le volet logistique, en proposant cette idée de faire ramener les otages à Alger par notre compagnie nationale Air Algérie ceci; d'une part.
Contrairement à la proposition américaine émanant de Warren Christopher relative à l'affrètement d'avions et de transporter les otages directement de Téhéran à un hôpital américain sis à Wiesbaden en Allemagne de l'Ouest à l'époque (ex- RFA, République fédérale allemande), j'ai proposé à Mohamed Seddik Benyahia de transporter les otages par des avions d'Air Algérie et de les faire transiter par Alger. La proposition retenue, il restait à définir l'itinéraire. C'est là où j'ai proposé l'alternative liée à l'itinéraire du vol vers Alger, en choisissant de passer par Chypre au lieu de passer par la Turquie comme c'était prévu initialement...Je me rappelle que nous avons officiellement annoncé que les avions allaient faire des escales aller-retour à Ankara en Turquie, d'où le rush et la ruée des médias du monde entier sur cet aéroport, alors qu'en réalité c'est Chypre qui avait été choisie pour l'escale. Cette stratégie de leurre a été adoptée en premier et dernier lieux pour des considérations d'ordre sécuritaire. Il s'agissait aussi d'une opération de marketing de premier plan pour le pavillon national Air Algérie.
Les pourparlers entamés en septembre 1980 et qui ne furent nullement une sinécure aboutirent le 19 janvier 1981 à la signature des accords d'Alger annonçant un dénouement heureux de la crise et le président américain nouvellement investi Ronald Reagan eut le loisir d'annoncer cette issue salvatrice 12 minutes, avant l'atterrissage des avions d'Air Algérie à l'aéroport Houari Boumediene. Finalement, cette crise de très haute intensité a permis à la diplomatie algérienne de démontrer toutes ses capacités en matière de facilitation des négociations et gestion des crises, en réussissant son dénouement.
La reconnaissance des autorités américaines aux efforts menés par l'Algérie était sans limite et la réussite de l'opération était totale, ce qui a donné lieu à des témoignages très expressifs de la part des otages américains libérés qui n'ont pas manqué d'éloges à l'égard des médecins algériens à Téhéran et des équipages des avions d'Air Algérie qui les ont transportés d'Iran, ainsi que
l'accueil chaleureux qui leur avait été réservé à 3h du matin dans le froid de janvier, à l'aéroport Houari Boumediene... Reconnaissantes, les autorités des États-Unis d'Amérique ont tenu à rendre hommage et à exprimer leur gratitude en décidant de décerner des décorations aux pilotes algériens qui ont eu la charge de transporter les 52 otages de Téhéran jusqu'à Alger.
L'hommage des autorités américaines
Par la suite, j'ai reçu en ma qualité de ministre des Transports, les P-DG de la compagnie américaine Boeing et de l'Exim-Bank. En cette occasion, il a été question de livrer à l'Algérie, dans l'immédiat 3 aéronefs de type Boeing 737 avec un taux d'intérêt exceptionnellement bonifié après mon intervention auprès du P-DG de l'Exim-Bank. Dans ce cadre, et afin de mieux exprimer leur reconnaissance au rôle de l'Algérie dans la libération des otages, les autorités compétentes ont décidé de faire bénéficier le pavillon national Air Algérie, de ce qui est communément dans le domaine de l'aviation civile américaine connu sous l'appellation de 5e Liberté. Ce privilège consiste à donner le droit à Air Algérie d'embarquer/débarquer dans un État tiers des passagers à destination/en provenance de tout autre État contractant.
Le gouvernement iranien pour sa part, a tenu à exprimer de son côté, sa reconnaissance à l'Algérie. Dans ce cadre, j'ai eu à accueillir une forte délégation iranienne composée de 40 personnes conduite par le ministre des Transports. Cette visite, intervenue tout juste une semaine après le dénouement de la crise des otages, a été mise à contribution pour formaliser et finaliser beaucoup d'accords de coopération.
La réussite de ces négociations sous la houlette de l'Algérie a conforté sa stature internationale; son aura et son prestige ont été renforcés. Les deux pays antagonistes n'ont pas manqué d'exprimer leur reconnaissance à l'Algérie. Une reconnaissance qui dure jusqu'à aujourd'hui. Les offres de coopération émanant de l'Iran et des États-Unis d'Amérique ont commencé à affluer et le rapprochement entre les gouvernements s'est renforcé, en témoigne la visite d'État effectuée par le défunt Chadli Bendjedid à Washington à l'invitation du président Ronald Reagan. Ce dernier, toujours reconnaissant envers l'Algérie en général et le chef de la diplomatie ayant mené les négociations ayant abouti au dénouement de la crise des otages, enverra Max Kampelman son ambassadeur itinérant au chevet de Benyahia lorsqu'il a été hospitalisé à Paris, suite à l'accident d'avion auquel il a survécu au Mali.
Idéaux novembristes
Cela a confirmé la relation fondée sur le respect mutuel entre l'Algérie et les États- Unis d'Amérique, des relations séculaires remontant à la période de la régence ottomane en Algérie, confortée par le soutien du président Kennedy à la Révolution algérienne et appuyée par le rôle joué par Robert Murphy, représentant personnel du président américain Franklin Delano Roosevelt, en recevant le Manifeste du peuple algérien des mains de Ferhat Abbas en décembre 1942. Enfin, le rappel chaque année de cet épisode nous permet de relever la solide amitié qui lie l'Algérie et les États-Unis en tant qu'États et peuples, ce qui en fait une assise importante dans les relations bilatérales qui les lient depuis la reconnaissance de l'indépendance des États-Unis par la Régence (1783), c'est dire que l'Algérie a été parmi les premiers pays à reconnaître l'indépendance des États-Unis. Pour conclure, il demeure certain que le resplendissement de la diplomatie algérienne a repris son droit de cité ces 5 dernières années. Le président Abdelmadjid Tebboune a fait du redéploiement diplomatique de l'Algérie sur les scènes régionale et internationale une priorité. Il a redynamisé la diplomatie devenue proactive et surtout offensive, fidèle à ses principes immuables établis par la proclamation du 1er Novembre 1954, le texte fondateur de la Révolution et de l'État national algérien. Ces idéaux novembristes, source d'inspiration de la politique étrangère actuelle de l'Algérie, en font la gloire et la fierté. Novembre est vraiment de retour comme je l'ai toujours affirmé.
*Président du Conseil de la nation.